Stratagème , ruse ou fourberie

Stratagème, ruse ou fourberie ?

« Quand l’amour parle il est maître et il parlera. » (Acte 1, scène 2) c’est ce que dit Dubois après la présentation de son stratagème a Dorante. L’amour parlera oui, mais par quels moyens ?  

Dans « les fausses confidences », le stratagème est omniprésent. En fait il s’agit de l’un des thèmes principaux de l’œuvre. Tout les personnages se transforment en stratèges durant la pièce, ils cherchent tous à obtenir quelque chose les uns des autres. Un stratagème désigne une stratégie militaire qui vise a tromper l’ennemi menant ainsi vers la victoire, dans le langage courant ce terme s’est transformé pour désigner un processus pour parvenir a ses fins. Il peut être exécuté de différentes manières : si la tromperie est habilement exécutée on peut alors parler de ruse, mais si il s’agit d’une tromperie hypocrite et malsaine, le terme de fourberie est alors plus adapté. Dans l’œuvre de Marivaux, comment les stratagèmes sont ils mis en place, par la ruse ou bien par la fourberie ? Pour répondre a cette question, nous étudierons le stratagème mis en place par le valet Dubois pour que Araminte, sa maîtresse, tombe amoureuse de Dorante, l’ancien maître de celui ci. Nous verrons d’abord les aspects habiles et malins de ce stratagème. Mais aussi les points hypocrites et trompeurs qui rapprochent les méthodes de Dubois à une fourberie. Ainsi cela nous permettra d’étudier en quoi le stratagème est complexe.

        La ruse est l’art de la tromperie, un procédé habile qui nécessite une réflexion de la part de son auteur. On trouve la ruse au travers de nombreuses œuvres littéraires au cours du temps, on peut prendre pour exemple Ulysse, personnage de l’Odyssée d’Homère, trouve des solutions à ces  des ennuis en utilisant son intelligence. Dans les fausses confidences, le personnage intelligent est incarné par Dubois et il met sa richesse d’esprit au profit de son stratagème. Il est ainsi le personnage pivot de l’œuvre de Marivaux, c’est lui qui fait progresser l’intrigue au long de la pièce. Dès les premières scènes, c’est lui qui, dans la scène d’exposition, présente la situation et annonce l’intrigue générale. « Oh ! Vous m'impatientez avec vos terreurs [...] vous réussirez, vous dis-je. » il est sûr de son plan et parvient même à prévoir l’issue de la pièce dès la seconde scène. Au cours du texte, Dubois réorganise les relations entre les personnages, il se trouve dans une situation délicate car il est au service de deux maîtres à la fois : il sert officiellement Araminte mais officieusement il sert les intérêts de Dorante. Il ne se situe pourtant pas dans une position d’infériorité par rapport à ces deux personnages. La relation qu’il entretient avec son ancien maître ne manque pas d’ambiguïté. L’écart entre eux se réduit car Dorante, personnage de plus haute condition sociale que Dubois, se fait engager au service d’Araminte ce qui le place au niveau des serviteurs ce qui semble presque inverser la situation entre les deux personnages. « Retirez-vous.[…] Allez dans le jardin.[…] Dans le jardin, vous dis-je ; je vais m'y rendre. »(scène 17 Acte II) Dubois n’hésite pas à donner des ordres directs a Dorante, ici très sèchement en multipliant les formes impératives. On peut relever que le stratagème de Dubois articule l’œuvre dans toute sa longueur, elle s’ouvre sur l’annonce de son plan   et se referme quand il est achevé. Il n’est pas le personnage principal pourtant il est le moteur de l’histoire et c’est lui qui rend possible l’union entre Dorante et Araminte par le biais de ses ruses.

Si Dubois paraît dominer toutes les situations, c'est qu'à la différence de la plupart des personnages de cette pièce, il détient une parfaite maîtrise du langage et en connaît ses effets. Les autres personnages semblent être dépassés par son habileté a manier les mots, Arlequin prend les mots au pied de la lettre (I, 8), Marton parle trop et ne saisit pas les doubles sens glissés par Dubois (I, 17) ou Dorante (II, 3). Madame Argante se laisse aller à l’injure à deux reprises en traitant Dorante d’« impertinent » (III, 5) puis Monsieur Rémy de « bonhomme » (III, 6). Dubois utilise des procédés pour capter l’attention de son interlocuteur. Dans la scène 14 du premier acte, il fait semblant de se confier a Araminte pour pouvoir ensuite vanter les mérites de Dorante.

Son intelligence ne l’empêche pas de rester un être sensible. Il ressent des émotions qu’il maîtrise. «  vous êtes un excellent homme, un homme que j'aime » (I, 2) il apprécie grandement son ancien maître et ne s’en cache pas devant lui. Il ne laisse pourtant jamais transparaître cette affection directe en présence des autres personnages. Dubois réussi également a déchiffrer les émotions des personnes avec qui il parle en les utilisant a son avantage. Ulysse se sert de cette même méthode pour s’échapper de l’île de Circé car il à compris que cette dernière est amoureuse de lui. La lecture des émotions est un des point clé de la ruse. On parle souvent de la ruse du renard, ainsi dans les contes de La Fontaine, le renard connaît orgueil du corbeau et s’en sert d’une manière hypocrite en lui dressant un faux portrait afin de lui subtiliser son fromage. Quand la ruse devient mesquine méchante et   sournoise on peut alors parler d’une fourberie.

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