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Commentaire d'arrêt du 28 novembre 2018

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Par   •  31 Octobre 2019  •  Commentaire d'arrêt  •  3 361 Mots (14 Pages)  •  1 956 Vues

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Pour reprendre les propos de Nadège CLAUDE, dans sa thèse intitulée la variabilité du droit : « l’adaptation du droit aux faits n’est pas un mythe. A aucun moment, le droit ne saurait se détacher de la vie. Les transformations du film des évènements humains se projettent sur l’écran de la jurisprudence et des lois. »

La requalification d’un contrat liant un livreur à une plateforme numérique en est l’illustration parfaite comme en témoigne l’arrêt classique mais bienvenu de la chambre sociale de la Cour de cassation rendu le 28 novembre 2018.

Concernant les faits, la société Take Eat Easy, en liquidation judiciaire depuis le 30 août 2016, utilisait une plateforme web et une application afin de mettre en relation des restaurateurs partenaires, des clients passant commande de repas par le truchement de la plateforme et des livreurs à vélo exerçant leur activité sous un statut d’indépendant. A la suite de la diffusion d’offres de collaboration sur des sites internet spécialisés, M.D, le demandeur a postulé auprès de cette société et effectué les démarches nécessaires en vue de son inscription en qualité d’autoentrepreneur. Le 13 janvier 2016, les parties ont conclu un contrat de prestation de services.

Le 27 avril 2016, M. D saisit la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de son contrat en un contrat de travail. Le 20 avril 2017, la cour d’appel de Paris rend une décision dans laquelle elle rejette la demande de M. D, coursier, en considérant que le système de contrôle et de sanctions de l’entreprise Take Eat Easy appliqué à ce dernier ne suffit pas dans les faits à caractériser le lien de subordination allégué, alors que les pénalités considérées ne remettent nullement en cause la liberté du coursier de choisir ses horaires de travail ou de choisir de ne pas travailler, et également que cette liberté totale de travailler ou non, qui permettait à M. D, sans avoir à en justifier, de choisir chaque semaine ses jours de travail et leur nombre sans être soumis à une quelconque durée du travail est exclusive d’une relation salariale. M. D se pourvoit en cassation.

Le problème posé à la Cour de cassation est le suivant : l’existence d’un pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution de la prestation caractérise-t-elle un lien de subordination entre la plateforme et le livreur ?

La Cour de cassation, dans une décision du 28 novembre 2011 considère, d’une part, que l’application étant dotée d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcours par celui-ci et, d’autre part, que la société Take Eat Easy disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du coursier, il résultait l’existence d’un pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution de la prestation caractérisant un lien de subordination.

L’arrêt est particulièrement intéressant, en ce sens il constitue un revirement de la plupart des décisions antérieurement rendues par les juges, que ce soit en appel ou en cassation. En effet, un contrat liant une plateforme web et un livreur, ou plus généralement une plateforme web et un autoentrepreneur était rarement requalifié en contrat de travail, malgré la multitude de décisions sur le sujet, comme par exemple celles concernant les plateformes LeCab, Deliveroo ou encore Uber rendues par la cour d’appel de Paris.

Pour reprendre les propos du professeur Alexandre FABRE, « les demandes de requalification sont rejetées dans la très grande majorité des cas. C’est donc une tendance lourde qui permet d’affirmer à cette heure que les juges français valident massivement la thèse de l’indépendance. » C’est pourquoi la décision récente concernant la plateforme Take Eat Easy marque un renouveau dans les relations, tant débattues, que nouent une plateforme web et un autoentrepreneur (coursier, chauffeur…).

Dans un premier temps, nous verrons les différentes conditions qui permettent l’existence d’un contrat de travail entre un employeur et un salarié. Dans un second temps, nous nous pencherons sur le critère le plus important de la détermination de l’existence du contrat de travail : le lien de subordination juridique, critère le plus au centre des discussions des juges.

I] Les conditions d’existence d’un contrat de travail

L’existence d’un contrat de travail requiert un certain nombre de conditions, qui en leur absence, ne permettront pas la caractérisation d’un contrat entre deux parties, telles qu’une plateforme web et un livreur, de contrat de travail.

A. L’indisponibilité de la qualification du contrat de travail

En l’espèce, la Cour de cassation considère que « l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention ».

La Cour de cassation, dans sa solution, nous rappelle que des parties ne peuvent choisir de déterminer la nature de leur relation, ni déterminer la nature d’une convention établie entre elles. En appliquant cet énoncé au cas d’espèce, on peut donc dire que, malgré la dénomination du contrat conclu entre les parties de « contrat de prestation », si les juges observent une relation de travail entre ces dernières, celle-ci sera étrangère aux volontés des parties.

La Cour de cassation a également consacré ce principe dans un arrêt du 19 décembre 2000, ou encore « arrêt Labbane », dans lequel elle dispose que « l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; » Il s’agissait d’une société de location de voitures taxi qui louait une voiture à un particulier qui utilisait celle-ci pour réaliser des courses rémunérées. La Cour déclare que le contrat de location du véhicule taxi s’apparente à un contrat de travail, même si les parties ne l’ont pas déclaré au moment de son établissement.

Cette condition permettant l’existence du contrat de travail découle de la combinaison de l’article 12 du nouveau code de procédure civile qui dispose que « le juge doit restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée », et « d’une règle consacrée par des décisions antérieures de différentes formations de la cour régulatrice », nous rappelle le professeur Antoine JEAMMAUD. Dans un arrêt Barrat rendu en 1983

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