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Autrui.

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Par   •  27 Février 2018  •  Cours  •  5 922 Mots (24 Pages)  •  850 Vues

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I. Introduction / Problème

        Il y a un fait dont on peut partir et qui est totalement incontestable : toute notre existence est d’abord expérience des autres. Je suis toujours entouré de toutes parts par les autres, mon existence me semble plus ou moins aller de soi, car ils existent toujours déjà là avant moi, et dont l’existence aussi parfois m’encombre. Cependant, autrui, ce n’est pas simplement les autres. Sinon, pourquoi existe-t-il deux mots différents ?

On peut commencer par affiner la compréhension de la différence entre « autrui » et « les autres » par l’étymologie : « autrui » est un suffixe de comparaison qui signifie textuellement « l’autre de 2 », donc « alter » est un « tu » face à un « je », par opposition à « l’autre parmi plusieurs » qui en latin se dit avec un autre mot : « alius », qui désigne l’autre de parmi plusieurs. C’est donc un « il » quelconque, un autre entre autres, cela désigne n’importe qui et personne en particulier. Cela caractérise donc cette masse vague et indifférenciée qui se trouve autour de nous.

« Alius » est un « je » face à un « il(s) » ; « alius » est un dérivé d’ « alienus », qui signifie « qui appartient à un autre », ou « qui est étranger », ou enfin « qui est hostile ». Un aliéné, c’est l’étranger à soi-même ; le « travail aliéné » est une expression de Marx dans Le Capital : pour lui, c’est le fait de travailler pour un autre que soi, qui fera sur notre dos du profit qui lui rapportera beaucoup plus que le salaire qu’il nous versera à la fin du mois. Le travail est aliéné également en ce sens que le travailleur ne décide pas du travail qu’il fait. Il est donc une chose au service d’une autre, c’est le principe d’étrangeté à soi-même : le travailleur dans son travail se retrouve étranger à ce qu’il fait.

En allemand, « mensch » veut dire « homme », de là nous pouvons comprendre « mitmensch », qui veut dire « l’homme avec moi » ; comprenons aussi « nebenmensch » : « l’homme à côté de moi ». Enfin, le terme d’« étranger » n’existant pas chez les allemands, ils utilisent – et particulièrement durant la seconde guerre mondiale – le mot « untermensch » : « le sous-homme ». Le « mitmensch », c’est en fait celui qui partage ma condition humaine, c’est là-dessus que les allemands insistent.

Max Stirner souligne que le « je » habite au centre de son monde avec sa « propriété », le titre de son œuvre fondamentale est à ce titre absolument renseignant : L’unique et sa propriété. Mais en même temps, ce monde propre est toujours aussi un monde partagé, auquel on ne peut en aucune manière échapper. En allemand, le « monde » se dit « welt », Stirner écrit de la manière suivante « monde avec (les autres) » : « mitwelt ». C’est en ce sens que Merleau-Ponty (philosophe français) va dire dans La phénoménologie de la perception que le monde est « inter-monde », c’est-à-dire que autrui n’est pas simplement un autre indistinct, qu’il n’est pas non plus seulement un sujet rival, mais qu’il est « pris dans un circuit qui le relit à nous ».

Cette idée est présente dans des phrases de la vie la plus quotidienne (« ne fait pas à autrui ce que tu ne voudrais que l’on te fasse »…), phrases qui rappellent et soulignent qu’autrui est un autre moi-même, à qui je dois le respect, pour qui je dois avoir des égards, dont je dois tenir compte, pour qui je dois réfréner mon égoïsme. Si je dois avoir des égards pour autrui, c’est justement parce qu’il est comme moi et que justement je ne voudrais pas que l’on me fasse ce que je m’apprête à lui faire. Autrui n’est donc pas un autre en général, mais l’autre ici présent qui me fait face et dont je dois tenir compte.

Tout le problème qui se pose est alors le suivant : est-ce que cette présence d’autrui est-elle si évidente que cela ? Est-ce que cette présence est d’emblée donnée ? Est-ce que cette rencontre est une rencontre sans problèmes ? Ou encore, si nous voyons bien tous les autres qui nous entourent, est-ce que nous voyons tous bien autrui ? Donc au contraire, est-ce qu’autrui n’est pas plutôt une expérience qui se construit peu à peu et que certains ne construiront peut-être jamais (thèse soutenue par Nietzsche) ? Enfin, est-ce qu’autrui n’est pas également une expérience fondamentale pour le « Je », en ce sens qu’il construit, qu’il élabore quelque chose pour la conscience de soi ?

        En résumé, l’enjeu de cette leçon est donc de se demander ce qu’il y a de spécifique dans la relation à autrui, ce qu’on y découvre, ce qui s’y joue de particulier vu la particularité d’autrui. Derrière ces questions, nous devons voir que l’enjeu est encore et toujours la question du sujet, mais aussi la question de l’objet, c’est-à-dire est-ce que je suis capable d’un rapport à un autre sujet que je n’instrumentaliserais pas et que donc e ne transformerais pas en objet ?

II. La révélation chrétienne : ce qu’elle suppose et ce qu’elle apprend

Ce qui traverse toutes les cultures, c’est que c’est le premier mouvement qui consiste à identifier le semblable à celui qui appartient au même groupe que soi ; c’est-à-dire que par conséquences, c’est celui qui a les mêmes mœurs et mêmes pratiques que moi. Dans les populations dites « premières », celles-ci se désignent très souvent par un mot qui signifie « homme », ou « les bons », ou encore mieux : « les excellents ». De ce fait, la frontière de l’humanité c’est le village ou la tribu ; dans ce cas, il y a moi, nous, et les autres.

Chez les grecs, si le mot « autre » existe bien, le mot « autrui » n’existe pas. En fait, ils opposent les grecs aux barbares. Et « barbares », en grec, est une onomatopée qui désigne un bruit qui n’a aucun sens ; le barbare, c’est donc celui qui ne sait même pas parler, qui est donc inintelligible et pour rappel, pour un grec : langage > logos = raison.

À partir du moment où le barbare ne parle pas, son humanité peut alors faire question ; car s’il ne sait pas parler, est-ce vraiment un homme ? Mais il y a une autre idée dans l’idée de barbare : c’est que le barbare, c’est celui qui ne sait pas faire Cité comme les grecs font cité, la cité pour un grec étant le lieu du politique, c’est-à-dire de l’échange, ce qui nous ramène au langage. Et donc tout ce qui ne leur ressemble pas va être alors qualifié de barbare, et c’est en cela que Le modèle du barbare pour un grec (antique) est le perse, car le perse est esclave du grand roi, et donc, justement, ne fait pas de politique, puisqu’il obéit aux ordres du grand roi, comme on le voit très bien dans le dialogue de Platon Alcibiade. C’est la raison pour laquelle cet autre est l’autre contre qui l’on fait la guerre, et surtout pas l’autre avec qui l’on cherche le contact, et encore moins celui que l’on veut connaître.

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