LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Théâtre et cruauté, Britannicus, Racine

Dissertation : Théâtre et cruauté, Britannicus, Racine. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  10 Mars 2021  •  Dissertation  •  3 109 Mots (13 Pages)  •  1 272 Vues

Page 1 sur 13

La pièce Britannicus de Racine, le personnage de Néron est éminemment cruel, mais Racine s’attache moins à représenter sa cruauté qu’à mettre en scène dans un crescendo sublime la naissance d’un monstre. Le dramaturge amène la tension jusqu’à son paroxysme, c’est le cinquième acte où toute la violence de Néron explose. La cruauté est un des enjeux majeurs du théâtre. C’est une propension à faire souffrir, une personne cruelle peut être consciente ou non de sa cruauté. L’acte cruel dans le théâtre est aussi bien l’action de faire, mais aussi la parole. Dire, c’est faire au théâtre. Les notions de théâtre et de cruauté sont mêlées puisqu’elles font aussi question dans le lien que le public a avec la pièce. Le théâtre est une sorte de médiateur entre la cruauté et le public, celle-ci peut se placer au sein du texte théâtral, elle peut être purgée du spectateur grâce au théâtre. Le théâtre lui-même peut permettre au spectateur d’échapper à la cruauté qui est dans le réel. Comment la cruauté est-elle exprimée au sein du texte théâtral alors même qu’elle sert à purger les pulsions des spectateurs ?  La cruauté s’exprime de différentes manières par rapport au théâtre : elle est contenue au sein même de son texte, elle permet la purgation des passions du public, mais le théâtre peut aussi être un moyen d’échapper à la cruauté du monde.

  1. La cruauté dans le texte de théâtre

  1. Le scelus nefas au théâtre, la pleine conscience d’un personnage cruel

La cruauté s’exprime en particulier dans la tragédie, le personnage est révélé par ses pulsions de mort. Empreint de ce que les latins appellent la furor, ce qui fait perdre la raison, le personnage de tragédie est voué inexorablement à mettre en acte ses envies destructrices. Le personnage de Médée dans la tragédie de Sénèque est une figure emblématique de l’héroïne tragique. Elle souhaite se venger de son mari Jason qui a eu une liaison avec Creuse. Après avoir tué sa rivale, elle cherche le moyen le plus cruel de se venger de Jason. Elle décide alors de tuer leurs deux enfants, accomplissant ainsi ce que les latins appellent le scelus nefas. Ce terme s’emploie pour désigner un crime extraordinaire, le scelus, d’un être qui ne peut plus faire partie de la société à cause de sa déshumanisation. Médée commet le scelus nefas lorsqu’elle réalise le double infanticide. La cruauté dans le théâtre tragique est omniprésente. Motivée par la vengeance et la furor, Médée commet ces crimes en pleine conscience, sa cruauté est sans limite. En tant que mère elle pleure la mort de ses enfants et en tant qu’épouse elle jouit pleinement des conséquences de sa cruauté. Médée est animée par une pulsion de vie et une pulsion de mort, sa personnalité est scindée en deux et c’est celle de la femme monstrueuse qui prend finalement le dessus.

  1. La fatalité de la tragédie qui rend ambiguë la cruauté du personnage théâtral

Outre la cruauté du personnage tragique et sa propension à la cruauté et à s’abandonner au cours de la pièce à sa pulsion de mort, le théâtre tragique est aussi animé par la fatalité. En effet, la fatalité est ce qui ne dépend pas du personnage et des mortels en général. C’est ce qui transcende le personnage théâtral, souvent sous la forme de la volonté divine des dieux grecs ou romains. Le personnage de Phèdre est éminément tragique en cela qu’elle n’est pas maitresse d’elle-même, son amour pour Hippolyte est plus fort qu’elle et elle ne peut le contrôler. Elle tente néanmoins de s’en défaire mais c’est impossible. Lorsque Thésée apprend que l’union avec sa femme Phèdre a été souillé par son fils Hippolyte et beau-fils de cette dernière, il maudit Hippolyte qui est alors tué par un monstre marin. La cruauté de Phèdre se dessine à travers son amour incestueux et par la mort d’Hippolyte qu’elle a indirectement provoqué. Malgré cela, la cruauté est rendue ambiguë par la fatalité qui pèse sur Phèdre. La question de sa responsabilité est soulevée, ce n’est pas totalement de sa faute si elle n’était pas maîtresse d’elle-même. Il en va de même pour le personnage d’Œdipe dans la tragédie Œdipe-Roi de Sophocle, dont la cruauté est rendue ambiguë en raison de la prophétie qui imposait un destin à Œdipe qui n’en était pas maître. Œdipe est cruel lorsqu’il tue son père et épouse sa mère, mais est-il vraiment responsable de ses actes alors qu’il ne savait rien de l’identité de ses parents ? La cruauté d’Œdipe est ambiguë dans le théâtre tragique.

  1. La cruauté dans le théâtre comique

Cependant, la cruauté dans le théâtre n’est pas seulement présente dans la tragédie. Contre toute attente, elle se retrouve aussi dans la comédie. Même si toutes les comédies ne sont pas cruelles, loin de là, certaines peuvent avoir des dimensions violentes. En effet, le rire de la comédie se divise en cinq procédés du comique : le comique de gestes, le comique de situation, le comique de répétition, le comique de mots et le comique de caractère. Ce dernier en particulier, le comique de caractère, met en avant les défauts de personnages types en les exagérant pour s’en moquer. L’objectif est de corriger les vices des hommes en les exposant à la risée de tous. Ainsi, se moquer d’un personnage, que ce soit du public envers un personnage ou bien des personnages envers un autre des leurs, le principe est le même : se moquer. Dans la comédie du Bourgeois Gentilhomme de Molière, Monsieur Jourdain est au centre des railleries de tout son entourage. Madame Jourdain, sa femme, et Nicole, la servante, se jouent de Monsieur Jourdain qui souhaite devenir un gentilhomme et se lance maladroitement dans l’apprentissage des armes, de la danse, de la musique et de la philosophie. Lorsque Monsieur Jourdain refuse l’union de sa fille avec Cléonte puisqu’il n’est pas gentilhomme, Cléonte et son valet Covielle organisent tout un stratagème pour obtenir le consentement de Monsieur Jourdain. Cléonte se fait passer pour le fils du Grand Turc et octroie à son beau père le titre de la plus haute noblesse, « Mamamouchi » lors d’une cérémonie turque très burlesque. Tout en riant de la naïveté de Monsieur Jourdain, la cruauté des personnages est assez violente puisque les personnages rient avec le public complice du ridicule du bourgeois. Le rire est ici provoqué par un personnage, la moquerie est cruelle puisqu’il s’agit finalement d’un homme qui, même dans son immense ridicule, souhaite s’élever en s’éduquant. Le décalage entre son envie de devenir gentilhomme et son statut social de bourgeois est dénoncé, les autres personnages sont cruels avec Monsieur Jourdain puisque la pièce semble dire qu’il est impossible d’évoluer dans l’échelle des classes sociales. Ainsi, le théâtre comique peut porter lui aussi de la cruauté, cruauté violente puisqu’elle est axée envers un personnage dont se moquent le reste des personnages et les spectateurs, complices.

...

Télécharger au format  txt (19 Kb)   pdf (146.6 Kb)   docx (14.9 Kb)  
Voir 12 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com