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Le travail est-il un supplice?

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Par   •  5 Novembre 2021  •  Dissertation  •  2 326 Mots (10 Pages)  •  781 Vues

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                                      DISSERTATION DE PHILOSOPHIE

Le travail est-il un supplice ?

         « Le travail est-il un supplice? » Voilà une question qui nous suggère que le travail pourrait

être autre chose - mais quoi donc ? Il ne semble pas en tout cas être un « délice » pour les

personnes faisant grise mine dans le métro bondé, à 7H du matin : la fatigue, la difficulté de se

lever, l’ennui, le stress, autant de « supplices » , puisque telle est bien la définition de ce mot

signifiant « une peine corporelle , une torture douloureuse, entrainant généralement la mort »

Certes, le travail ne nous tue pas, immédiatement du moins, mais il est perçu comme une peine.

Et d’ailleurs l’étymologie du mot « travail » le confirme puisque elle vient du latin tripalium qui

désigne un instrument de torture. Et comme si cela ne suffisait pas pour nous prévenir contre le

travail, il faut remarquer encore que la définition économique du travail l’assimile à une certaine

quantité de peine. Mais, si on peut facilement assimiler le travail à un supplice, le fait de ne pas

pouvoir travailler s’apparente aussi à un supplice. L’homme inactif, improductif, ne souffre-t-il

pas aussi ? Pensons au chômeur qui souffre de son ennui , de son sentiment de vacuité, ou

d’inutilité sociale. Donc si le travail est et n’est pas un supplice, alors il faut penser qu’il y a une

ambiguïté dans la notion qui vient de ce que le même terme sert à désigner des activités très

différentes. On dit que le PDG d’une grande entreprise « travaille », que la caissière d’un

supermarché « travaille », que le pilote d’avion « travaille » , que le professeur « « travaille », que

l’élève « travaille » aussi.... Mais quel rapport y-a-t’il entre ces différentes activités où certains

voient un épanouissement et parfois un délice, tandis que d’autres les subissent comme une

punition et comme un supplice. Alors nous pouvons demander : Dans quelle mesure faut-il dissocier  le terme travail de son étymologie et donc le considérer comme autre chose ?

 Ainsi une clarification de la notion de travail s’imposera d’abord pour montrer qu’il a changé de valeur au cours de l’histoire: méprisé et conçu comme une punition, le travail est progressivement apparu comme ce qui fait la dignité même de l’homme. Néanmoins il faudra alors comprendre comment cette valorisation moderne du travail a échoué jusqu’à présent à métamorphoser le travail en délice. Et peut-être n’y aura-t’il pas d’autre solution ici que de tenter une valorisation paradoxale de ce supplice par lequel nous devenons des êtres humains. Le travail est bien un supplice, mais c’est le supplice par lequel l’homme devient homme.

         

         Le travail a changé de valeur au cours de l’histoire. D’abord méprisé et assimilé à une sorte de

punition, dans l’Antiquité, il a été ensuite valorisé comme le moyen de réalisation

de soi pour l’homme. Dans l’antiquité l’homme qui travaille est l’esclave. Et ce travail est bien

conçu comme une sorte de douleur, de malheur qui vient torturer le corps de l’esclave, et même

l’empêcher d’être pleinement humain. Le maître par opposition a l’esclave ne travaille pas.

Hannah Arendt dans La Condition de l’Homme Moderne explique que ce n’est pas parce que le

travail étaient réservé aux esclaves qu’il était méprisé, mais c’est parce qu’il était considéré

comme méprisable qu’il était réservé aux esclaves. Mais qu’est-ce qu’il y a de si douloureux dans

le travail ? C’est la soumission à la nécessité biologique des besoins. L’esclave en travaillant

produit des biens qui disparaissent dans la consommation. Il faut faire la soupe, on la mange et il

ne reste plus rien de ce que l’on a fait. Il faudra recommencer demain. L’esclave contrairement à

l’artisan ne peut jamais admirer une œuvre qu’il a fabriquée et qui a une certaine permanence. Le

travail est différent de l’œuvre. Il est seulement ce processus vital de production et de consommation et le travailleur est réduit à la vie animale (zoê) sans pouvoir atteindre à la liberté

de pouvoir choisir son existence (bios) , privilège du maître. Ainsi pour Hannah Arendt remarque

que le travail s’accomplit dans la maison (oikos, mot qui a donné l’eco-nomie) , par opposition à

l’agora, la place publique qui n’est accessible qu’au maître. Dans la maison règne la nécessité et

la soumission aux besoins. Sur l’agora la liberté et la scholê, c’est-dire le loisir. Ce loisir qui n’a

rien à voir avec les vacances permet à l’homme libre de prendre soi de lui soit en agissant (vita

activa) pour montrer qui il est , soit en contemplant (vita contemplativa) pour se cultiver lui-

même. Et le plus grand malheur de l’homme est bien de ne pas pouvoir prendre soin de lui-même:

voilà le supplice que constitue le travail, car quel malheur plus grand peut-il y avoir que de ne

jamais pouvoir s’occuper de soi !

          Mais ce travail, qui paraissait devoir être réservé aux esclaves, va progressivement changer de

valeur. Même si malheureusement l’esclavage va perdurer jusqu’au XIX siècle (abolition

en France le 27 avril 1848, loi Schoelcher), l’idée de réserver le travail aux esclaves pour libérer

certains hommes a perdu de son évidence. Tout au contraire, il apparaît que la liberté passe par le

travail. L’homme libéré des besoins c’est l’homme qui travaille. On a typiquement ce changement

de valeur chez Voltaire qui à la fin du Candide affirme: « le travail éloigne de nous trois grands

mots, l’ennui, le vice et le besoin ». Si le travail éloigne de nous l’ennui, c’est qu’il est le remède

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