Étude du journal Au voyage autour de monde de Louis-Antoine de Bougainville
Mémoire : Étude du journal Au voyage autour de monde de Louis-Antoine de Bougainville. Recherche parmi 298 000+ dissertationsPar SkyeBF • 29 Mai 2013 • 1 804 Mots (8 Pages) • 1 614 Vues
I. La visée informative du texte
Auteur d’une relation de voyage, Bougainville en respecte les paramètres
établis avant lui depuis maintenant plusieurs siècles. Les topoï de ce
genre se retrouvent donc tous ici.
1 Un regard extérieur porté sur l’île
Le voyageur se met d’abord en scène : « J’ai plusieurs fois été », « Je fis
présent», « j’eus la visite ». Au début de chaque paragraphe, la présence
du je locuteur permet d’assurer le relais entre le lecteur et le monde visité : Bougainville est le média qui permet à son lecteur, européen, d’entrer en contact avec ce monde lointain.
Deux thèmes vont alimenter ce contact. Le regard d’abord, mentionné
dans le premier paragraphe : « nous voyions », « les apparences » ; il
est prolongé par l’avis formulé ensuite : « ce peuple nous a paru aimer
l’agriculture », et par le portrait de Toutaa. L’évocation de Tahiti, dans le
tableau initial, a d’ailleurs une forte dimension visuelle.
Le second thème est celui de la rencontre, mise en scène au troisième
paragraphe et soulignée comme un moment important par différentes
expressions : « j’eus la visite », « lui rendre visite », « recevoir les visites ». Cette mise en scène est construite en écho à la rencontre première (cf. lecture complémentaire n° 1 ci-dessous).
Bougainville, à travers ces deux thèmes, se pose en un observateur qui
transmet des informations sur des « choses vues » en vue d’un « devisement » (entretien) avec ses lecteurs.
2 Un témoignage qui se veut impartial
L’authenticité de ce récit est assurée par sa valeur de témoignage : la
prudence de l’énonciation met en évidence cette dimension. Ainsi, nous
pouvons repérer différents modalisateurs : « je me croyais », « nous
avons lieu de croire », « je crois ». Les nuances introduites par Bougainville dans son discours manifestent le respect de l’altérité : la curiosité
éprouvée à l’égard du monde rencontré n’exclut pas d’en apercevoir les
différences ; l’incertitude domine le voyageur, au contraire des Parisiens
décrits par Montesquieu. La description de ce monde nouveau gagne de
fait en authenticité : le lecteur partage la découverte de Bougainville en
éprouvant, par la modalisation, ses moments d’incertitude.
3 Un tableau complet
On remarquera enfin l’exhaustivité de l’évocation : dans son Voyage autour du monde, Bougainville consacre de longs chapitres à la description
de Tahiti : son séjour occupe les chapitres VIII à X de l’ouvrage, qui en
comporte seize; et c’est la halte la plus longue pour le voyageur, celle qui
va rester attachée à son nom. Ce passage précis offre une évocation complète : il commence par un paysage (du début de l’extrait à « qu’entraîne
l’humidité » ), se poursuit avec une première appréciation des mœurs,
avec la description des « troupes d’hommes et de femmes assises à
l’ombre des vergers » (suite du premier paragraphe) et de leur accueil
souriant. Dans le deuxième paragraphe, Bougainville évoque l’économie
du pays, à travers ses activités agricoles. Enfin, dans le troisième paragraphe, le voyageur revient sur les mœurs, évoquées plus précisément
à travers le récit de la cérémonie par laquelle Toutaa l’accueille sur l’île.
Nous retrouvons donc les deux aspects majeurs déjà rencontrés dans
les relations de voyage : l’intérêt esthétique et, surtout, l’intérêt éthique
représentés par l’Autre.
II. La mise en scène d’une rencontre
Ce double intérêt est associé à une découverte : Bougainville mêle ici
le récit des premières rencontres avec l’évocation des moments passés
à Tahiti, au deuxième paragraphe. Le point commun entre les premiers
moments et le temps passé ensuite sur l’île est l’échange entre les indigènes et les Européens.
4 La mise en scène de l’échange
L’échange est en effet le thème majeur de ce passage. Il est représenté
par un champ lexical dense et constamment présent dans le texte : c’est
d’abord le salut accordé par les Tahitiens (« tous nous saluaient »); c’est
ensuite le « présent » offert par Bougainville au chef du canton ; c’est
enfin le « présent » offert par Toutaa au moment de sa visite à bord du
navire de la Boudeuse, la frégate de Bougainville. Ce thème structure
donc le passage et il est marqué par la réciprocité : la reprise du terme
de «présent » construit en écho les deuxième et troisième paragraphes ;
l’Européen offre des volailles et des graines aux Tahitiens, qui offrent, à
leur tour, des denrées comestibles, des étoffes et des femmes. Marquée
par la douceur, cette rencontre s’établit donc sur la réciprocité ; elle est
marquée par l’ouverture d’esprit: l’«amitié» et
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