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Le Bonheur

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Par   •  15 Mai 2013  •  4 048 Mots (17 Pages)  •  767 Vues

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Bonheur et Philosophie

Eric Delassus

« Car comment serait-il possible, si le salut était là, à notre portée et qu'on pût le

trouver sans grande peine, qu'il fut négligé par presque tous ? Mais tout ce qui

est très précieux est aussi difficile que rare. »

SPINOZA, Ethique,

Livre V, scolie de la proposition XLII

Si le bonheur pose problème à la philosophie c'est parce que l'idiot ou l'ignorant eux aussi peuvent

paraître heureux, c'est également parce que l'opinion de la foule pose le bonheur comme la fin

ultime de toute existence humaine.

La question est donc de savoir si l'idiot ou l'ignorant peuvent vraiment être heureux et si ce que la

foule appelle bonheur est digne de ce nom.

Le bonheur pour le simple d'esprit confère au petit bonheur tranquille et « béat » de celui qui se

satisfait d'une existence médiocre, hélas cette béatitude n'a rien à voir avec les transports que

procure la contemplation du vrai et se rapproche plutôt de l'hébétude. La bêtise consiste en effet à

s'étonner sans questionner et à se satisfaire d'un monde que l'on ne comprend pas et qui satisfait

d'autant plus qu'il paraît incompréhensible.

Et c'est bien là ce qui gène le philosophe de voir que l'étonnement qui est la source même de la

philosophie

1

peut aussi être la source de la plus grande stupeur qui comme son nom l'indique rend

stupide.

C'est la raison pour laquelle Descartes préfère parler d'admiration pour désigner notre surprise face

à l'ordre d'un monde que nous voulons comprendre

2

et réserver le terme d'étonnement à cet excès

qui frappe l'esprit de paralysie

3

(il ne faut pas oublier que le terme français -étonnement- vient du

latin attonare qui signifie frapper du tonnerre).

Un tel étonnement est à l'origine de ces formules toutes faites, dont le caractère assommant n'est pas

à démontrer, telle : « la nature est bien faite » ou « pour être heureux il suffit de ne pas se poser de

questions et de prendre la vie comme elle vient ». Certains poussent même d'ailleurs la bêtise à son

point culminant en qualifiant de telles maximes de " philosophie de la vie ".

Une telle « philosophie » si elle peut en effet conduire au bonheur, ce ne peut être qu'à un bonheur

comparable à celui de la bête sans conscience, qui ne peut que vivre en accord avec la nature pour la

simple et bonne raison qu'elle est plongée en elle et ne dispose pas d'une liberté lui permettant de

s'en écarter.

Mais ce qui nous intéresse ici c'est le bonheur humain, le bonheur de celui qui en tant qu'homme ne

se satisfait pas d'une nature animale qui lui est donnée, mais se doit de réaliser sa nature d'homme

qui est à conquérir.

Pour le plus grand nombre cette conquête se réduit à la quête du plaisir immédiat et à la satisfaction

de tous nos désirs, le bonheur consisterait donc alors en ce que Kant nomme justement un « idéal

de l'imagination »

4

irréalisable parce qu'en total désaccord le plus souvent avec la réalité.

Et bien entendu ceux là même qui réclament un tel bonheur se désolent et se rendent malheureux

car jamais la réalité ne les satisfait, eux qui demandent l'impossible.

À la question de savoir ce qui est la cause d'une telle insatisfaction Spinoza répond très clairement

dans les premières pages du Traité de la réforme de l'entendement

5

lorsqu'il met en lumière le

1 « C'est en effet l'étonnement qui poussa les premiers penseurs aux spéculations philosophiques.(...) Or s'apercevoir

d'une difficulté et s'étonner, c'est reconnaître sa propre ignorance. » Aristote, Métaphysique, A.2. Trad. J. Tricot,

Vrin.

2 « L'admiration est une subite surprise de l'âme qui fait qu'elle se porte à considérer avec attention les objets qui lui

semblent rares et extraordinaires. » Descartes, Traité sur les passions de l'âme, 2° partie, Art. 70

3 « ...l'étonnement est un excès d'admiration qui ne peut jamais être que mauvais. » id., ibid., Art. 73

4 Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, 1785, 2° section, trad. Delbos, Delagrave, pp. 131-132.

5 Spinoza, Traité de la réforme de l'entendement, O.C. la Pléiade, pp. 102 à 1042

caractère quantitatif des objets poursuivis par le plus grand nombre, qui donc n'a jamais assez de

richesses, de gloires, d'honneurs ou de plaisirs des sens puisqu'il peut toujours imaginer la

possibilité

...

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