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Commentaire d'arrêt / CE, 8 novembre 2017, GISTI.

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Par   •  1 Décembre 2021  •  Commentaire d'arrêt  •  3 286 Mots (14 Pages)  •  877 Vues

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Commentaire d’arrêt : CE, 8 novembre 2017, GISTI.

        « La dignité humaine ne se négocie pas, elle est une histoire de droit commun » de Souleyman Boel, écrivain et scénariste français. De cette citation ressort une idée fondamentale : le respect de la dignité humaine n’est pas une simple composante de l’ordre public mais bien un principe fondamental qui dépasse toutes les frontières du droit. La décision du 8 novembre 2017 rendue par le Conseil d'État reflète cette idée.

        En l’espèce, les autorités publiques ont procédé du 24 au 26 octobre 2016 à l’expulsion et à la réorientation vers des centres d’accueil des migrants qui s’étaient installés à Calais en bordure d’un terrain dans des campements précaires renommé « la Lande ». Les mineurs isolés et non accompagnés, dont le nombre a été évalué à plus de 1 500, ont eux été orientés vers des centres d’hébergement dénommés centre d’accueil et d’orientation des mineurs non accompagnés sur l’ensemble du territoire français, créés par une décision interministérielle portant création des centres d'accueil et d'orientation des mineurs non accompagnés et fixant leurs modalités d’organisation. Le 1er novembre 2016, le Ministre de la Justice a adressé une circulaire aux procureurs de la République et aux procureurs généraux une circulaire relative à la mise en oeuvre exceptionnelle d’un dispositif national d’orientation des mineurs non accompagnés dans le cadre des opérations de démantèlement de « la Lande ».

        Le groupe d’information et de soutient des immigré-e-s (GISTI) et autres associations et syndicats forment un recourt pour excès de pouvoir devant le juge administratif. En effet, ils contestent la légalité de la circulaire du 1er novembre 2016 et de la décision interministérielle, notamment en invoquant l’incompétence dont serait entachée la circulaire dès lors que son auteur n’a reçu aucune habilitation pour y énoncer de nouvelles règles en matière d’aide sociale à l’enfance, et en invoquant d’autre part l’incompétence de l’État, au titre de son pouvoir de police, pour procéder à la création des centres d'accueil et d'orientation des mineurs non accompagnés alors que la prise en charge des mineurs non accompagnés relève de la compétence du département. Ils contestent également la légalité des mesures en ce qu’elles méconnaissent le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, principe pourtant à valeur supranationale. Le groupe GISTI et autres en demandent alors l’annulation pour excès de pouvoir.

        Pour statuer, le juge devra d’abord vérifier si les actes qui lui sont soumis peuvent légalement être contestés devant lui par la voie du recours pour excès de pouvoir. Il s’agira ensuite de répondre à la question suivante :

        En quoi l’intervention de l’État est justifiée par le devoir de sauvegarde de la dignité humaine mais qui, en l’absence de textes la prévoyant, doit être contrôlée?

        Dans sa décision du 8 novembre 2017, le Conseil d'État rejette la demande en annulation formée par le GISTI et autres. Il déclarera notamment irrecevable la demande en annulation contre la circulaire en raison de son défaut de caractère impératif qui fait d’elle un acte qui ne peut être légalement contesté devant le juge de l'excès de pouvoir. Cependant, il ne conviendra pas d’évoquer cette partie de la décision dans le développement qui suit. D’autre part, le Conseil d’État justifiera la légalité de ces mesures par le devoir de sauvegarde de la dignité humaine et les circonstances de la situation qui nécessitent l’intervention de l’État, intervention qui restent soumises à condition.

        Le Conseil d’État démontre dans sa décision que la prise en charge des mineurs non accompagnés par l’État a été rendue nécessaire au nom du principe de la dignité humaine (I). Cependant, le Conseil d'État a nécessairement du procéder à un contrôle de l’intervention de l’État dans la prise en charge de ces mineurs, qui restent soumises à conditions en l’absence de textes (II).

I - La prise en charge des mineurs par l’État rendue nécessaire au nom du principe de la dignité humaine.

        La prise en charge des mineurs par l’État a été rendue nécessaire par le devoir de sauvegarde du principe de la dignité humaine incombant à l’État, notamment parce que le caractère exceptionnel et l’ampleur de la situation dépassaient les compétences du département, qui présentait donc une carence (A) et parce que les enjeux du devoir de sauvegarde de la dignité humaine dépassaient de toute évidence le simple intérêt local qui guide le département dans son action (B), ce qui nécessité l’intervention d’une autorité plus importante : l’État.

        A/ L’intervention de l’État justifiée par le risque d’une atteinte au principe en raison de la carence du département.

La logique de décentralisation poursuivie par la France implique que le législateur a du définir les domaines de compétence de chacun, comme celle du département en matière d’action sociale à l’enfance. Dans sa décision, le Conseil d'État en fait le rappel en énonçant qu’en vertu de l’article L221-1 du code de l’action sociale et des familles, le service de l’aide sociale à l’enfance est un service non personnalisé du département qui est chargé d’apporter un soutient matériel, éducatif et psychologique aux mineurs confrontés à des difficultés les mettant ou risquant de les mettre en situation de danger et de mener en urgence des actions de protection en faveur de ceux-ci et de pourvoir à leur besoin. En somme, le service d’aide sociale à l’enfance offrait une prise en charge dans des conditions respectants le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant et celui de la dignité humaine. Le Conseil d'État rappelle, conformément à sa jurisprudence antérieure, que le département détient une compétence de principe selon laquelle il était chargé de prendre en charge l’hébergement des mineurs confiés à l’aide sociale à l’enfance et de pourvoir à leur besoins, ainsi que de procéder à leur accueil provisoire en cas d’urgence. Le Conseil d'État reconnait donc comme il l’énonce, « qu’une obligation particulière pèse sur ces autorités lorsqu’un mineur privé de la protection de sa famille est sans abri et que sa santé, sa sécurité ou sa moralité est en danger ».

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