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Voyage en terre de Brésil, Jean de Léry

Commentaire de texte : Voyage en terre de Brésil, Jean de Léry. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  26 Février 2013  •  Commentaire de texte  •  4 097 Mots (17 Pages)  •  1 697 Vues

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ndre la prodigieuse aventure du voyage au Brésil : la curiosité, qui caractérise les hommes de la Renaissance, possédés par la passion de connaître, de découvrir et d'apprendre ; le désir de " servir à [la] gloire " de Dieu, notation intéressante qui superpose le temps de l'aventure vécue et celui -vingt ans après - de la rédaction de cette aventure : servir Dieu désigne en effet dans l'esprit de notre auteur, aspiration à la libre pratique du culte réformé et sans doute aussi le zèle missionnaire qui animaient le jeune calviniste Léry en partance pour l'Amérique ; mais le narrateur de 1578 - homme d'âge mûr et survivant rescapé des tourmentes terribles des guerres de religion, devenu entre temps pasteur et ayant exercé son ministère dans les villes de Charente assiégées par les armées catholiques - entend par " servir Dieu " porter témoignage contre la forfaiture " papiste " dont ses compagnons et lui-même ont été victimes au cours de leur expérience brésilienne.

Voilà donc qui suggère une diversité d'intentions que nous allons tenter de mettre en lumière par un résumé succinct de l'Histoire d'un Voyage en terre de Brésil telle que Jean de Léry nous l'a transmise. En 1555, Nicolas de Villegagnon, se faisant passer pour un ardent défenseur de la cause calviniste, gagne la faveur de l'amiral de Coligny et obtient du roi Henri II le financement d'une expédition destinée à fonder une colonie française - la future France Antarctique - sur la côte du Brésil. Villegagnon atteint la baie de Rio, qu'on appelle alors baie de Ganabara, et s'installe sur une île de cette baie qu'il baptise île de Coligny ; parmi ses compagnons figure André Thevet, le futur adversaire de Léry. Villegagnon écrit à Calvin, à Genève, pour lui demander l'envoi d'un contingent de réformés qui complèteront sa colonie. C'est ainsi qu'un petit groupe de volontaires, dont fait partie Jean de Léry, s'embarque pour le Brésil en novembre 1556 et aborde dans l'île de Coligny en mars 1557. Au début tout se passe bien entre Villegagnon et la petite communauté genevoise. Certes, Léry juge surprenantes certaines attitudes de Villegagnon, qui contraint les voyageurs à travailler à la construction de Fort Coligny dès leur arrivée après une traversée éprouvante, et qui d'autre part fait preuve d'une singulière ostentation dans ses pratiques religieuses ; néanmoins il apprécie le zèle calviniste manifesté par Villegagnon dans l'organisation de la vie spirituelle et morale de la colonie. Cependant les relations ne tardent pas à se dégrader et Villegagnon, écrit Jean de Léry, jette enfin le masque : non seulement il se comporte de plus en plus ouvertement en despote qui brutalise tous ceux qui se trouvent sous sa domination, mais il se révèle comme étant un imposteur, un catholique impénitent qui n'avait feint la conversion au calvinisme que pour abuser Coligny et servir ses ambitions personnelles. Les incidents se multiplient dès lors entre les Genevois et Villegagnon, qui menace finalement de les mettre aux fers. Léry et ses compagnons décident donc de quitter précipitamment Fort Coligny et de s'installer sur la terre ferme. C'est là qu'ils vont vivre quelques mois, de la fin octobre 1557 au début janvier 1558, mêlés à l'une des tribus indiennes (les Tupis, ou Tupinambas) qui habitent la frange littorale de l'immense forêt amazonienne. La coexistence des huguenots avec les indigènes est pacifique, amicale et confiante ; Léry déplore assurément que les Indiens - " nos pauvres sauvages ", comme il les appelle souvent avec une sympathie apitoyée - demeurent obstinément païens et cannibales ; mais il ne cesse en même temps de louer leurs vertus naturelles et d'opposer leur absolue franchise et la loyauté sans faille dont ils font preuve à l'égard de leurs amis à la duplicité du traître Villegagnon et aux vices multiples de la société française. Durant ce séjour de quelques mois (et non pas d'un an comme il le dit dans son récit), Léry a pu en effet observer les Indiens Tupis et le milieu dans lequel ils vivent. Son observation, consacrée à la faune, à la flore et aux mœurs des indigènes, est d'une telle minutie, d'une telle exactitude et d'une telle richesse documentaire qu'à cet égard le livre de Léry est considéré comme la première des grandes monographies ethnologiques consacrées aux populations indiennes du Brésil ; Claude Lévi-Strauss, qui s'y réfère sans cesse dans Tristes Tropiques et qui aime à se reconnaître avec Jean de Léry des affinités fraternelles, salue en son ouvrage le " bréviaire de l'ethnologue ", le " chef d'œuvre de la littérature ethnographique " (8).

Mais Léry et ses compagnons, dans les premiers jours de janvier 1558, décident de quitter le Brésil et de regagner la France. Ils embarquent donc sur un vaisseau chargé de bois brésil en partance pour les côtes bretonnes. A peine ont-ils pris la mer qu'une tempête les retient dans les parages de l'île de Coligny, ce qui permet à Villegagnon de leur adresser un ultime message : qu'ils reviennent sur l'île et leur seront accordés le pardon et la liberté de conscience et de culte.

Quelques huguenots, dont Léry, se laissent prendre à cette promesse. Léry cependant change d'avis au tout dernier moment, car un de ses amis restés à bord lui a tendu la main pour l'arracher au canot qui devait le ramener à terre et l'a mis en garde contre les assurances de Villegagnon. Geste providentiel, à n'en point douter : quelques mois après le retour en France, Léry apprendra que trois des malheureux huguenots trop confiants ont été exécutés par noyade sur l'ordre de Villegagnon, qui avait tenté vainement de les contraindre à l'abjuration. La traversée se poursuit donc, mais les voyageurs doivent subir une dernière et terrible épreuve : une famine, à laquelle ils n'échappent " in extremis " que grâce à leur arrivée en vue des côtes françaises au mois de mai 1558.

Voilà donc l'aventure vécue par Léry, ou plutôt le récit passionnant et passionné qu'il nous en a laissé. Il suffit d'en prendre connaissance pour y discerner le foisonnement thématique et stylistique qu'il peut contenir. En se plaçant lui-même, ainsi que nous l'avons dit, au centre de son récit, en faisant passer tout ce qu'il décrit et raconte par le prisme de son regard, de sa sensibilité, de ses convictions, Léry engage son livre dans des voies multiples qui le rendent impossible à définir et à cerner simplement : c'est un récit d'aventures

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