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Misère De L'Homme - Blaise Pascal (Pensées)

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Par   •  28 Décembre 2014  •  1 324 Mots (6 Pages)  •  1 535 Vues

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Rien n'est plus capable de nous faire entrer dans la connaissance de la misère des hommes, que de considérer la cause véritable de l'agitation perpétuelle dans laquelle ils passent toute leur vie.

L'âme est jetée dans le corps pour y faire un séjour de peu de durée. Elle sait que ce n'est qu'un passage à un voyage éternel et qu'elle n'a que le peu de temps que dure la vie pour s'y préparer. Les nécessités de la nature lui en ravissent une très grande partie. Il ne lui reste que très peu dont elle puisse disposer. Mais ce peu qui lui reste l'incommode si fort, et l'embarrasse si étrangement, qu'elle ne songe qu'à le perdre. Ce lui est une peine insupportable d'être obligée de vivre avec soi et de penser à soi. Ainsi tout son soin est de s'oublier soi-même et de laisser couler ce temps si court et si précieux sans réflexion, en s'occupant de choses qui l'empêchent d'y penser.

C'est l'origine de toutes les occupations tumultuaires des hommes, et de tout ce qu'on appelle divertissement ou passe-temps, dans lesquels on n'a en effet pour but que d'y laisser passer le temps, sans le sentir, ou plutôt sans se sentir soi-même, et d'éviter en perdant cette partie de la vie l'amertume et le dégoût intérieur qui accompagneraient nécessairement l'attention que l'on ferait sur soi-même durant ce temps-là. L'âme ne trouve rien en elle qui la contente. Elle n'y voit rien qui ne l'afflige, quand elle y pense. C'est ce qui la contraint de se répandre au-dehors, et de chercher dans l'application aux choses extérieures, à perdre le souvenir de son état véritable. Sa joie consiste dans cet oubli ; et il suffit pour la rendre misérable, de l'obliger de se voir et d'être avec soi.

On charge les hommes dès l'enfance du soin de leur honneur, de leurs biens, et même du bien et de l'honneur de leurs parents et de leurs amis. On les accable de l'étude des langues, des sciences, des exercices et des arts. On les charge d'affaires ; on leur fait entendre qu'ils ne sauraient être heureux, s'ils ne font en sorte par leur industrie et par leur soin que leur fortune, leur honneur, et même la fortune et l'honneur de leurs amis, soient en bon état, et qu'une seule de ces choses qui manque les rend malheureux. Ainsi on leur donne des charges et des affaires qui les font tracasser dès la pointe du jour. Voilà, direz-vous, une étrange manière de les rendre heureux. Que pourrait-on faire de mieux pour les rendre malheureux ? Demandez-vous ce qu'on pourrait faire ? Il ne faudrait que leur ôter tous ces soins. Car alors ils se verraient et ils penseraient à eux-mêmes ; et c'est ce qui leur est insupportable. Aussi après s'être chargés de tant d'affaires, s'ils ont quelque temps de relâche, ils tâchent encore de le perdre à quelque divertissement qui les occupe tout entier et les dérobe à eux-mêmes.

C'est pourquoi quand je me suis mis à considérer les diverses agitations des hommes, les périls et les peines où ils s'exposent à la Cour, à la guerre, dans la poursuite de leurs prétentions ambitieuses, d'où naissent tant de querelles, de passions, et d'entreprises périlleuses et funestes ; j'ai souvent dit que tout le malheur des hommes vient de ne savoir pas se tenir en repos dans une chambre. Un homme qui a assez de bien pour vivre, s'il savait demeurer chez soi, n'en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siège d'une place : et si on ne cherchait simplement qu'à vivre, on aurait peu de besoin de ces occupations si dangereuses.

Mais quand j'y ai regardé de plus près, j'ai trouvé que cet éloignement, que les hommes ont du repos et de demeurer avec eux-mêmes, vient d'une cause bien effective, c'est-à-dire du malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne nous peut consoler lorsque rien ne nous empêche d'y penser et que nous ne voyons que nous.

Je ne

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