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Tristan et Yseult, scène du verger

Commentaire de texte : Tristan et Yseult, scène du verger. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  21 Mars 2021  •  Commentaire de texte  •  2 548 Mots (11 Pages)  •  784 Vues

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                         Que ce soit dans Cyrano de Bergerac, Roméo et Juliette, ou encore dans les Hauts de Hurlevents le mythème de la rencontre nocturne des amants est récurrent. La nuit est le lieu de tous les possibles, elle cache les amants dans son obscurité, elle laisse libre les amours interdits durant quelques heures. La littérature regorge [a]de passions tragiques, et ce depuis l’Antiquité, on en trouve les traces dès l’apparition des mythes : Orphée et Eurydice, Psyché et Cupidon... Tristan et Yseult ne font pas exception à cette règle. Tristan, preux chevalier et héros de son royaume a accompli de nombreux exploits au cours desquels il rencontre Yseult qui le soignera à maintes reprises. Le roi enverra [b]Tristan chercher cette princesse pour son mariage, mais sur le chemin du retour ils boivent malencontreusement le philtre magique destiné aux futurs époux. Ils deviennent alors épris l’un de l’autre et une passion interdite vient les unir. Leur amour étant si fort, ils ne peuvent s’empêcher de le vivre mais ils doivent s’en cacher.[c] Ainsi, une nuit [d]Tristan et Yseult pensent se retrouver seuls dans le jardin mais Yseult aperçoit le reflet de son époux, le roi Marc, dans l’eau. S’en suit alors un échange entre les deux amants qui tentent de faire croire au roi qu’ils ne sont unis que par une chaste amitié. Ce qui devait être une scène de rencontre, topic récurrent en littérature, devient un dialogue à double sens et ayant une allure de discours rhétorique[e]. Nous allons donc tenter de le montrer à l’aide d’un découpage en cinq mouvements : le premier est une sorte de constat de la situation (v.50-57), puis Yseult amorce son piège (v.58-64), le texte voit ensuite apparaitre une brève anticipation sur les évènements funestes à venir (v.65-68), Yseult se place en victime innocente (v.69-80) et enfin le piège se referme (v.81-92).[f]

Méthode. Prenez le temps d’introduire chacun des mouvements.

                   Yseult commence sa prise de parole en posant un cadre, elle explique les éléments importants qui les ont amenés à se connaitre. Elle commence par mettre en avant la bravoure du chevalier avec « molt » qui est placé en début de phrase, Tristan est alors présenté comme un valeureux et héroïque chevalier n’ayant peur de rien. Cette présentation est un motif typique du Moyen Age : l’amour courtois. Cet amour courtois met en scène un chevalier qui séduit sa bien-aimée par sa valeurs et ses prouesses. Elle rappelle alors le combat avec son « oncle » le Mohorlt dans lequel il a été vainqueur mais aussi blessé. Cet évènement est le point de départ de leur histoire d’amour, sans cela ils ne se seraient jamais connus. C’est cet événement qui légitime leur liaison. Le passé des verbes « preistes » et « feistes » insiste sur le passé héroïque de Tristan. Elle remémore leur premier contact de façon implicite : « je vos gari », cette phrase composée de trois mots et en plein vers, est mise en lumière. Ce sont ces trois mots qui résument leur amour,[g] mais ça le roi ne peut le comprendre. Ce bout de phrase, et ce qu’il signifie, n’est compris que par les amants. Le vers suivant « se vos m’en eriez ami » parait lui aussi ambigu. En effet, le mot « ami » d’après le dictionnaire Godefroy signifie aussi bien amant qu’ami.[h] Là aussi Yseult use d’adresse avec les mots, le roi entend ce qu’il veut entendre et Tristan comprend discrètement que quelque chose ne va pas. Elle déclare son amour à Tristan devant son mari qui ne comprend pas ce qui se joue devant lui.[i] Yseult prend alors l’allure d’une femme intelligente, quelque peu manipulatrice et rusée : elle réussit à retourner la situation en sa faveur.  Par le suite, elle semble piquer le roi « n’ert pas mervelle, par ma foi », Yseult donne ici encore l’exemple de ses phrases a double sens. Pour Tristan et elle qui connaissent la vérité ce n’est, en effet pas étonnant qu’ils soient épris l’un de l’autre mais pour le roi qui ne sait pas qu’ils ont bu le philtre magique, la phrase a un tout autre sens.[j] Au vers 57, le choix du mot « amez » est là aussi intéressant puisqu’il vient du verbe « esmer » signifiant aimer. Ce verbe a donc plusieurs formes et la forme choisie est « amer » qui fait écho au mot suivant « amor » comme s’ils étaient là cote à cote pour souligner la véritable nature de leur relation : ils s’aiment d’amour et non d’amitié. C’est comme si la terre leur criait leur amour, même les mots le crie.

               Le deuxième mouvement commence avec une sorte de malédiction lancée par Yseult qui coupe la narration. Le « si » hypothétique casse cette sorte d’incipit [k]violemment pour entrer réellement dans la ruse. Elle mêle dans ces deux premiers vers une puissance divine, une puissance extérieure qui serait une alliée de leur amour interdit. Il semblerait qu’elle en vienne même à se placer, elle-même, en puissance divine pouvant décider de l’avenir surnaturel de chacun.[l] Ajouté au point d’exclamation [m]qui rend la vivacité de ces paroles, renvoyant au « dies irae », le jour de colère, le jugement dernier. La présence de « Deu » dans le vers confère une tonalité dramatique aux paroles d’Yseult, ce qui rend son discours plus crédible aux yeux de son mari.[n] La répétition aux vers suivants « nule chose/ nule pace » met en avant la volonté d’Yseult e faire croire à son mari que ce qu’on lui a raconté n’est que rumeurs. Cette répétition insiste sur le fait qu’elle ne veut plus le voir quel qu’en soit la raison mais elle semble aussi faire écho aux nombreuses entrevues qu’ils ont eues.  Les vers suivants marquent une rime en « ose » montrant que leur amour les pousserait à tout tant il est fort. Elle dit qu’elle n’oserait pas venir par manque de témérité mais ces vers semblent au contraire nier cette témérité seulement pour la souligner.[o] Car cette jeune femme ose tout pour vivre son amour, elle sait ce qu’elle risque, ce qui la décrit comme une héroïne elle aussi. Puis elle dit devoir s’en aller  « trop demor ci, n’en quier mentir » le terme « demor » a deux sens : retard et séjour. [p]Ainsi, cette phrase prend un tout autre sens, elle sous-entend avoir passé trop de temps dans ce jardin, donc en entrevue secrète avec son amant. Cette phrase sonne comme un aveu de la part d’Yseult, aveu d’aimer Tristan, aveu de culpabilité pour son époux. Ce mouvement se finit donc dans une ambiance dramatique, presque tragique, de repentance et d’aveu.[q]

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