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La main est un motif privilégié dans le recueil

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Par   •  2 Octobre 2014  •  Analyse sectorielle  •  4 021 Mots (17 Pages)  •  562 Vues

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Les Mains libres, publié en 1937, inscrit dans son titre même la revendication d’une absence de contraintes et l’importance de la main, vecteur de contact et de création. Tout au long du recueil, le motif de la main est présent, harmonieusement réparti entre les dessins de Man Ray et les poèmes de Paul Eluard. Nous pouvons donc légitimement nous demander si ce recueil peut se lire comme un éloge de la main. Nous analyserons dans un premier temps comment ses différentes représentations constituent un motif privilégié et une célébration, un hommage. Puis nous interrogerons sur l’ambigüité de cette main et ses valeurs plus négatives.

I La main est un motif privilégié dans le recueil

Man Ray, qui s’est imposé comme peintre du désir et comme génial photographe de la femme, privilégie le nu dans ce recueil : un dessin sur deux est un nu, trois femmes sur quatre sont dénudées. S’inspirant du genre du blason, il s’appesantit sur certains détails corporels dont la chevelure, les yeux et la main, emblèmes de la beauté et de la sensualité.

- Ainsi le titre "Belle main" (p.69)  associe le mot « main » non plus à l’adjectif « libre », mais à « belle », sans déterminant avant le nom. Le recours au singulier, par opposition au pluriel du titre du recueil suggère une forme de généralisation.

Dans la préface, Eluard en affirmant qu’ « il y a plus de merveilles dans une main tendue, avide, que dans tout ce qui nous sépare », accorde d’emblée au motif de la main se charge une valeur positive, notamment lorsqu’il s’agit de célébrer la présence de la femme ou de la représenter dans l’extase.       Il s’agit souvent en effet, à travers cette main d’encenser la femme et d’exalter sa présence. Ceci est surtout net dans la première section du recueil, puisqu’on ne rencontre aucune main de femme en premier plan, mis à part celle de « Brosse à cheveux » dans la seconde moitié du recueil. Man Ray s’appuie souvent sur une main pour suggérer la féminité sans renvoyer à une femme particulière : le motif de la main coupée lui permet ainsi d’évoquer la présence de n’importe quelle femme, chaque lecteur pouvant lui prêter les traits de celle à qui il pense en particulier. Dans ce cas, le portrait se réduit à une synecdoque ou à une métonymie, un gant pour l’élégance dans « La toile blanche », une main fine comme écartant une (flam)mèche de cheveux dans « L’évidence », voire une main d’homme qui sert à souligner la sophistication de la coiffure dans « Le désir », une main de femme, dont la façon de tenir le livre montre la délicatesse, dans « La lecture » (d’ailleurs, dans ce dessin, seule la main est vivante, le visage à moitié dissimulé par le livre s’apparente à celui des statues). Ces mains sont en outre souvent tendues comme pour réclamer, pour traduire le désir. Dans "Le don", l’expression "dans mes mains tendues", signifie que le poète tend ses mains vers un corps effectivement représenté dans le dessin.

De la sorte, cette main se voit associée à la représentation du plaisir et de la jouissance. Elle n’est jamais lourdement démonstrative, mais au contraire légèrement suggérée par un geste ou une mimique, une tête renversée ou une main accompagnant le corps. On trouve ainsi le geste de mains soutenant le cou deux fois répété, mais avec des valeurs très différentes.  Cette main s’impose comme nettement érotique dans « La mort inutile » : le visage se renverse, les jambes, ouvertes presque en ciseau, ne cachent pas la toison pubienne, et l’ombre projetée sur le mur qui, faisant fi du réalisme par le dessin d’un profil masculin, suggère l’amour en acte.Elle se fait beaucoup plus discrète dans « Le temps qu’il faisait le 14 mars » : une jeune femme semble contempler le ciel, le cou soutenu par de longues mains diaphanes. Présence d’un dolmen vaguement phallique, au loin, peut suggérer la sexualité. Le poème ignore ce symbole, et  ne tient que peu compte du dessin : il s’apparente à une page de journal où le poète se rappellerait sa jeunesse devant le spectacle du renouveau de la nature.Enfin, plusieurs nus font reposer mollement une main sur un corps détendu comme après l’amour, cf. « Le sablier compte-fils », « La couture », « Belle main », « Les yeux stériles », « La femme et son poisson »,tous confèrent ainsi au motif une valeur érotique. Mais la représentation la plus explicite de la main liée à l’extase féminine reste celle des cinq doigts, réduits à leur dernière phalange, des « Sens »,la crispation de la main dans la jouissance accompagnant renversement de la tête et rictus de la bouche.On peut d’ailleurs remarquer que le dessin le plus érotiquement suggestif du recueil, « Les tours d’Éliane », qui travaille très soigneusement la porte en ogive-ouverture vaginale et inscrit une jambe en superposition sur la muraille, dépouille en revanche le corps de ses deux avant-bras, le privant de ses mains.

« Belle main » se distingue par l’espace onirique que créent ses bras-doigts, démultipliant le rapport de la femme au monde : si l’auriculaire et l’annulaire abritent sa tête nonchalamment appuyée sur l’oreiller, le médius et l’index palpent le monde, comme deux antennes qui doteraient la femme assoupie de sens supplémentaires … exaltation de la surréalité chère au groupe, permise par la sensualité et la sexualité. Les mains signifient le plaisir mais elles signifient aussi l’appel à l’union et à l’amour notamment dans ce vers de « L’Aventure » : « Répands tes mains/ Sur un visage sans raison ».

Mais l’omniprésence du motif de la main répond aussi au désir de valoriser l’acte créatif, totalement libre. La revendication de la liberté absolue de l’artiste confère au motif de la main une valeur très positive. Les Mains libres se présente comme une œuvre à quatre mains mettant à malla conception habituelle de l’illustration, dans laquelle le dessin est inféodé au texte. Ici les dessins sont premiers, les poèmes seconds. Mais le rapport du poème au dessin est finalement beaucoup plus complexe, loin de se  limiter à sa simple « illustration », il en offre souvent une réécriture complète, l’infléchissant dans un sens totalement autre, ou même le prenant à contrepied. Ainsi dans « Objets » : le dessin accumule des substituts négatifs de la femme, réduite à une main minuscule cernée par un fatras d’objets (robe fluide mais sans corps, talon, coiffe), ou symboliques de la virilité (comme la statue océanienne au phallus articulé), alors que le poème, très serein, affirme la certitude de la puissance créatrice : « J’assemble

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