TIT-COQ de Gratien Gélinas

TIT-COQ de Gratien Gélinas

Acte I, Tableau I

TIT-COQ

Un bâtard, oui! C’est bête, mais c’est comme ça. Cent pour cent. Né à la crèche, de mère inconnue et de père du même poil! Élévé à l’hospice jusqu’à ce que je m’en sauve à l’âge de quinze ans. Je m’appelle Arthur Saint-Jean. Le prénom, je me demande où les soeurs l’ont pêché, mais «Saint-Jean» vient du fait que j’ai été baptisé le jour de la Saint-Jean-Baptiste. Oui, je suis un enfant de l’amour, comme on dit. Un petit maudit bâtard, si monsieur préfère. Seulement, vu que c’est bien peu de ma faute, y a pas un enfant de chienne qui va me jeter ça à la face sans recevoir mon poing à la même place! (p.17)

1. Pourquoi s’appelle-t-il Tit-Coq?

Acte I, Tableau II

LE PERE

[…] Et tu vas voir qu’on n’est pas du monde gênant. D’abord, on n’est pas riches, ni supérieurement intelligents; on est tout juste une famille d’ouvriers dans le village de Saint-Anicet. La «snoberie», prends ma parole, on connaît pas ça ici-dedans! […]

A part ça, on sait qu’on vaut pas cher, mais on s’aime ben quand même, tous ensemble. Ça fait que je t’avertis : dans le temps des Fêtes, nous autres, on se lèche et puis on s’embrasse la parenté comme des veaux qui se tettent les oreilles jusqu’à la quatrième génération de deux bords! […] (p.40)

2. Que représente une relation avec une bonne fille comme Marie-Ange pour Tit-Coq?

Acte I, Tableau III

TIT-COQ

Ah! je leur en veux pas. A chacun ses embêtements dans la vie : ma mère a porté sa misère pendant neuf mois, et moi… j’ai porté le reste. (p.47)

3. Quel est le fardeau de Tit-Coq? De nos jours quelle condition serait aussi difficile à vivre?

Acte I, Tableau V

MARIE-ANGE

Oui, parce que mon mari à moi, tout l’amour qu’il aura dans sa vie, c’est à moi qu’il le devra ; à moi, Marie-Ange Desilets, et à la parenté que je lui donnerai! Si une femme est heureuse de se sentir indispensable à un homme, je serai loin de m’embêter en ménage! (p.72)

4. En contraste avec le romantisme de Marie-Ange, qu’est-ce que Germaine cherche dans une relation amoureuse? Est-ce que les femmes modernes ont les mêmes attentes du mariage?

Acte I, Tableau V

GERMAINE

Pas de divorce dans le pays. On est loin d’Hollywood!

MARIE-ANGE

Bien sûr!

GERMAINE

Là-bas, si tu te trompes de train, c’est simple, tu descends à la prochaine gare. Mais ici, il faut que tu endures jusqu’au terminus. (p.73)

5. Peu importe les circonstances on ne divorçait guère. Que pensez-vous de la banalité courante de ce geste?

Acte II, Tableau I

LE PADRE

Tu n’as pas été tenté de l’épouser, ta Marie-Ange, avant de partir?

TIT-COQ

Tenté? Tous les jours de la semaine! Mais non. Épouser une fille, pour qu’elle ait un petit de moi pendant que je serais parti au diable vert? Jamais en cent ans! Si mon père était loin de ma mère quand je suis venu au monde, à la Miséricorde ou ailleurs, ça le regardait. Mais moi, quand mon petit arrivera, je serai là, à côté de ma femme. Oui, Monsieur! Aussi proche du lit qu’il y aura moyen. (p.92)

6. Était-il par bonne conscience ou par égoisme que Tit-Coq refuse de perpétuer la douleur de l’illégitimité?

Acte II, Tableau I

TIT-COQ

Moi, je ne m’imagine pas sénateur dans le parlement, plus tard, ou ben millionnaire dans un château.

Non! Moi, quand je rêve, je me vois en tramway, un dimanche soir vers sept heures et quart, avec mon petit dans les bras et, accrochée après moi, ma femme, ben propre, son sac de couches à la main. Et on s’an va veiller chez mon oncle Alcide. Mon oncle par alliance, mais mon oncle quand même! Le bâtard tout seul dans la vie, ni vu, ni connu. Dans le tram, il y aurait un homme comme les autres, ben ordinaire avec son chapeau gris, son foulard blanc, sa femme et son petit. Juste comme tout le monde. Pas plus, mais pas moins! Pour un autre, ce serait peut-être un ben petit avenir, mais moi, avec ça, je serais sur le pignon du monde!

7. Est-ce raisonnable comme rêve? Reconnaissons-nous toujours la valeur d’une petite vie normale? Est-elle encore source du bonheur?

LE PADRE

Je comprends. Et je te félicite.

TIT-COQ

S’agit pas de me féliciter : un homme n’a pas de mérite à vouloir la seule sorte de vie qui pourra jamais le contenter.

LE PADRE

La seule?

TIT-COQ

Ouais. Je pourrais jamais être heureux sans ça! (Entier.) Parce que cette idée-là, comprenez-vous, je l’ai dans le derrière de la tête. (Se pointant le chignon.) Quelque part par là. Et c’est tracé aussi clair et net là-dedans qu’un chemin de fer!

LE PADRE

(Après un temps.) Sais-tu à quoi tu me fais penser, mon Tit-Coq? A une branche de pommier qu’une tempête aurait cassé. Si on la laisse sur le sol où elle est tombée, elle pourrira. Mais, à condition de s’y prendre à temps, on peut la greffer sur un autre pommier et lui faire porter des fruits, comme si rien n’était arrivé.

(pp.94,95)

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