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Réflexions ou sentences et maximes morales

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Par   •  27 Janvier 2016  •  Commentaire de texte  •  1 987 Mots (8 Pages)  •  6 892 Vues

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INTRODUCTION :          

En tant que moraliste pur du dix-septième siècle, le philosophe François de La Rochefoucauld fait le choix d’une forme littéraire critique pour présenter au lecteur un regard neuf sur lui-même ainsi que sur son entourage, tout en lui épargnant un contexte social, politique ou culturel : il s’agit de réfléchir sur l’homme, de manière intrinsèque et universelle, de dresser un portrait de son cœur à travers la forme de la maxime.

Ce qui distingue la maxime du proverbe et de la devise, c’est l'individualisme. Alors que le proverbe est puisé à un fonds commun de sagesse représentant la tradition, la maxime est une vérité écrite dont l’auteur prend la responsabilité. Elle est critique, incisive et volontiers ironique. Alors que le proverbe ne fait que répéter la doxa, la maxime la remet en cause ou en ruine les assises.
Dans ses
Réflexions ou sentences et maximes morales, le philosophe met ainsi à mal les vertus les plus respectées, les présentant comme des « vices déguisés ». C’est également le cas pour les maximes 175 à 181, auxquelles nous allons nous intéresser, et où il est notamment question de la constance en amour, mais aussi des rapports que nous entretenons avec autrui et avec soi-même.                                          

Comment, à travers le choix de la maxime, La Rochefoucauld parvient-il à asséner à ses lecteurs une vérité profondément pessimiste et irréfutable ?

Il s’agira dans un premier temps de mesurer l’impact produit par les maximes sur le lecteur, et donc d’y déceler les intentions de son auteur, avant de nous intéresser à la forme lapidaire des propos, qui ferment tout espoir de changement et d’amélioration pour le lecteur.

Rythme binaire, qui oppose la croyance vulgaire à la vérité philosophique de La Rochefoucauld.

        I. La forme de la maxime

A. Le choix de l’énonciation : à la fois une mise à l’écart de l’auteur et une globalisation de tous les lecteurs (auteur y compris)

La Rochefoucauld choisit de ne pas marquer sa présence dans l’écriture de ces maximes : leur sujet n’est jamais lui ou le lecteur, mais un concept, une qualité ou une action. La formulation impersonnelle permet de pouvoir asséner une vérité générale, de la présenter comme n’ayant pas été exprimée par lui, seulement retranscrite. L’emploi d’articles définis permet de généraliser le propos, de mettre en relief son caractère véridique : aucune exception  n’est permise, la maxime s’applique donc dans toutes les situations et à toute personne. On lit ainsi « la constance », « la persévérance », « l’espérance »… Cependant, et puisque l’auteur est lui-même humain comme ses lecteurs, nous assistons à côté de cette mise à l’écart de l’énonciateur une réunion des marques personnelles (auxquelles s’appliquent ces maximes) sous le pronom « on », et plus largement sous les pronoms possessifs de cette personne ou bien de la première du pluriel : La Rochefoucauld parle bien de « notre cœur », de « ce que l’on se fait un honneur d’être constant », de « ceux qui nous connaissent trop », etc. Tous les hommes, y compris l’auteur, sont donc sur un pied d’égalité : les maximes ne traitent pas du statut des hommes (qui prend en compte le social, le culturel, le politique voire la position géographique) mais s’attachent à offrir aux lecteurs un portrait fidèle, précis et universel de leur comportement. La singularité, la particularité n’ont pas leur place dans les propos du philosophe, qui préfère asséner des vérités également intemporelles.

