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Souplement Au Voyage De Bougainville

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Par   •  1 Juin 2015  •  2 495 Mots (10 Pages)  •  1 318 Vues

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Diderot, Supplément au Voyage de Bougainville, 1772.

Commentaire du discours du vieillard. (Ligne 1 à 23)

Vocabulaire :

Une harangue est un discours solennel prononcé devant une assemblée, un haut personnage.

Une diatribe est une critique amère, violente, le plus souvent sur un ton injurieux ¬≠ une apologie, un éloge.

Un réquisitoire est un discours qui accuse quelqu’un en énumérant ses fautes, ses torts. ≠ une plaidoirie (discours pour défendre quelqu’un), un plaidoyer (discours pour défendre une personne, une cause), un dithyrambe (un éloge enthousiaste parfois jusqu’à l’emphase.

Supplément au Voyage de Bougainville : œuvre de fiction qui commence comme un dialogue philosophique entre deux personnages, A et B, dont l’un prétend qu’il a eu accès à une partie inédite de l’œuvre du navigateur Bougainville (le Voyage autour du Monde). Ce dernier ayant été présenté de façon positive dans le 1er chapitre, le lecteur est surpris de le voir tant critiqué : c’est que, malgré ce que lui reproche Diderot, il ne veut pas le caricaturer et prend en compte les qualités du navigateur. Ce dernier a d’ailleurs été enchanté par la découverte du mode de vie tahitien, et a participé à l’idéalisation de la vie « sauvage », mais il a été choqué par les sacrifices humains et a mis en évidence la hiérarchie sociale que Diderot gomme volontairement dans son Supplément.

Dans cette tirade du vieillard s’adressant à Bougainville, Diderot fait le procès du colonialisme. Comment le philosophe s'y prend-il pour faire prendre conscience de la barbarie des Européens colonisateurs ? Le vieillard, porte-parole de l’auteur, remet également en question le soi-disant esprit de civilisation caractérisant ces derniers.

N.B. : Le vieillard dont Diderot imagine ici les propos était présent dans le récit de Bougainville, qui relatait l’attitude inamicale d’un vieil homme s’opposant à l’enthousiasme de son peuple. Diderot lui fait prononcer cette harangue au moment des adieux à Bougainville : face aux Tahitiens qui se lamentent du départ de Bougainville, le vieillard souhaite les mettre en garde : ils ont tort de pleurer celui qui n’apportera que malheur et désolation sur leur terre.

I. Un réquisitoire contre le colonialisme (emploi du registre polémique).

A. Le vieillard attaque Bougainville, fait son procès.

1. Termes dépréciatifs critiquant la violence des Européens :

 Leur arrivée est synonyme de bouleversement des mœurs paisibles des Tahitiens : la tournure restrictive « ne (…) que » dans l’expression « tu ne peux que nuire » insiste sur le caractère inévitablement nuisible de l’intrusion des Européens à Tahiti). Concernant la ‘’possession’’ des femmes, ils se sont comportés comme des êtres violents, destructeurs, comme le montre le champ lexical de la violence et de la haine progressant par gradation : ils ont « allum[é] en elles des fureurs inconnues », ils ont rendu « folles » les femmes, ils sont devenus « féroce[s] » (et donc sauvages, contraires à des êtres civilisés), « Elles ont commencé à se haïr » parce qu’ils ont voulu la possession exclusive et jalouse des Tahitiennes, ils se sont « égorgés pour elles», et les ont « teintes de leur sang », métaphore indiquant bien que leur violence est contagieuse.

 Pour dénoncer la barbarie des Européens, le vieillard établit également une antithèse entre le vol « des méprisables bagatelles dont [leur] bâtiment est rempli », et leurs réactions complètement disproportionnées : « tu t’es récrié, tu t’es vengé » La vengeance est justement opposée à l’idée de civilisation qui repose en grande partie sur la justice, qui règle les litiges de façon la plus dépassionnée et raisonnée possible. (Dans la réalité, Bougainville a d’abord été clément puis a en effet ordonné de tirer sur les voleurs).

2. La colonisation est également dénoncée comme un vol. Les Européens sont des « Brigands » voleurs de terres qui profitent d’être « les plus forts », ce qui prouve au passage que la colonisation n’a rien à voir avec l’esprit de civilisation. Les périphrases par lesquelles le vieillard désigne la colonisation la dénoncent comme un vol : « tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur esclavage » (Bougainville avait en effet enfoui un acte de prise de possession inscrit sur une planche de chêne dans une bouteille scellée), « tu as projeté dans le fond de ton cœur le vol de toute une contrée, « tu veux nous asservir », « ils ont écrit sur cette lame de métal : Ce pays est à nous ». Il les accuse de s’arroger des droits qu’ils n’ont pas, et de commettre des actes illégitimes qu’ils trouveraient impensables de la part des Tahitiens : s’approprier une terre, réduire ses habitants en esclavage. La phrase conditionnelle « Si un Tahi¬tien débarquait un jour sur vos côtes, et qu'il gravât sur une de vos pierres ou sur l'écorce d'un de vos arbres : Ce pays appartient aux habitants de Tahiti, qu'en penserais-tu ? » permet en effet de réaliser le caractère illégitime de toute colonisation, les colons ne se permettant de s’approprier une terre qu’au nom de leur soi-disant supériorité.

Cf. : Histoire des deux Indes, dans laquelle Diderot se montre farouchement anticolonialiste : Le colon est pour lui « voleur et assassin », et il dit s’imaginer à la place de leurs ennemis, prenant « les armes contre [eux], et « baign[ant] [s]es mains dans [leur] sang. »

3. De la ligne 3 à 10, un parallélisme de construction oppose le mode de vie tahitien et les actions néfastes des Européens. A chaque fois, le vieillard évoque d'abord le bonheur de la société tahitienne, dont le pronom « nous… » souligne l'union, l'accueil pacifique et généreux qu'ils ont fait aux Européens, puis les actes de domination et de destruction des ces derniers. Quatre fois répétée, l'expression « et tu… » vient accuser Bougainville mais aussi, par synecdoque, l’ensemble des Européens. Le jeu des pronoms personnels donne donc l'impression d'un affrontement verbal.

4. L’agressivité du ton est perceptible par d’autres indices :

 L’apostrophe, qui interpelle Bougainville et le désigne d’emblée comme coupable : « Et toi, chef des Brigands », (le pronom « tu » marque le refus d’user d’une formule de respect.)

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