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Citation, Narration, Métadiscursivité chez Tarantino

Dissertation : Citation, Narration, Métadiscursivité chez Tarantino. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  8 Janvier 2017  •  Dissertation  •  2 374 Mots (10 Pages)  •  1 054 Vues

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CITATION, NARRATION, MÉTADISCURSIVITÉ CHEZ TARANTINO

        La citation au cinéma correspond à l'action de citer , de rapporter les mots ou les phrases de quelqu'un, emprunter des passages à un artiste, un écrivain, ou en général, à une figure d'autorité. La narration désigne un récit détaillé, mais aussi la structure générale de ce récit. La métadiscursivité est la dimension dans le cinéma qui prend pour objet le cinéma lui même, en faisant des allusions à ses codes, aux moyens auxquels il recourt pour délivrer des messages. Ces trois définitions réunies concernent et réunissent tout l'enjeu de la création cinématographique. Or, quelles sont les premières images qui nous viennent à l'esprit lorsque l'on pense au cinéma de Quentin Tarantino? Tout d'abord, une ambiance, mise en place par des personnages explosifs, machine à tuer, gangsters, dealeurs. Puis la singularité de cette ambiance, un type de dialogues, constamment en décalage avec la réalité d'un moment, ou d'une situation à l'instar du cinéma de la nouvelle vague, dont Tarantino s'inspire ouvertement. Enfin, l'omniprésence de la musique: les personnages tarantinesques écoutent, conduisent, dansent, tuent, sur une bande sonore mythique. En somme, la force et le caractère vitaminé de ce cinéma réside dans la virtuosité avec laquelle le réalisateur rassemble tous les ingrédients nécessaires à la jubilation du spectateur. La recette de l'univers de Tarantino est composée de reprises, de références, de clins d'oeils, de citations, ce qui nous mène finalement à nous poser des questions essentielles:

        Où termine la référence, et où commence Tarantino? À quel moment peut-on entrevoir sa perception du cinéma? Quelles sont-les autres caractéristiques qui font de Tarantino l'un des plus singuliers réalisateurs américains contemporains?  

        La narration chez Tarantino est minée de citations constituant un univers ancré dans un cadre référentiel. Ce cadre est un véritable reflet d'une époque, d'une génération, avec ses codes culturels, ses inspirations. Parallèlement, ce cadre référentiel renvoie à un individu, qui a fait le choix de rendre hommage aux puits d'inspiration qui ont créé son amour pour le septième art. Néanmoins, il est possible de voir dans le principe d'hyper-référenciation en couche, utilisé à répétition chez Tarantino, une neutralisation du contenu ainsi qu'une quête superficielle à la jubilation. L'enjeu ici est d'extraire son oeuvre de la chaîne de la cinéphilie et de la citation pour l'aborder de front, et discerner son potentiel novateur.

        Tarantino est, avant d'être cinéaste, un véritable cinéphile. Afin d'analyser sa création, il est nécessaire de comprendre dans quel contexte s'est produite sa rencontre avec le cinéma. Quentin Jérôme Tarantino nait le 27 mars 1963 à Knox-ville, aux États Unis. On trouve dans L'odyssée du cinéma, ces quelques mots sur son adolescence: “C’est donc dans la banlieue de Los Angeles, que Quentin Tarantino passe sa jeunesse. Là il, cultive un certain goût pour la "cinéphilie" et n’hésite pas à développer cet amour le septième Art, en visionnant tout ce qu’il existe sur cette planète de long-métrages. Mais sa grande passion restera les séries Z. Le tout grâce à son travail dans un vidéoclub. De quoi développer de solides bases! Désireux de travailler dans ce milieu, Quentin Tarantino commence alors à écrire quelques scénarios.” Lorsque Tarantino mine de références ses oeuvres, il projette sa personnalité entière sur l'écran. Il insère le spectateur au creux de son univers.

        Le réalisateur le déclare à longueur d'entretiens, l'ambition de son entreprise cinématographique est de produire un divertissement pur et de qualité. Cette volonté peut être imagée par ses bandes sonores. L'émission Blow up, sur arte relevant l'actualité (ou presque) du cinéma, a concentré dans une courte vidéo intitulée Top 5 musical de Quentin Tarantino, son usage singulier de la musique. En effet, les morceaux que l'on retrouve dans son cinéma appartiennent à des registres totalement divers. Il est possible de passer du classique avec Beethoven, à de la pop japonaise, avec Meiko Kaji. Ou encore d'un mélange de rap et de soul avec James Brown et Two Pack à de la country avec Johnny Cash. Tarantino ne cherche pas de cohérence, seulement des pépites musicales propices à la création de scènes mythiques et purement jubilatoires. C'est peut être même cette liberté, cette effervescence de cinéphile avec laquelle il tisse ses références qui font la force de son oeuvre, son caractère.

        Il est pourtant possible de discerner une volonté dans le champ musical de Tarantino, celle de rendre hommage. Tarantino n'hésite pas à réutiliser des bandes sonore déjà existantes, notamment des partitions d'Ennio Morricone, considéré comme un symbole de la musique au cinéma. Cette caractérisique se retrouve dans les références cinématographiques omniprésentes dans son oeuvre. Le fait de réinsérer des séquences, des plans, des dialogues déjà existants dans un autre contexte, leur donne une seconde vie. C'est cette volonté de rendre hommage qui donne impulsion à cette sorte de réincarnation. Ses films sont un moyen de remercier les réalisateurs ayant alimenté sa passion pour le cinéma. Rio Bravo de Howard Hawks par exemple est pour Tarantino le film fondateur, indépassable. Lors d'une présentation du wester au Festival de Cannes, il a dit à son propos: “C'est ma grand-mère qui me l'a fait découvrir enfant. Depuis il m'a toujours accompagné. Outre son statut classique, j'aime la façon dont le spectateur parvient à nouer une relation intime avec les héros. Nous avons réellement l'impression de traîner avec eux, de les connaître comme des frères.” On retrouve cette caractéristique dans son tout premier film Reservoir Dogs, où les héros constituent une bande et ne cessent de discuter entre eux de tout et de rien.

         Mais au delà de l'hommage, le fait de réutiliser des passages ayant été communément admis par les critiques comme chef d'oeuvre du cinéma ne serait pas un moyen de produire de la légitimité? Le réalisateur qui se contente de produire un cocktail de séquences, de morceaux déjà ancrés dans l'imaginaire commun ne passe-t-il pas par un raccourcis au lieu de se mettre en péril en exposant des expériences qui ne seraient pas encore approuvées?

        Certains critiques remettent en question cette obsession pour la référence. La citation n'entre pas selon eux dans un processus de réflexion de travail. Au contraire, elle serait plutôt un moyen plus simple de reçevoir l'approbation de son public. En minant sa narration de références, Tarantino forcerait son spectateur à aimer son cinéma. Ou du moins, le pousserait à “prétendre” aimer son cinéma. Car la récéption d'une citation implique que le spectateur ait un certain bagage culturel. Ne pas aimer le cinéma de Tarantino signifierait dans ce sens ne pas être apte à le comprendre. La référence devient une stratégie pour légitimiser son travail. Légitimiser son travail c'est trouver un autre objet, ayant des qualités intrinsèques, et l'inclure dans son discours. Cet objet est la référence, qui justifie le discours, et l'interrompt. Le recours à la référence, à la citation, est une opération qui arrête la question et la rend indiscutable. Ici, Tarantino repousse et éloigne toute métadiscursivité, et refuse de se confronter aux questionnements inhérents à la réalisation, à la création.  

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