B. Le choix du temps

Le choix du temps est donc également très important dans la forme de la maxime, qui adopte le présent gnomique pour pouvoir proférer des vérités générales. L’homme voit ainsi son comportement enfermé dans une atemporalité, sans aucun espoir de le voir changer. Des adjectifs et des compléments viennent par ailleurs amplifier le phénomène : La Rochefoucauld parle ainsi d’inconstance « perpétuelle » et « arrêtée », de « ce que l’on retrouve sans cesse »… Si un comportement se rapportant à une volonté de changement est traité, ce traitement est fait de manière telle qu’il ne dépend en fait pas de nous, mais du caprice de notre inconscient : la persévérance n’est ainsi « que la durée des goûts et des sentiments  qu’on ne s’ôte et qu’on ne se donne point », notre goût pour les nouvelles connaissances est totalement dépendant du « dégoût de n’être pas assez admirés », et notre repentir qu’une crainte camouflée ou inconsciente. En somme, l’homme est hermétique à tout élan personnel et sincère vers un changement de son comportement, puisque c’est ce dernier même qui nous contrôle, pour La Rochefoucauld. Les qualités, comme la constance en amour qui est largement traitée dans cet extrait des Maximes, sont par ailleurs réduites, ramenées à des logiques d’esprit que l’on pourrait qualifier de vicieuses, et ceci, comme nous avons pu le voir, de façon totalement incontrôlée et perpétuelle.

C. La restriction

Les définitions proposées par le moraliste sont en fait des corrections de la doxa : les qualités évoquées, voulues nobles et respectueuses par la morale populaire, sont ici ramenées à une logique mentale pernicieuse bien que souvent inconsciente. Des tournures de phrase restrictives sont employées, lesquelles participent à la déstabilisation de la connaissance de notre comportement : la constance en amour n’est, comme nous l’avons plus haut, « qu’une inconstance arrêtée et renfermée dans un même sujet », la persévérance « n’est que la durée des goûts et des sentiments, qu’on ne s’ôte et qu’on ne se donne point »… Les formules « n’est pas tant… que » sont également employées (maximes 178 et 180) et mettent bien en exergue notre méconnaissance de nous-mêmes, le fantasme d’une logique comportementale sincère et honorable mais qui ne reste qu’illusoire, bien que rassurante.

Cet aspect rassurant de la doxa, La Rochefoucauld le renverse totalement : l’homme n’a alors plus aucune connaissance de lui-même, et ses préceptes sont donc également mis à mal.

        II. Un profond pessimisme

A. Une déstabilisation des croyances : fausses portes ouvertes pour mieux prouver la connaissance et les recherches de l’auteur sur le sujet

La Rochefoucauld fait le choix de déstabiliser ses lecteurs (et leurs connaissances a priori du comportement humain) suivant un schéma très simple : chacune commence par présenter le sujet, mais toujours de façon très réductrice, et de sorte que le sujet en question soit en lien avec un ou plusieurs autres qui nous déstabilisent, du fait de leur caractère antinomique dans le propos. Ainsi, l’inconstance est « une inconstance », la constance en amour ne se porte pas sur la personne aimée mais sur une simple curiosité dénuée de sentiments ou simplement sur notre propre personne (« l’honneur d’être constant »), la persévérance se voit totalement déshumanisée et apparaît comme un caractère incontrôlable de notre personnalité… En somme, tout ce qui fait notre humanité est ici déni. Mais ce qui peut choquer encore plus le lecteur (en plus du renversement de la doxa), c’est également cette simplicité feinte des propos du philosophe, qui opèrent comme des équations, grâce notamment à un rythme binaire marqué, qui permet une séparation très prononcée entre préjugés et vérité, mais qui met également en exergue des relations de cause à effets intelligibles voire certains termes dans leur caractère pessimiste et définitif (comme avec la maxime 175 où il est question d’une inconstance « arrêtée et fermée »). Parfois ce rythme binaire fait croire dans un premier temps au lecteur que la définition d’un terme n’est pas arrêtée, qu’il faut tenir compte de plusieurs aspects : mais cette manière d’écrire ne fait que montrer l’étendue des recherches de l’auteur (et donc la légitimité de ses propos), et ces fausses « portes ouvertes » n’en déstabilisent que plus le lecteur : pour exemples les maximes 176, 178 et 181.

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