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Étude du poème La beauté de Charles Baudelaire

Dissertation : Étude du poème La beauté de Charles Baudelaire. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  6 Juin 2013  •  1 767 Mots (8 Pages)  •  2 328 Vues

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André Durand présente

‘’La Beauté’’

sonnet de Charles BAUDELAIRE

dans

‘’Les fleurs du mal’’

(1857)

Je suis belle, ô mortels, comme un rêve de pierre,

Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,

Est fait pour inspirer au poète un amour

Éternel et muet ainsi que Ia matière.

Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris ;

J'unis un coeur de neige à la blancheur des cygnes ;

Je hais le mouvement qui déplace les lignes,

Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.

Les poètes, devant mes grandes attitudes,

Que j'ai I'air d'emprunter aux plus fiers monuments,

Consumeront leurs jours en d'austères études ;

Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,

De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :

Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles.

Commentaire

Dans son effort pour s'arracher à ce qu'il appelait le spleen, et se purifier dans I'air supérieur de l'idéal, Baudelaire représente ici, par une statue impassible, symbole de pureté et de noblesse, la perfection de la beauté idéale, transfiguration du réel et tourment de I'artiste.

Le sonnet parut le 20 avril 1857, dans ‘’La revue française’’. Mais la datation de sa composition pose un problème, et influe sur le sens qu’on lui donne.

En effet, pour certains spécialistes, il aurait été écrit entre 1843 et 1847, à une époque où Baudelaire et certains de ses contemporains avec lui se voulaient des néo-païens, exaltaient la sereine beauté de l’art antique (ainsi Banville et Leconte de Lisle publièrent chacun, le premier en 1842, le second en 1846, un poème consacré à la Vénus de Milo).

Mais d’autres spécialistes voient des rapprochements possibles entre des vers de ‘’La Beauté’’ et des phrases trouvées chez Edgar Poe. De ce fait, ils situent la composition du sonnet après 1852, à une époque où Baudelaire répondait aussi à l’influence de Théophile Gautier, insistait sur la sérénité harmonieuse de I'art, adhérait quelque peu à la doctrine de «l’art pour l’art», dont le poème serait d’ailleurs la meilleure illustration. Et, parce que, de toutes les formes de la beauté, celle de la statuaire lui permettait le mieux désormais d'exprimer sa pensée, le sonnet parle d'elle en des termes qui se réfèrent sans cesse à la sculpture, dont il allait dire, dans ‘’Le Salon de 1859’’ : «Quel regard dans ces yeux sans prunelle ! De même que la poésie lyrique ennoblit tout, même la passion, la sculpture, la vraie, solennise tout, même le mouvement ; elle donne à tout ce qui est humain quelque chose d'éternel, et qui participe de la dureté de la matière employée.» Et, la même année, dans son article sur Théophile Gautier, il exalta «l’amour exclusif du Beau, I'Idée fixe».

Pour fixer sa conception de la beauté, Baudelaire choisit la forme fixe du sonnet, qui veut que soit ménagée une opposition entre les quatrains et les tercets qu’on peut essayer de déterminer.

Dans la phrase qui constitue le premier quatrain est présentée l’allégorie qu’est la Beauté, qui structure tout le sonnet, car il personnifie bien cette idée abstraite en faisant d’elle tout naturellement un être humain, évidemment une belle femme à laquelle il donne la parole, «Je» étant le premier mot du texte, où il revient à sept occasions (tandis qu’on trouve quatre adjectifs possessifs de la première personne du singulier).

Elle s’exprime d’emblée sur un ton péremptoire, avec un orgueil qui lui fait mépriser les «mortels» (le «ô» vocatif étant ici une apostrophe ironique sinon cynique), qui ne sont pas doués de son éternité (qui sera bien marquée par le dernier mot du poème : «éternelles»), se comparer à une pièce sculptée. «Rêve de pierre», qui associe l'impalpable du songe à la matérialité de la pierre, a pu être inspiré à Baudelaire par ce passage de ‘’Mademoiselle de Maupin’’ de Théophile Gautier : «J'ai des songes de pierre», ou par le poème de Banville intitulé ‘’À Vénus de Milo’’ où il avait pu lire : «Rêve aux plis arrêtés, grand poème de pierre…» Dans ce vers, il exprima une conception plastique de la beauté, aux formes et aux volumes puissants parce que nettement dessinés.

Mais le sein de cette figure de pierre (on songe à la «gorge aiguë» que Baudelaire appéciait chez Jeanne Duval), qui inspire le désir de «chacun» (mais on peut penser : de chacun des poètes, leur idéal étant de s’unir à la Beauté), ne peut que meurtrir, que faire souffrir, que blesser physiquement et moralement aussi du fait de l’échec des tentatives, «tour à tour» soulignant leur caractère successif et alterné, leur heurt à l’indifférence, le côté solitaire et individuel de la quête de la beauté. Dans ce vers, au premier hémistiche où sont martelés des sons qui font comme une rime intérieure («sein»- «cun») en succède un autre où «meurtri tour à tour» aligne des allitérations de consonnes dures.

Aux vers 3 et 4, il apparaît que cette souffrance et cet échec n’empêchent pas l’amour du poète, amour qui n’est qualifié qu’après un dramatique enjambement («éternel» indiquant qu’il ne se décourage pas, «muet», qu’il ne se plaint pas, qu’il reste digne), et qui tend à ressembler à son objet, le mot «matière» répondant

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