Rhinocéros - Eugène Ionesco

L’idéologie nazie qui s’empara de l’Allemagne en 1938 provoqua la Seconde Guerre mondiale. Eugène Ionesco vécut de près la guerre, puisque son pays d’origine, la Roumanie, était également aux prises avec l’avènement nazi. Ionesco se tourne alors vers le théâtre de l’absurde, mouvement littéraire de l’époque, pour dénoncer les dogmatismes et l’absurdité de la condition humaine. En fait, sa pièce Rhinocéros, parue en 1959, dénonce la massification. La pièce met en scène une ville où les habitants se transforment en rhinocéros à tour de rôle, allant de la comédie à la tragédie. Nous verrons que l’auteur utilise l’absurde pour signifier la massification et qu’il aborde le conformisme pour démontrer le phénomène de masse.

D’abord, Eugène Ionesco utilise grandement la forme de l’absurde dans Rhinocéros, pour dénoncer la massification, tel que vécue  pendant la Seconde Guerre mondiale. L’auteur ne cherche pas véritablement à communiquer une pensée claire et articulée, mais davantage à provoquer l’absurde en dépouillant le langage de tout son sens. Il envoie premièrement une image très forte du phénomène de massification à travers les commentaires loufoques des personnages de la pièce lors de l’arrivée du premier rhinocéros. À tour de rôle, les personnages commentent : « Oh! Un rhinocéros! » (p. 16-17), les personnages résonnent comme un troupeau de bêtes qui suivent et disent toutes la même chose ce qui augmente le phénomène de massification. Par ailleurs, l’auteur octroie également une absence de personnalité à ses personnages.

En effet, la dépersonnalisation des personnages de la pièce est un pilier de l’histoire et fait partie de la forme du théâtre de l’absurde. Eugène Ionesco ne donne pas, par exemple, de nom à ses personnages. De ce fait, ceux-ci représentent un troupeau, des humains sans réelle appartenance. Seules leurs professions sont connues, ils commentent et répètent les mêmes choses sans avoir réellement de sens : l'épicier, répétant, comme pour mieux comprendre : « deux fois le même rhinocéros » (p. 55) l’effet de répétition est donc souligné et ajoute une forme de massification aux personnages sans nom. L’auteur aborde également le sujet du conformisme dans sa pièce pour mieux représenter l’effet du troupeau.

Bien qu’un des sujets principaux de Rhinocéros soit le totalitarisme, le conformisme est aussi un thème abordé par l’auteur. Dans le premier acte, les personnages sont surpris de voir des rhinocéros dans leur ville, mais plus l’histoire continue, plus les personnages acceptent les bêtes et s’en familiarisent. Par exemple, au début, Béranger dit : « Bon, d’accord, un rhinocéros en liberté, ce n’est pas bien » (p. 28) alors que plus loin dans la pièce, Daisy dit : « Ce sont des dieux » (p. 158), ce qui réaffirme la présence du conformisme dans l’histoire puisque les habitants se sont habitués aux rhinocéros.  

De plus, l’auteur dénonce la massification par le conformisme. Béranger, tout au long de l’histoire, ne souhaite pas se transformer : « il pousse un soupir de soulagement, car ils s’aperçoivent qu’il n’a pas de bosse » (p. 112), « …j’ai peur de devenir un autre »  (p. 115). Autrement dit, il ne veut pas se conformer.  Pourtant, dans le dernier monologue, son opinion change drastiquement. Il souhaite même ardemment devenir à son tour un rhinocéros : « Oh ! comme je voudrais être comme eux ! » (p.161), donc même les plus tenaces comme Béranger se conforment au troupeau à la fin de l’histoire et cherchent à devenir comme les autres.

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