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Une Partie De Campagne

Note de Recherches : Une Partie De Campagne. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  5 Juin 2014  •  9 525 Mots (39 Pages)  •  1 755 Vues

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Une partie de campagne de Guy de Maupassant

Une partie de campagne, Maupassant, 1881 : Des lieux communs au rossignol

La nouvelle, ou le conte selon la terminologie en usage au XIXe siècle, est d'abord publiée par Maupassant en revue, dans La Vie moderne, en 1881, puis insérée dans le recueil La Maison Tellier, publié la même année, où elle suit "Le papa de Simon" qui date de 1879 et précède "Le printemps" qui date aussi de 1881. Ces trois nouvelles ont pour thème commun l'antinomie du désir et de la réalité.

L'article qui suit a été écrit en 1996, pour clarifier la question du lieu commun et des stéréotypes dont Maupassant fait ici un usage important.

Rossignol : 1. petit oiseau à bec fin et à plumage grisâtre dont le chant est fort agréable...

2. familièrement. Femme à la voix pure et flexible.

6. sobriquet donné par les libraires aux ouvrages qui ne se vendent pas.

Nom donné par les marchands aux étoffes passées de mode.

9. terme de serrurerie. Crochet dont on se sert pour ouvrir toutes sortes de serrures.

Quatre acceptions relevées dans Littré.

Une partie de campagne (Maupassant, 1881) semble s'inscrire, à première vue, dans un courant florissant au XIXe siècle: la critique de la petite bourgeoisie. Un regard acerbe ridiculise cette cible désignée par les romantiques (cf. Chatterton) à une vindicte que l'on retrouve aussi bien chez Gautier (cf. préface de Mademoiselle de Maupin), que chez les écrivains que l'on nommera réalistes, à commencer par Flaubert dont les personnages peuvent être lus à travers ce prisme, trop souvent simplificateur, de Homais à Bouvard et Pécuchet. Le type, dès le départ, s'était mué en stéréotype, savoir : une représentation majoritairement partagée et essentiellement négative. Les dessins de Monnier (1830) et son personnage de Joseph Prudhomme en fournissaient déjà toutes les caractéristiques dont seront tributaires même les poètes, Verlaine, par exemple, ("Monsieur Prudhomme", 1863) voire Rimbaud, et même plus tardivement les écrivains du début du XXe siècle.

Au sein de cette classe, les petits-commerçants étaient les plus communément visés. Dans la nouvelle de Maupassant c'est bien d'eux qu'il s'agit. La famille Dufour, en l'occurence, quincailliers rue des Martyrs, y dévoile son être de convention à travers une accumulation de lieux communs, plus exactement de clichés et de stéréotypes comme une application à peine voilée des idées reçues répertoriées par Flaubert dans son Dictionnaire. Et l'on sait comment Maupassant a prêté son concours à Flaubert durant l'élaboration de Bouvard et Pécuchet.

Si bien qu'on en vient à se demander si cette critique n'est pas elle-même stéréotypée ; si sa simplicité ne vise pas à garantir l'assentiment du lecteur, dans une stratégie qui serait celle de la réussite de l'auteur. Et sans doute pourrait-on répondre par l'affirmative, s'il n'y avait un reste, un laissé-pour-compte: les cinq paragraphes qui décrivent le chant du rossignol. C'est en effet le seul élément qui ne se redouble pas, qui ne fonctionne pas en miroir avec un autre élément. Inutiles dans l'économie de la nouvelle (une simple ellipse aurait aussi bien fait l'affaire), ces cinq paragraphes représentent peut-être l'essentiel du texte, son inquiétante étrangeté.

1. Un univers de convention

Le récit lui-même est fort simple : une famille (cinq personnes) va passer la journée à la campagne, dans les environs de Paris, à Bezons. Elle y fait la rencontre de deux canotiers. La jeune-fille se laisse séduire par l'un deux. Quelques heures de soleil et de nature, quelques minutes où tout bascule, mais où, en apparence, rien ne change.

L'effet de groupe : voie du stéréotype.

Avant même que le récit ne les situe socialement, de manière explicite, à travers les discours des canotiers désireux "de faire vibrer dans le coeur de ces bourgeois [...] cet amour bête de la nature qui les hante [...] derrière le comptoir de leur boutique", les personnages ont été dévalorisés systématiquement par une présentation qui associe les jugements de valeur implicites et la caricature.

La famille est constituée en groupe dans lequel aucun membre n'est un individu. C'est un "on" indéfini qui la représente. Effet souligné par le premier moment de la description qui les rassemble dans la voiture dont n'émerge que le statut (époux, la femme -au sens ici d'épouse), l'âge (vieille grand-mère, jeune-fille, garçon) ou une caractéristique objectale : "une robe en soie cerise", "la chevelure jaune". Effet d'autant plus violent qu'un lecteur de Maupassant y reconnaît en partie la charrette de la Maison Tellier. "La soie cerise extraordinaire" remémorant les toilettes chamarrées de ces dames, de "Madame" surtout, "en soie bleue des pieds à la tête avec son châle rouge, éclatant, fulgurant". Ces "on", concentrés dans le premier paragraphe (3 occurences), ne disparaissent jamais vraiment, même lorsque les personnages acquièrent une certaine individualité ; "on se serra les mains" conclut l'épisode des champs.

Effet de groupe encore que les réactions généralisées, orchestrées : admiration du paysage présentée comme relevant d'une sorte de réflexe : "à ce signal" dit l'incise du narrateur. Comme si le signal seul produisait l'admiration, transformant ceux qui devraient être sujets en objets, à la fois au lieu "faux" (dans la banlieue) et au lieu réel de l'admiration, devant la Seine : "ç'avait été un ravissement", enfin dans le choix de la halte : "et puis il y a de la vue". Le signal soulignant aussi l'incapacité de distinguer ce qui mérite de l'être et ce qui ne le mérite pas, invalidant par là la totalité des comportements en les ramenant à des automatismes. Même réaction de groupe devant les yoles

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