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Le language nous éloigne t'il du réel

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Par   •  25 Octobre 2021  •  Cours  •  6 636 Mots (27 Pages)  •  2 025 Vues

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                                         Le langage nous éloigne-t-il du réel ?

Pour répondre à une telle question nous pouvons commencer par supposer quel serait le rapport de l’homme au réel sans langage pour comprendre par la suite ce que le langage ajoute ou retire.

Sans langage l’homme ne pourrait nommer le réel, il serait alors pleinement immergé en lui. Sans médiation entre lui et le réel, il collerait à la réalité, serait englué en elle. Il se confondrait avec le réel, avec ses sensations, pareil à l’animal, pris dans un présent absolu. Le seul réel auquel il aurait à faire serait celui de son environnement immédiat dont il subirait les stimulations sensorielles. Il n’y aurait, par conséquent, pas de distance entre lui et le réel, mais alors celui-ci ne saurait devenir « ob-jet » de représentation. Il serait comme l’enfant dans sa phase d’indistinction, non pas un sujet qui pense et se distingue de son environnement, mais une sorte d’en soi, une chose parmi les choses fondue dans le réel. Sans langage, autrement dit, le réel n’apparaît pas dans la lumière de la pensée, il demeure obscur, senti mais non pensé.

On comprend donc, par distinction, que le langage crée une distance avec le réel (le langage n’est pas le réel, sinon il ne saurait le signifier), mais que cette distance est en même temps la condition de son apparaître dans la lumière d’une conscience. Une réalité qui ne peut être dite ne semble pouvoir être pensée, on pense avec des mots, et une réalité non pensée est comme une pénombre en attente de la lumière qui la fera être (à moins qu’il existe une pensée au-delà des mots).

Quels sont donc les rapports entre la pensée et le langage ? Le langage est-il instrument pour la pensée ? Peut-on parler d’une pensée indicible ? Le langage est-il un moyen ou une entrave pour saisir le réel ?

Les rapports de la pensée et du langage

Le langage est-il simple instrument de la pensée ?

La pensée semble précéder le langage. L'intelligence peut être présente sans qu'il y ait langage tandis que le langage ne peut exister sans l'intelligence. Il suffit pour le comprendre de se référer au chimpanzé faisant preuve d'intelligence en répondant à certains problèmes pratiques (il peut casser la branche d'un arbre et s'en servir comme outil pour saisir une nourriture, il est aussi capable de faire un détour pour appréhender un aliment). On est en droit de penser que le chimpanzé n'a pas de langage complexe parce que son intelligence est limitée comparée à celle de l'homme. L'homme possède un véritable langage que parce qu'il est l'être le plus intelligent.

Aussi, lorsque j'ai une idée et que je cherche mes mots pour l'exprimer il est possible d'interpréter cette expérience comme une preuve que la pensée précède le langage.

Le langage n'est pas une nécessité biologique qui s'impose à l'homme, d'ailleurs il existe diverses langues, ce qui suffit à révéler la contingence du langage. Cette diversité fait signe vers la liberté de la pensée qui choisit sa propre langue, et donc de façon logique précède le langage.

Le langage n'est donc pas un fait biologique. Ce qui appuie encore cette idée c'est qu'il n'a pas d'organe propre. Le langage ne dépend donc pas des organes qu'il utilise pour se réaliser, il dépend de la pensée. Cela constitue une preuve supplémentaire pour confirmer que le langage est précédé par la pensée. La pensée est  capable de s'exprimer par le biais d'autres organes que ceux de la voix lorsque ceux-ci sont par exemple lésés. Ainsi, les sourds et muets ont aussi leur propre langage.

Ce n'est pas par nécessité biologique que les hommes ont substitué la parole aux gestes mais pour des raisons pratiques (comme l'explique Darwin le langage par geste était encombrant pour le corps et impossible de nuit). L'exemple d’Hélène Keller est particulièrement éclairant pour montrer que le langage est indifférent aux organes qui servent à le réaliser mais qu'il dépend de la pensée. Elle est sourde, muette et aveugle. Elle ne possède pas le langage (ce qui confirme que le langage humain n'est pas inné). Mais elle va découvrir le langage par un long apprentissage qui  consiste à faire correspondre les objets qu'elle touche à des signes que l'on dessine sur sa main, lorsqu'elle saisit cette relation par la pensée alors elle possède le secret du langage. Encore une fois, le langage n'est donc pas un fait biologique il est fonction de la pensée, il n'est pas un instinct inné, mais il nécessite un apprentissage, il est artificiel (le sourd ne parle pas si on ne lui apprend pas à le faire).

La pensée ne se construit-elle pas plutôt par et dans le langage ?

Après cela on accepte que la pensée de droit précède le langage. Or, de fait on constate que l'individu s'insère toujours dans une société qui le précède. Le langage propre à cette société sera le sien et précédera  donc chronologiquement sa pensée. Ainsi, l'enfant apprend le langage souvent même avant que sa pensée se développe et qu'il comprenne la signification du langage avec lequel il est en contact. "L'enfant n'a pas premièrement des pensées qu'ensuite il communiquerait, mais c'est plutôt dans son propre langage qui l'émerveille qu'il trouve ses pensées" explique Alain. Le fait même de chercher ses mots ne signifie pas que la pensée précède le langage car  nous cherchons les mots à l'aide d'autres mots et il n'existe pas de pensée sans mots. La pensée silencieuse est un langage intérieur. Platon écrira dans le Cratyle  que la pensée est un dialogue intérieur de l'âme avec elle-même. De plus, l'analyse physiologique révèle que lors de la pensée intérieure les appareils articulatoires et phonatoires entrent en mouvement même s'ils ne donnent pas lieu à une parole perceptible. En réalité comme l'explique Merleau-Ponty il n'y a pas de pensée sans parole, le langage ne fait pas qu'exprimer la pensée, il constitue la pensée. La relation entre les deux n'est pas extérieure, l'un et l'autre sont inextricablement mêlés. La pensée n'a de réalité que dans le langage. Hegel écrit dans  Encyclopédie « c’est dans le mot que nous pensons ». Une pensée qui ne peut se formuler, qui demeure confuse n'est pas vraiment une pensée. Seule l'expression prouve la réalité d'une pensée. Ainsi par exemple en psychanalyse on attend du patient qu'il exprime par le langage son inconscient. De cette manière l'inconscient peut être pensé et on se libère de son emprise, le langage apparaît alors comme la condition de la pensée consciente. Aussi, les idées générales sont impossibles sans le langage, les mots sont abstraits et renvoient à des classes d'objets, ils sont la condition de possibilité de dépasser le particulier et donc condition de la pensée.

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