Elements de Philosophie (1941) livre 2 Chap. 16, ALAIN (“il y a de la difficulté sur le terme d’inconscient [...] d’ordre moral”)

Emile Chartier, plus connu sous le pseudonyme de ‘Alain’, ancien professeur de philosophie au lycée Henri IV et reconnu pour ses écrits journalistiques, est un des plus grands critiques de la théorie Freudienne d’un inconscient psychique. Dans cet extrait d’ ‘Elements de philosophie’ (1916), Alain dégage une erreur fondamentale dans cette notion psychologique d’inconscient qui est celle de complètement déconstruit le sujet, une deconstruction qui amènerait à croire en un “autre Moi” que Moi, exerçant des forces obscures sur mon esprit que je ne puisse comprendre et qui, du même coup, déresponsabilise ce Moi qui n’est plus, pour citer Freud, “le maître dans sa propre maison”. On peut alors se demander dans un premier temps s’il existe réellement un mécanisme semblable à l’inconscient qui échapperait à la conscience, puis pourquoi nous ne pouvons pas alors imaginer l’existance d’un autre Moi en moi-même et comment cette erreur peut engendrer un faute morale pour le sujet.

En premier lieu, Alain affirme l’existance d’un “mécanisme” qui “échappe à la conscience” (l.3). En disant ceci, il s’oppose d’abord à l’idée fondamentale dans la théorie Freudienne que l’inconscient est un élément psychique, venant de l’esprit même. En faisant allusion à un “mécanisme” Alain se réfère plutôt au modèle cartésien de l’Homme, comme l’union d’une machine (le corps) et de l’esprit (la conscience), et un mouvement de la machine sur l’esprit qui en résulterait les ‘passions’ ou bien même ‘pensées obscures’, tandis que chez Freud ces mêmes ‘passions’, qu’il appelle ‘inconscient’ est une partie même de la psyché. En effet, Alain dit que cette action mécaniques “fournit des résultats” sur l’esprit, sans pour autant qu’on en ai conscience - il prend notamment l’exemple de la peur, qui advient sans que l’on puisse y trouver une cause certaine.

En ce sens, la “nature humaine” mentionné dans ce texte est utilisé pour distinguer les phénomènes qui arrivent à la conscience humaine, que la conscience cependant ignore, et qui serait alors inconsciente de la même manière que l’instinct animal est inconscient. Ce disant, l’auteur démontre ensuite que l’ “On ne dit pas de l’instinct animal qu’il est inconscient”, prouvant ainsi l’absurdité de vouloir affirmer que la nature humaine est inconsciente. “Il n’y a point de conscience animale devant laquelle l’instinct produise ses effets” : en effet l’instinct, ou les passions de la bête, font bien partie de sa conscience. On penses de l’instinct animale qu’il est une condition naturelle de la conscience animale, et ainsi telle serait la maniere de penser la nature humaine.

Alain établit alors que “l’inconscient est un effet de contraste dans la conscience”, faisant le portrait d’un sujet qui ne contiendrait donc pas, comme chez Freud, un inconscient antagoniste et séparé du lieu dans la psyché réservé à la conscience, mais un sujet où les passions humaines font partie du même lieu que la conscience, seulement mis en contraste avec ce qui est conscient, présent à l’esprit. Alain utilise l’ironie afin de dénoncer cette notion d’un inconscient séparé et agissant seule, prenant l’ampleur d’une autre entité au sein de l’esprit: il dit de l’inconscient que c’est un “personnage mythologique”, “imaginé” par le psychologue, un personnage légendaire, une histoire que l’on raconte. De la même manière il dira “le Freudisme, si fameux, est un art d’inventer en chaque homme un animal redoutable”. Alain laisse donc entendre par ailleurs que le travail psychanalytique Freudien n’est rien d’autre finalement

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