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Qui est la personne ?

Dissertation : Qui est la personne ?. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  24 Avril 2018  •  Dissertation  •  2 800 Mots (12 Pages)  •  485 Vues

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Qui est la personne ?

Demander « qui » est la personne revient à interroger forcément ce qu'est un être humain, en effet dans de nombreuses langues, comme en français, on différencie le pronom interrogatif désignant un humain et une chose. Ce sera "qui" contre "que", "kto contre "chto" en russe ou "who" contre "what" en anglais. Cela exclut les emplois métaphoriques du mot "personne", tels qu'on les trouve en grammaire pour conjuguer les verbes. Le "je", première personne du singulier, par exemple, n'est pas quelqu'un, mais bien quelque chose. Il nous faut exclure aussi l'utilisation métaphorique de la personne dite morale, notion juridique qui prête des qualités presqu'humaines à des entités juridiques, comme des entreprises, pour pouvoir exister légalement. La construction attributive « qui est x ? » suppose qu'on ne connaisse pas vraiment x, c'est donc supposer une identité cachée derrière ce nom de "x", et vouloir qu'elle soit révélée. La question implique donc que l'identité de la personne est moins apparente qu'elle n'y paraît. Demander "qui est x" peut aussi signifier un choix : x est défini par tels traits, et n'en contient pas tels autres, ou les exclut. Ainsi, je peux dire de quelqu’un qui aura beaucoup changé : « je ne le reconnais pas, ce n’est plus la même personne », comme si l’enveloppe charnelle cachait la personne, ou en tout cas, comme si une partie importante de la personne était dissimulée à la vue. Ces traits caractéristiques de la personne doivent relever en partie du choix, et ne peuvent pas être déterminés seulement par la nature. Ainsi, on pourra même concevoir chez les humains une personnalité distincte de la nature de la personne, c’est le cas du genre, qui peut différer du sexe biologique, mais c’est aussi le cas pour la couleur de peau, la masculinité ou la féminité dont on peut considérer parfois qu’ils relèvent de la construction culturelle et sociale et pas de la nature. La personne serait donc nécessairement complexe, mais distincte du simple corps. Mais pour une personne, que signifie « être » ? A quels moments, peut-on dire qu’une personne « est » ? Peut-on comprendre une personne seulement à sa mort, une fois qu’elle aura épuisé le temps de réaliser toutes ses possibilités ? Peut-on penser qu’un être humain n’est pas une personne à certains moments, dans un état végétatif, par exemple ? Quel est le caractère spécifiquement personnel donc de la l’humain ? L'étymologie attribuée à "personne" renvoie au monde du théâtre, un domaine spécifiquement humain, et au masque des acteurs antiques, la "persona". Ce masque témoigne ainsi concomitamment de la personnalité puisque les traits exagérés du masque visent à exprimer le caractère. Si l'on en reste à cette étymologie, la personne est donc l'apparence sociale d'un type humain spécifique. Mais l'interrogation portant sur "qui est (vraiment) la personne", peut amener à sonder l'identité derrière le masque social. Nous arrivons donc à déterminer une identité double : l'apparence sociale et l'identité cachée, sous-jacente, profonde, de la personne. Cette deuxième partie peut même être cachée à la personne consciente elle-même. Ainsi, nous pouvons vivre sans nous-mêmes nous comprendre entièrement, en ayant des réactions dont la logique nous échappe, en réagissant d'une façon que nous regrettons ensuite. Cette interrogation est d'ailleurs spécifiquement une interrogation "personnelle", seule l'espèce humaine se demande ce qu'elle est : les autres espèces animales ne s'interrogent pas sur leur identité en tant qu'espèce, ni sur leur place au sein du règne animal.

Nous verrons donc la problématique : Que se cache-t-il derrière l’apparence de chacun ?

L’homme en effet semble pris dans la toile de la société et il semble impossible de l’en isoler, au point qu’elle le façonne et qu’il veuille parfois lui-même s’y réduire. Cette omniprésence de la société pourrait faire croire à l’absence de la personne : elle est si multiforme qu’on peut douter de son existence unie, et même si on la considère comme une, elle est agitée de mouvements contradictoires et qui nous échappent ; la personne est ainsi dédoublée quand elle agit et se juge en même temps. Mais c’est peut-être cette complexité qui la définit ontologiquement : elle rassemble sa singularité et l’aspiration à l’universel, tandis que la conscience de soi fait le lien de cette tension, qui est aussi une tension temporelle vers le futur et sa propre finitude.

Définir l’homme a occupé une grande partie de la philosophie. Pourtant, ce n’est pas tant l’homme seul qui a pu être traité mais bien l’homme dans sa relation aux autres, dans la société, dans sa relation à la cité ; c’est ainsi qu’Aristote a pu qualifier l’homme d’animal politique. La spécificité humaine est donc la société, à un stade beaucoup plus élevé même que les animaux sociaux, comme les abeilles : l’homme a la particularité de créer des Etats (Politique, I, 1). Ce n’est ainsi qu’avec les autres que j’existe : le « je » (que je le dise ou pas) est une affirmation de la personne qui doit avoir un public. Et même pour des pratiques personnelles solitaires, comme le journal intime, on aura une forme de dédoublement entre le scripteur et le lecteur, le travail consistant justement à faire coïncider ce que j’ai vécu avec ce que je tire de cette expérience pour le « moi » qui me lit. A l’inverse, si je me fais une réflexion à voix haute et qu’on me surprend, je vais sentir de la gêne parce qu’il m’importe de tenir le champ de la personne en tant qu’être social, de ne pas être pris en faute dans ce champ, et ne pas faire apparaître dans cet espace des éléments qui relèvent exclusivement de l’intime.

Et comme nous existons dans la société, aussi la société nous façonne-t-elle. Ainsi, des domaines qui sembleraient relever de l’identité profonde de la personne, de sa « personnalité », ou de son intimité varient-ils selon la société où vit la personne. Ce qui relève du libre arbitre, et à ce titre évidemment la morale, est ainsi considéré comme « une chose qui ne peut que s’acquérir » d’après Kant dans La Religion dans les limites de la simple raison (I,I, 3). C’est un double mouvement intéressant puisque considérer que tout homme est doté de cette qualité pourrait laisser supposer que c’est un don naturel, alors que c’est acquis. Mais il en est de même du langage, dont tous les hommes sont dotés, et qui ne peut être acquis qu’en société. Dans Principes de la philosophie du droit, Hegel rappelle que le droit romain avait pour principale faiblesse de ne pas considérer les femmes, les enfants et les esclaves comme des personnes ; on peut en déduire que les philosophes de l’Antiquité ne se posait pas cette question, du fait de la société qui les avait vu naître. On peut aussi en déduire que les femmes, les enfants et les esclaves n’avaient pas le sentiment d’être des personnes, leur rapport au monde et même leur conscience de soi étaient affectés par la société dans laquelle ils vivaient. Il en est de même pour des pratiques d’une extrême variété dans le monde comme la façon de manger, de se vêtir (ou pas), au point qu’aujourd’hui l’humanité peine à se trouver des invariants, même le refus du parricide et de l’inceste que Claude Lévi-Strauss avait identifiés comme tels. On pourrait en déduire qu’il n’y a que la société qui existe, qu’aucune singularité personnelle n’est possible en dehors du groupe.

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