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Le vrai et le faux

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Par   •  22 Novembre 2017  •  Cours  •  1 694 Mots (7 Pages)  •  1 067 Vues

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Le vrai et le faux

On pourrait penser que la question de la vérité est moins intéressante que celle de la fausseté : vérité peut sembler simple, évidente ; ruses et techniques qui sous-tendent la fausseté paraissent à l’inverse innombrables. Quels sont les visages de la fausseté ? (i) La dissimulation de la vérité : eroneia (le dissimulé chez Théophraste p.ex.), (ii) le mensonge, la tromperie intentionnelle, (iii) le demi-mensonge : taire une partie de la vérité pour faire croire à Autrui ce qu’on veut lui faire croire (formes plus ou moins retorses), (iv) le personnage fictif, (v) l’illusion(nisme), (vi) la fausseté,… Champ divers ! Le champ de la vérité est-il lui aussi divers ? Que peut-on entendre par vérité ? Cf. fragment 1 du Poème de Parménide.

Poème allégorique. Comment la vérité elle-même s’y présente-t-elle, sous quels traits ? Interrogeons-nous d’abord sur le vocabulaire grec établissant la distinction du vrai et du faux. « Vérité » s’exprime par alêtheia : construit avec un préfixe privatif (a-), et le mot lêthe (oubli, dissimulation, ce qui est caché). « Faux » est désigné par pseudos, qui vient de pseudo/pseudomai (mentir, tromper). Pseudos peut signifier tromperie, mensonge, etc. Pseudes (forme adjectivale) s’applique à un énoncé faux, mais aussi à celui qui la prononce : ne distingue pas l’énoncé de la personne. De la même manière, alêthes se rapporte indifféremment à la personne et à l’énoncé (mais plus à la personne qu’à l’énoncé dans le premier sens du terme). Signifie aussi digne de foi, digne de confiance, franc, sincère, etc. Idée que le vrai est un prédicat logique est épistémologique, mais aussi éthique ou existentiel.

Ambiguïté de ces termes qui ne différencient pas nettement (i) mensonge et tromperie (pas de référence à l’intentionnalité), (ii) dimension personnelle, subjective d’un comportement et la dimension objective de ce qui est dit (le sens le plus ancien est certainement le sens personnel, par ailleurs). Pseudes englobe aussi tout ce qui est fictif, fabriqué ; par opposition, alêthes renvoie à tout ce qui est réel : dimension ontologique. Les Maîtres de vérité en Grèce archaïque, Marcel Detienne : alêthes renvoie à l’effectivité, alors que pseudos renvoie au fait qu’une chose trouve pas d’accomplissement particulier. Pseudos ne s’oppose pas en premier lieu à alêthes, mais à étumos (ce qui est effectif). Vaste spectre de signifiants de pseudos et alêthes. Dans un texte comme l’Apologie de Socrate, la pensée ou la réflexion (comme capacités) sont mises sur le même plan que l’âme, la psuché : il s’agit ici de la vérité de la personne comme telle. Derrière ce passage se retrouve un thème plus général qui traverse la philosophie antique, le thème du souci de soi (tel qu’il apparaît dans l’Alcibiade p.ex. Cf. Foucault/Libera) : veiller à donner à sa vie sa forme la plus accomplie. Aristote parlerai ainsi du faux dans le discours comme du faux dans la personne : « nous appelons fausses les choses qui produisent des images fausses ». Idée que l’existence peut être contaminée par la fausseté dès lors que cette existence est tournée vers la volonté de tromper, de dissimuler.

Problème : deuxième mot en grec pour la fausseté, apathé. Connote plutôt l’intention de tromper, la ruse : sépare l’énoncé faux et la personne fausse. Si pseudos signifie d’abord fabriqué ou feint, il s’oppose donc à étumos ; tandis que alêtheia s’oppose plutôt à apathé. La sophistique monte en épingle la notion d’apathé comme une force : le menteur est supérieur à celui qui dit la vérité, car celui qui ment est efficace, il parvient à ses fins. Chez Platon, la raison invoquée est que le menteur, pour mentir, doit savoir qu’il ment, donc connaît la vérité ; alors que celui qui dit la vérité pourrait la dire par hasard. Supériorité cognitive (mais non morale) du menteur sur celui qui dit la vérité. Sophistes mettent en avant la notion de technê qui président à la fabrication du faux : enseignent l’apathé, l’art de tromper, d’induire en erreur. Cet apathé rassemble un certain nombre d’images : courbe, tortueux, oblique, par opposition à ce qui est droit (donc ce qui est juste). Ne s’oppose pas qu’à l’alêtheia, mais aussi à la dikê, la justice. On pourrait aussi évoquer le vocabulaire de l’hamartia (illusion, folie) : aveuglement, perte du bon sens, etc.

Soit ambiguïté profonde du mot alêtheia : opposé de pseudos, d’apathé, mais aussi de lêthé. Alpha privatif intriguant : la vérité est privative, c’est la négation de la fausseté (faux serait le positif… ?) Quel est le sens de lêthé ? A quoi s’oppose la vérité d’un point de vue étymologique ? Deux interprétations : lêthé comme illusion et lêthé comme oubli.

Première interprétation : M. Heidegger (Essais et conférences, chapitre « Alêtheia », p.311 éd. Tel Gallimard). La vérité consiste à dévoiler l’être de l’étant, c’est révéler l’unverborgenheit (mouvement de devenir hors de la dissimulation), la non-latence. L’être serait pensé par les Grecs à travers ce mot comme dévoilement, désoccultation. La lêthé serait à comprendre comme secret, comme latence, comme ce qui est caché. Selon Heidegger, l’expérience

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