Ruse marivaudienne

LIOGIER Clara 

1°4                               Dissertation

« En règle générale, l’action sourit aux personnages latéraux et, par ricochet, aux héros, principaux bénéficiaires d’une action rusée qui ne se déploie plus à leur détriment » expliquait Sophie Marchand, journaliste, dans La Ruse en scène. « La ruse marivaudienne est en grande partie altruiste et presque toujours bienveillante ».  Mais dans quelle mesure ce jugement s’applique-t-il ?

Tout d’abord, nous pouvons constater que la mise en place du stratagème part d’une intention généreuse de la part de celui qui l’organise. En effet, dans de nombreux cas, la ruse est imaginée par le valet, qui se révèle souvent être adjuvant de la jeunesse, et qui veut venir en aide à son maître afin que celui- ci puisse conquérir la femme qu’il aime. Ce stratagème est souvent bénéfique au personnage principal puisqu’il lui permet d’accéder à son but, qu’il soit amoureux ou non. On peut retrouver ce schéma dans Les Fausses Confidences de Marivaux, lorsque Dubois, le valet, met en scène un stratagème afin que Dorante, son ancien maître, puisse conquérir le cœur d’Araminte, sa maîtresse actuelle. Les sentiments qu’Araminte développe pour Dorante sont certes issus d’un mensonge, mais on ne peut blâmer Dubois puisque ce dernier agit de façon bienveillante et dans l’intérêt commun des deux personnages principaux. On retrouve le même type d’action dans Le Barbier de Séville de Beaumarchais, avec Figaro, un valet au service du Comte Almaviva. Dans cette comédie, Figaro demande au comte Almaviva de se déguiser en militaire afin de pouvoir pénétrer chez le docteur Bartholo et parler à sa pupille Rosine, qui se trouve être la femme aimée par Almaviva. Encore une fois, les actions immorales du héros et de son valet sont éclipsées par l’altruisme et la bienveillance du personnage qui organise la ruse. De plus le personnage que l’on cherche à tromper est souvent antipathique et malveillant, ce qui suscite un sentiment de compassion et de soutien du lecteur envers le héros. Dans certains cas, le stratagème n’est pas élaboré dans l’optique de trouver l’amour mais plutôt dans le but d’éviter au personnage principal de se faire tromper. On peut observer ceci dans Le Malade Imaginaire, lorsque Toinette, la domestique, aide Argante, son maître, à démasquer les intentions de Béline, sa seconde épouse qui tente d’éloigner les filles de ce dernier et feint un dévouement sans faille afin de récupérer l’héritage que celui-ci laissera à sa mort. L’objectif de ce stratagème est de tromper pour ne pas être trompé. Une fois de plus, la ruse est mise en place avec un certain altruisme car elle ne bénéficie en rien à la personne qui l’a élaborée.

Cependant, les stratagèmes imaginés par les personnages latéraux partent quelques fois d’une mauvaise intention. Dans certaines œuvres, le valet essaye de tromper son maître en le manipulant. Par exemple dans la comédie de Molière, Les Fourberies de Scapin, Scapin, le valet, essaye de soutirer de l’argent à Argante, son maître. Il lui fait croire que cet argent va servir à faire annuler le mariage de son fils. Scapin invente donc un personnage d’apparence effrayante, le frère de la mariée, afin de piéger Argante. Il manipule son maître en lui disant que le frère accepte de briser le mariage à la seule condition qu’il bénéficie d’une importante somme d’argent afin d’acheter du matériel pour aller à la guerre. Bien évidemment, tout cela est le fruit d’une ruse montée de toutes pièces par Scapin dans le but de récupérer la somme voulue. D’autre part, même lorsque le stratagème se veut bienveillant, il y a quelques fois des dommages collatéraux. Par exemple, si l’on reprend Les Fausses Confidences, on observe que Marton, une domestique d’Araminte, est amoureuse de Dorante. Or, à cause de la ruse élaborée par Dubois, lorsqu’Araminte et Dorante se déclarent mutuellement leur amour, elle est condamnée à être spectatrice de leur bonheur et à s’effacer pour laisser les héros dans la lumière.

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