Rhinocéros, Eugène Ionesco

Le XXe siècle fut une période très mouvementée dans l’histoire. Notamment la Seconde Guerre mondiale qui fut très sanglante. Elle amena toutefois l’Europe à remettre en question l’humanisme et leurs valeurs conservatrices. En conséquence de cela on voit l’apparition de deux nouveaux courants littéraires, l’existentialisme et le théâtre absurde. Ce dernier au travers de l’humour noir traite de sujets sérieux en utilisant souvent la caricature et la dérision. Eugène Ionesco, d’origines roumaines et françaises, utilise ce courant pour dénoncer notamment des problématiques sociales, l’absurdité et l’angoisse de son époque. Dans l’une de ses œuvres, Rhinocéros, l’auteur dénonce clairement le dangereux phénomène de massification qu’il a pu observer et même vécu durant cette guerre. Il le fait au travers des propos utilisés dans sa pièce ainsi que la forme du théâtre absolue.    

Les propos utilisés par Ionesco dénoncent clairement les effets de masse qu’il a observés avec le mouvement nazi. Au premier acte, la réaction que l’auteur donne aux différents personnages face à l’arrivée du premier rhinocéros, est représentée par la répétition d’une série d’exclamations : Jean : « Qu’est-ce que c’est ? Oh ! Un rhinocéros ! », le Vieux Monsieur : « Oh ! Un rhinocéros ! », la Serveuse : « Qu’est-ce que c’est ? Oh ! Un rhinocéros ! », le Patron : « Qu’est-ce que c’est ? », la Serveuse : « Un rhinocéros ! », l’Épicier « Oh ! Un rhinocéros ! » etc. (p.41-42). Cette première apparition animale provoque un effet de surprise sur les personnages, et déjà à ce moment dans la pièce les personnages réagissent tous de la même façon, à l’image d’un troupeau d’animaux. Dans le même ordre d’idée l’acte II, la maladie se propage et devient rapidement une fatalité aux yeux des personnages « On s’y habitue … Plus personne ne s’étonne des troupeaux de rhinocéros parcourant les rues à toute allure. » (p.139). Ionesco crée la maladie à l’image du mouvement nazi, c’est-à-dire qu’au départ le mouvement se propage lentement avec seulement quelques adhérents. Toutefois, plus on avance dans le temps, plus le phénomène de masse entraîne de nouveaux individus dans ce mouvement, sans pour autant qu’ils sachent dans quoi ils s’embarquent.

L’auteur utilise des caractéristiques propres au théâtre de l’absurde et cela renforcit la dénonciation de la massification. Les noms impersonnels que portent les personnages comme : Jean, Bérenger, le Logicien ou la serveuse rendent les personnages difficilement identifiables, créant encore une fois cet effet de troupeau animal. Le conformisme règne au sein de ces personnages ce qui les rend donc dangereusement assimilables. Il nous fait aussi réfléchir sur le sens de la communication par le langage. Bérenger tente de se dire qu’il pourra convaincre les habitants de se retransformer, mais se retrouve alors face à une barrière de langage, D’abord pour les convaincre, il faut leur parler. Pour leur parler, il faut que j’apprenne leur langue. Ou qu’ils apprennent la mienne ? Mais quelle langue est-ce que je parle ? Quelle est ma langue ? Est-ce du français ça ? Ce doit bien être dû      Français ? Mais qu’est-ce que du français ? On peut appeler ça du français si on veut, personne ne peut le contester, je suis le seul à le parler. » (p.160). Dans tout ce questionnement Ionesco, laisse voir à quel point il était difficile de communiquer avec les nazis, qui comme il le dit ne parlaient pas sa ¨langue¨. Par la langue on peut déduire qui parle de la pensée de ce mouvement qui était tellement étroite qu’elle rendait impossible de communiquer avec ceux qui y adhéraient.

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