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Roman Renard

Commentaire d'oeuvre : Roman Renard. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  1 Août 2014  •  Commentaire d'oeuvre  •  10 838 Mots (44 Pages)  •  654 Vues

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Le Roman de Renart 1

Le Roman de Renart

Le Roman de Renart

Anonyme

Prologue

Où l’on voit comment le Goupil et le Loup vinrent au monde, et pourquoi le premier s’appellera Renart, le second

Ysengrin.

Seigneurs, vous avez assurément entendu conter bien des histoires : on vous a dit de Paris comment il ravit Hélène,

et de Tristan comme il fit le lai du Chevrefeuil ; vous savez le dit du Lin et de la Brebis, nombre de fables et

chansons de geste : mais vous ne connaissez pas la grande guerre, qui ne finira jamais, de Renart et de son compère

Ysengrin. Si vous voulez, je vous dirai comment la querelle prit naissance et avant tout, comment vinrent au monde

les deux barons.

Un jour, j’ouvris une armoire secrète, et j’eus le bonheur d’y trouver un livre qui traitait de la chasse. Une grande

lettre vermeille arrêta mes yeux ; c’était le commencement de la vie de Renart. Si je ne l’avais pas lue, j’aurais pris

pour un homme ivre celui qui me l’eût contée ; mais on doit du respect à l’écriture et, vous le savez, celui qui n’a pas

confiance aux livres est en danger de mauvaise fin.

Le Livre nous dit donc que le bon Dieu, après avoir puni nos premiers parents comme ils le méritaient, et dès qu’ils

furent chassés du Paradis, eut pitié de leur sort. Il mit une baguette entre les mains d’Adam et lui dit que, pour obtenir

ce qui lui conviendrait le mieux, il suffisait d’en frapper la mer. Adam ne tarda pas à faire l’épreuve : il étendit la

baguette sur la grande eau salée ; soudain il en vit sortir une brebis. « Voilà, » ce dit-il, « qui est bien ; la brebis

restera près de nous, nous en aurons de la laine, des fromages et du lait. »

Ève, à l’aspect de la brebis, souhaita quelque chose de mieux. Deux brebis, pensa-t-elle, vaudront mieux qu’une. Elle

pria donc son époux de la laisser frapper à son tour. Adam (nous le savons pour notre malheur), ne pouvait rien

refuser à sa femme : Ève reçut de lui la baguette et l’étendit sur les flots ; aussitôt parut un méchant animal, un loup,

qui, s’élançant sur la brebis, l’emporta vers la forêt voisine. Aux cris douloureux d’Ève, Adam reprit la baguette : il

frappe ; un chien s’élance à la poursuite du loup, puis revient ramenant la brebis déjà sanglante.

Grande alors fut la joie de nos premiers parents. Chien et brebis, dit le Livre, ne peuvent vivre sans la compagnie de

l’homme. Et toutes les fois qu’Adam et Ève firent usage de la baguette, de nouveaux animaux sortirent de la mer :

mais avec cette différence qu’Adam faisait naître les bêtes apprivoisées, Ève les animaux sauvages qui tous, comme

le loup, prenaient le chemin des bois.

Au nombre des derniers se trouva le goupil, au poil roux, au naturel malfaisant, à l’intelligence assez subtile pour

décevoir toutes les bêtes du monde. Le goupil ressemblait singulièrement à ce « maître » passé dans tous les genres

de fourberies, qu’on appelait Renart, et qui donne encore aujourd’hui son nom à tous ceux qui font leur étude de

tromper et mentir. Renart est aux hommes ce que le goupil est aux bêtes : ils sont de la même nature ; mêmes

inclinations, mêmes habitudes ; ils peuvent donc prendre le nom l’un de l’autre.

Le Roman de Renart 2

Or Renart avait pour oncle sire Ysengrin, homme de sang et de violence, patron de tous ceux qui vivent de meurtre et

de rapine. Voilà pourquoi, dans nos récits, le nom du loup va se confondre avec celui d’Ysengrin.

Dame Hersent, digne épouse du larron Ysengrin, coeur rempli de félonie, visage rude et couperosé, sera, par une

raison pareille, la marraine de la louve. L’une fut insatiable autant que l’autre est gloutonne : mêmes dispositions,

même caractère ; filles, par conséquent, de la même mère. Il faut pourtant l’avouer : il n’y a pas eu de parenté

véritable entre le loup et le goupil ; seulement, quand ils se visitaient et qu’il y avait entre eux communauté d’intérêts

et d’entreprises, le loup traitait souvent le goupil de beau neveu ; l’autre le nommait son oncle et son compère. Quant

à la femme de Renart, dame Richeut, on peut dire qu’elle ne cède pas en fourbe à la goupille, et que si l’une est

chatte, l’autre est mitte. Jamais on ne vit deux couples mieux assortis ; même penchant à la ruse dans Renart et dans

le goupil ; même rapacité dans la goupille et dans Richeut.

Et maintenant, Seigneurs, que vous connaissez Ysengrin le loup et Renart le goupil, n’allez pas vous émerveiller de

voir ici parler le goupil et le loup, comme pouvaient le faire Ysengrin et Renart : les bons frères qui demeurent à

notre porte, racontent que la même chose arriva jadis à l’ânesse d’un prophète que j’ai entendu nommer Balaam. Le

roi Balaac lui avait fait promettre de maudire les enfants d’Israël ; Notre Seigneur qui ne le voulut souffrir, plaça

devant l’ânesse son ange armé d’un glaive étincelant. Balaam eut beau frapper la pauvre bête, le fouet, le licou, les

talons n’y faisaient rien ; enfin, l’ânesse,

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