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Étude du chapitre IV de l'oeuvre de Fontenelle, Histoire des oracles

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Par   •  25 Janvier 2015  •  2 185 Mots (9 Pages)  •  1 768 Vues

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Fontenelle, Histoire des oracles, Première dissertation, chapitre IV (1687).

Assurons-nous bien du fait, avant que de nous inquiéter de la cause. Il est vrai que cette méthode est bien lente pour la plupart des gens, qui courent naturellement à la cause, et passent par-dessus la vérité du fait, mais enfin nous éviterons le ridicule d'avoir trouvé la cause de ce qui n'est point.

Ce malheur arriva si plaisamment sur la fin du siècle passé à quelques savants d'Allemagne, que je ne puis m'empêcher d'en parler ici.

En 1593, le bruit courut que les dents étant tombées à un enfant de Silésie, âgé de sept ans, il lui en était venu une d'or, à la place d'une de ses grosses dents. Horstius, professeur en médecine dans l’Université de Helmstad, écrivit en 1595 l'histoire de cette dent, et prétendit qu'elle était en partie naturelle, en partie miraculeuse, et qu'elle avait été envoyée de Dieu à cet enfant pour consoler les Chrétiens affligés par les Turcs. Figurez-vous quelle consolation, et quel rapport de cette dent aux Chrétiens, ni aux Turcs. En la même année, afin que cette dent d'or ne manquât pas d'historiens, Rullandus en écrit encore l'histoire. Deux ans après, Ingolsteterus, autre savant, écrit contre le sentiment que Rullandus avait de la dent d'or, et Rullandus fait aussitôt une belle et docte réplique. Un autre grand homme nommé Libavius ramasse tout ce qui avait été dit de la dent et y ajoute son sentiment particulier. Il ne manquait autre chose à tant de beaux ouvrages, sinon qu'il fût vrai que la dent était d'or. Quand un orfèvre l'eut examinée, il se trouva que c'était une feuille d'or appliquée à la dent avec beaucoup d'adresse; mais on commença par faire des livres, et puis on consulta l'orfèvre.

Rien n'est plus naturel que d'en faire autant sur toutes sortes de matières. Je ne suis pas si convaincu de notre ignorance par les choses qui sont, et dont la raison nous est inconnue, que par celles qui ne sont point, et dont nous trouvons la raison. Cela veut dire que non seulement nous n'avons pas les principes qui mènent au vrai, mais que nous en avons d'autres qui s'accommodent très bien avec le faux.

Bernard Le Bovier de Fontenelle : 1657-1757

Lecture analytique de l'extrait :

Introduction

Fontenelle est à la fois un écrivain et un scientifique. Il a publié ses principaux ouvrages à la fin du XVII° siècle mais ses idées annoncent le "Siècle des Lumières". Dans Entretiens sur la pluralité des mondes (1686), il vulgarise sous forme de dialogue philosophique les acquis récents de l'astronomie. Dans De l'origine des fables (1684) et l'Histoire des oracles (1687), il dénonce la propension au merveilleux, qui a puissamment contribué à faire naître des superstitions, et l'exploitation de ces superstitions par les idéologues religieux. L'histoire célèbre de "la dent d'or" est un bon exemple de son propos. Nous verrons qu'il y adopte la technique de l'apologue, c'est à dire d'un récit à visée argumentative. En conteur talentueux, il multiplie les procédés littéraires visant à séduire et à amuser le lecteur, pour mieux le convaincre.

I - La structure d'un apologue

L'étude de la composition du texte permet de cerner l'intention de l'auteur et d'analyser ses idées.

1°§ La thèse soutenue .

La première phrase prône l'observation des faits, la méthode expérimentale, l'objectivité du savant : observons avant d'interpréter. On peut considérer ce plaidoyer en faveur de l'observation comme la thèse principale du texte. La deuxième phrase, sous forme de raisonnement concessif ("il est vrai que ... mais") indique le défaut qui pousse les hommes à l'erreur : la précipitation. Vérifier les faits exige une patience, les gens pressés préfèrent "courir" vers des explications toutes faites.

2°et 3°§ Un récit en guise de démonstration.

La phrase du 2°§ constitue une annonce situant le lieu et le moment (en Allemagne, au XVI° siècle). On constate simultanément l'introduction du passé simple et des indices spatio-temporels : nous sommes bien dans un récit. L'élément initial de l'histoire est une événement d'apparence surnaturelle : il est venu une dent d'or à un enfant de Silésie. Puis l'essentiel du texte est consacré à raconter la ruée des savants sur l'événement, leurs polémiques, leurs théories visant à attribuer la merveille à une intervention divine. Enfin, après l'intervention d'un orfèvre, un dénouement rapide nous apprend que la dent en or n'était qu'une supercherie.

4°§ Elargissement du propos.

Ce quatrième paragraphe est celui qui permet à l'auteur de développer sa pensée profonde. Il le fait en trois phrases qui sont trois étapes du raisonnement.

La première phrase indique que l'erreur de méthode commise par les pseudo-savants dans l'anecdote de la dent d'or se produit en réalité "sur toutes sortes de matières", c'est à dire dans bien d'autres domaines de la science et de la philosophie. Fontenelle nous invite donc à interpréter son histoire comme une anecdote symbolique dont la portée dépasse de beaucoup les limites géographiques et historiques qui sont les siennes. Il nous invite à en généraliser les enseignements.

La deuxième phrase prend pour cible la superstition : l'ignorance, nous dit Fontenelle, est moins grave que la croyance en de fausses vérités (l'obscurantisme), et il reprend l'accusation du premier paragraphe : le manque de rigueur dans l'observation des faits. On retrouvera fréquemment cet appel à la modestie du savant chez les philosophes du XVIII° siècle. Par exemple, dans l'article Philosophe de l'Encyclopédie : quand on ne sait pas, mieux vaut l'avouer.

Enfin, la troisième phrase condamne implicitement

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