Étude du poème La chevelure de Charles Baudelaire

Présenter Baudelaire et les Fleurs du mal :Lorsque Baudelaire, poète du XIXème, publie en 1857 la première version de son célèbre recueil, Les fleurs du mal, le romantisme se termine et les Parnassiens sous la houlette de Gautier affirment leur conception de « L art pour l'art ». Baudelaire à la fois héritier de la tradition poétique classique et de la poésie baroque du XVIIème, marqué par le romantisme et admirateur de Gautier, affirme dans ce recueil une conception originale de la poésie qui va complètement renouveler le genre. En effet, comme le titre l'indique, les Fleurs du mal proposent un cheminement poétique nouveau issu de l'expérience de la souffrance, de la laideur et du mal. L'esthétique des Fleurs du mal de ce fait est souvent provocante, ce qui vaut au recueil d'être censuré à sa publication et remanié en 1861. Le poète en effet va extraire de cette expérience négative du monde « le beau » et en faire des « fleurs », càd des poèmes. Cette démarche s'appuie sur la capacité du poète à établir des « correspondances » entre les diverses perceptions sensitives mais aussi entre le monde sensible et le monde spirituel. La poésie acquiert ainsi une fonction métaphysique et existentielle nouvelle : il s'agit de tenter d'atteindre grâce à la poésie un idéal.

Situer le poème

Le poème étudié , La Chevelure , est représentatif de cette recherche de l'idéal et du travail sur les correspondances de Baudelaire. C'est le poème 23 du recueil, il est situé dans première partie de la section « Spleen et idéal »des Fleurs du mal, plutôt consacrée à l' idéal, et fait partie du cycle de l'amour charnel consacré à Jeanne Duval (voir biographie de Baudelaire).

Présenter le texte après la lecture

C'est un poème lyrique composé de 7 quintils aux rimes croisées et embrassées dans lequel Baudelaire évoque la chevelure de la femme aimée qui lui ouvre tout un monde de sensations qui lui permettent d'approcher de l'idéal.

4. Annoncer la problématique et le plan :

Que nous révèle ce poème de la démarche poétique de Baudelaire ?

On verra

1. comment B reprend la forme du blason dans un hymne amoureux assez classique

2. puis comment par le jeu des correspondances, la chevelure devient une médiation vers l'ailleurs

3.enfin comment le poème permet d'atteindre un idéal.

I/ Un hymne amoureux

La chevelure se présente comme un blason de la femme aimée. Le poète exprime avec lyrisme son amour en faisant l'éloge de la chevelure de celle qu'il aime.

A/ Une invocation lyrique

- le poète s'exprime à la première personne ( v.5, 10,, 11, 16, 21, 23..)et montre son exaltation pour la chevelure de la femme aimée (apostrophes, exclamations à relever v.1.2 . 3 et 5 + fin du poème exclamation et interrogation rhétorique).

- un destinataire ambigu : le tutoiement employé marque une certaine intimité entre le poète et celle à qui il s'adresse mais est –ce la femme ou la chevelure ?Le poète s'adresse à la chevelure dès le début : cf les apostrophes lyriques des deux premiers vers « O toison » , « O boucles ! ». Mais le pronom personnel « la » du vers 5 introduit une ambiguïté dans l'énonciation : le poète ne parle pas à la chevelure mais de cette chevelure (cf « dans cette chevelure »).

Dans le reste du poème cette ambiguïté est maintenue : tantôt le poète s'adresse directement à la chevelure, « Tu contiens », « soyez la houle », « Vous me rendez l'azur » (en parlant aux cheveux), la chevelure est désignée de façon plus ou moins métaphorique (« forêt aromatique », « fortes tresses », « mer d'ébène » « pavillon de ténèbres tendues »....)

tantôt il en parle à la 3ème personne : « je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse / Dans ce noir océan où l'autre est enfermé »

tantôt il s'adresse à la femme aimée qui possède cette chevelure : « ton parfum » renvoie à « ô mon amour ! », « ma main dans ta crinière lourde » (vers 31).

B/ Un amour sensuel

Le thème de l'amour est présent à travers l' expression des sentiments : « ô mon amour », « ma tête amoureuse »mais aussi à travers les marques de la relation sexuelle : « Extase »le terme mis en valeur par sa position détachée en tête de vers et par l'exclamative installe d'emblée (v.2) l'idée de sensualité. L'évocation du lieu de l'amour avec « l'alcôve obscure » tout comme le moment évoqué (« Ce soir » v.3)et l'idée de nonchalance (« parfum chargé de nonchaloir » v.2), le terme « désir » (v.33)renvoient à l'amour physique. Plusieurs termes décrivent des gestes de l'amour sexuel : « je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse/Dans ce noir océan », « de vos mèches tordues/Je m'enivre ardemment » « ma main dans ta crinière ». D'autres termes suggèrent indirectement la sensualité : « langoureuse Asie » , « brûlante Afrique », « l'arbre et l'homme plein de sève, « Se pâment » « féconde paresse ».

C/Un éloge de la chevelure

Mais l'amour s'exprime surtout à travers l'éloge de la chevelure.

Baudelaire reprend l'idée du « blason »qui était une forme poétique très prisée à la Renaissance et à la période baroque décrivant de manière détaillée sur le mode de l'éloge ou du blâme une partie du corps.

Un éloge de la chevelure : La chevelure est au centre du poème cf le titre + toutes les appellations se rapportant à la chevelure qui émaillent le texte « toison » , « boucles » « tresses » «mèches » «crinière » «cheveux bleus »

<<<<vocabulaire mélioratif cf les apostrophes

La chevelure est déifiée :

-« O toison », «moutonnant », « encolure » cette métaphore filée animale n'est pas sans évoquer la toison d'or mythologique, ce qui lui donne une dimension divine

- elle est magnifiée par des images qui lui donnent la dimension de l'infini : « mer d'ébène » « noir océan » « cheveux bleus »ici la chevelure

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