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Commentaire arrêt Bertrand 1997

Dissertation : Commentaire arrêt Bertrand 1997. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  1 Octobre 2016  •  Dissertation  •  6 214 Mots (25 Pages)  •  1 346 Vues

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Commentaire d’arrêt : Bertrand c./Domingues et autres, civ.2ème, 19 fév.1997

Au commencement, il y avait l’article 1384. Si prévisible, comparé à « un long fleuve tranquille » (O.Gout), l’article ne visait que des cas de responsabilité dérogeant au principe général inscrit aux articles 1382 et 1383, comme les articles 1385 et 1386. Cette époque est révolue. La faute aux arrêts « Jand’heur » ou « Blieck ». Ils ont « inventé un bout de phrase » (Terré). Ils l’ont transformée en « une série de torrents boueux et sinueux » à tel point que « ceux qui s’aventurent à emprunter ses rapides en sont souvent pour leur frais ; et parfois, ils se noient tant les chutes et les obstacles qui la caractérisent sont peu prévisibles » poursuit O.Gout. Pour survivre, il faut naviguer sur un « épouvantable byzantinisme » (H.Croze), entre une méthode d’interprétation généraliste et une autre casuistique. Mais il reste que pour les fomentateurs, « pour qui déplore la logorrhée législative et règlementaire, on ne peut que regretter cette époque. Mais le pastiche a ses raisons que la raison ne comprend pas : une personne n’est pas une chose » déclamait F.Terré. Les controverses suscitées par le revirement opéré dans l‘arrêt Bertrand le 19 février 1997 viendront illustrer ces propos.

Pour peu que l’on cherche, les situations factuelle et judiciaire de cet arrêt se conçoivent aisément : le 24 mai 1989, une collision survenait entre une motocyclette et une bicyclette conduite par un enfant âgé de 12 ans. Blessé, le conducteur de la motocyclette, demandeur, allait demander à une date inconnue réparation du préjudice subi au père de l’enfant mineur, pris comme civilement responsable, ainsi qu’à son assureur, l’UAP, tous deux défendeurs.

Confirmant un premier jugement devant une juridiction civile compétente, les magistrats bordelais, en appel, retenaient la responsabilité du père sur le fondement de l’article 1384, alinéa 4, du code civil. C’est justement ce que celui-ci reprochait dans son pourvoi devant la Cour Suprême : il faisait grief à la Cour d’appel de n’avoir pas recherché l’existence d’un défaut de surveillance, prétendant que la présomption de responsabilité des parents d’un mineur pouvait être écartée non seulement en cas de force majeure ou de faute de la victime, mais également par la preuve de l’absence de faute dans la surveillance et l’éducation de l’enfant.

Ainsi la seconde chambre civile eût à résoudre la problématique suivante, dont la valeur principielle mérite attention : quels moyens les parents doivent-ils invoquer pour se soustraire à la responsabilité que fait peser sur eux l’article 1384 alinéa 4 du code civil? Leur suffit-il de prouver qu’ils n’ont pas failli au devoir de surveillance que la loi impose à l’égard de leurs enfants ou doivent-ils prouver le fait étranger –le fait de la victime ou la cause étrangère- dans les termes d’une responsabilité de plein droit ?

Quoique fidèles à la tradition doctrinale et jurisprudentielle sur laquelle reposait jusque-là la responsabilité des parents, fondée sur une présomption simple de faute, les prétentions du père de l’enfant se virent opposer une fin de non recevoir par la Haute Juridiction en ce 19 février 1997. N’en déplaise à la sécurité juridique : « Mais attendu que, l'arrêt ayant exactement énoncé que seule la force majeure ou la faute de la victime pouvait exonérer M. X... de la responsabilité de plein droit encourue du fait des dommages causés par son fils mineur habitant avec lui, la cour d'appel n'avait pas à rechercher l'existence d'un défaut de surveillance du père ».

Le revirement initié par l’arrêt Bertrand symbolise avant tout le couronnement de l’objectivisation et la restriction des conditions d’exonération de la responsabilité parentale (I). Mais il annonçait également la « fin de la pluralité des modèles » (P.Jourdain), l’harmonisation des régimes de responsabilités du fait autrui sur la ligne d’une responsabilité de plein droit. Et qu’importe si de nouvelles interrogations devaient résulter de l‘unification (II).

I-Du couronnement de l’objectivisation à la restriction des conditions d’exonération

Le diptyque « faute-responsabilité » semble voué aux gémonies d’une société archaïque, qui n’aurait pas connu l’industrialisation et le machinisme. La jurisprudence civile en a pris progressivement conscience en remettant en cause le primat de la faute présumée en matière de responsabilité parentale (A) avant de parvenir in fine, avec l’arrêt Bertrand, à la perfection de son objectivisation (B).

A-La faute, ce fondement traditionnel mais controversé

Attendu que « la cour d’appel n’avait pas à rechercher l’existence d’un défaut de surveillance du père », sous entendu rechercher l’existence d’une faute. Tel était le verdict : adieu la faute. La sentence était pourtant loin de s’imposer à l’esprit avec la force de l’évidence compte tenu du long règne qu’a exercé la faute présumée (1). Mais certains indices étaient perceptibles avant l’arrêt Bertrand (2).

1-La responsabilité parentale à l’heure de la faute présumée

 -Essor et primat : culpa in educando ou in vigilando. Sans ambages, la Cour de cassation avait affirmé dès 1955 que la responsabilité parentale reposait sur une faute dans l’éducation ou la surveillance : “La responsabilité du père, en raison du dommage causé par son enfant mineur habitant avec lui, découle de ses obligations de surveillance et de direction sur la personne de ce dernier” (Cass. 2e civ., 12 oct. 1955). Et au même arrêt, conformément aux exigences de l’article 1384 alinéa 7, du code civil, d’offrir la faculté aux parents de combattre la présomption de faute en établissant “qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité”.

D’une jurisprudence fournie (Cass. 2e civ., 20 juill. 1957 - Cass. 2e civ., 31 janv. 1958 – 13 juin 1968), les commentateurs s’accordaient à dire que les discussions portaient sur l’absence de faute de surveillance. Diverses données ont été ainsi prises en considération : le caractère dangereux de l’activité (civ.2ème, 16 octobre 1968), le caractère de l’enfant (civ.4 mars 1987 exonérant les parents suite au jet malencontreux d’une équerre par un enfant docile et studieux) ou son âge, ce dernier paramètre ayant influé sur l‘homogénéité

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