Poesie Lyrique

La poésie est-elle nécessairement lyrique ?

La lyre était l’instrument de musique attribut d’Apollon, dieu de la poésie dans la mythologie grecque. La poésie n’est plus chantée et accompagnée d’un instrument mais on nomme désormais poésie lyrique la poésie qui exprime les sentiments personnels du poète. Mais la poésie est-elle nécessairement lyrique ? Nous verrons que si elle est un genre propice pour exprimer des sentiments intimes elle peut également dépasser ce cadre en incitant à la réflexion ou à l’engagement ou encore se présenter simplement comme un art qui travaille à partir du langage pour présenter le monde autrement et qui est à la recherche de l’esthétisme.

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On constate que la poésie lyrique est l’une des orientations majeures de la poésie. Toutes les époques présentent de nombreux poèmes écrits à la première personne et qui expriment le monde intérieur, les sentiments personnels du poète. Par l’utilisation de la première personne, l’auteur se place en position centrale et c’est de ses émotions qu’il fait part même si le lecteur peut s’identifier à ce « je » à travers lequel il peut retrouver sa propre expérience humaine, ce qui explique peut-être le succès de cette poésie. Le poète bien qu’il exprime ses sentiments propres apparaît comme l’interprète de sentiments universels parce que les thèmes qui l’inspirent concernent tous les humains et font part de la condition humaine comme l’affirme Hugo dans la préface des Contemplations : « Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous ».

La forme poétique semble un moyen privilégié pour exprimer les sentiments intimes et la poésie lyrique, bien qu’il soit impossible de recenser tous ses thèmes, se nourrit d’un certain nombre de motifs récurrents comme l’amour, le deuil, la fuite du temps, la mélancolie, sans doute parce qu’ils touchent tous les hommes. La poésie célèbre par exemple souvent l’amour qui apparaît comme un sentiment intense avec ses joies et ses déceptions. On le retrouve aussi bien chez Ronsard qui rend célèbre Hélène que chez Hugo ou Aragon avec ses poèmes pour Elsa ou encore Apollinaire qui a rendu Lou immortelle. La musicalité, les rythmes, les figures de style leur permettent bien qu’il n’y ait plus d’accompagnement de la lyre de chanter l’amour, d’exprimer l’exaltation qu’ils ressentent grâce à l’être aimé. La poésie évoque également souvent le deuil et le désespoir qui l’accompagne. Il s’agit là encore d’un sentiment d’une puissance extrême qui semble trouver dans la poésie un moyen privilégié pour s’exprimer. Hugo par exemple a mis en vers sa douleur à la suite de la mort de sa fille Léopoldine tout comme Eluard à la mort de Nusch. La fuite du temps est un autre motif d’inspiration sur lequel se penchent des sensibilités différentes. Baudelaire exprime dans l’Ennemi sa souffrance face à sa fuite inéluctable et aux ravages qu’il produit alors qu’Hugo dans le poème XXV des Chants du Crépuscule présente l’amour comme un antidote qui lui permet de faire face par exemple. Ces thèmes sont récurrents et la poésie semble propice à exprimer les émotions intimes peut-être parce qu’elle permet d’une part de se libérer avec les mots et d’autre part qu’elle permet non seulement de dire mais aussi de faire ressentir en travaillant sur les rythmes, les images, la musicalité qui sont aussi porteurs de sens et de sensations. Mais la poésie peut exister sans être l’expression des sentiments qui relèvent de l’intimité de l’individu.

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La poésie est volontiers lyrique mais elle peut aussi être le lieu d’un engagement et exprimer la révolte ou l’indignation. Au XVIème siècle, Agrippa d’Aubigné dans Les Tragiques employait déjà le genre poétique pour dénoncer la guerre que se livraient catholiques et protestants. Il présentait la France comme une mère affligée par ses deux jumeaux qui se déchirent. Leur rivalité pour le lait maternel les conduit à détruire ce qui les nourrit et tous deux en seront finalement victimes. L’image de la famille déchirée permet de dénoncer avec force la tragédie que vit la France pendant les guerres de religion. Elle marque l’imagination et fait comprendre la gravité du risque qui est d’aboutir à une France (la mère) dévastée. Au XIXème siècle, Hugo s’est engagé contre l’exploitation des enfants dans les usines comparant les machines à un « monstre hideux », usant des antithèses pour montrer l’inadmissible : « innocents dans un bagne, anges dans un enfer », de l’apostrophe et de la modalité exclamative pour marquer la colère : « Ô servitude infâme imposée à l’enfant !», de l’anaphore avec « maudit » pour exprimer le rejet. Le rythme souligne des mots forts qui sont souvent placés à la césure ou à la rime pour mettre en valeur le sort pathétique des enfants : « Accroupis sous les dents d'une machine sombre,

Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l’ombre,

Innocents dans un bagne, anges dans un enfer, (…) »

Les allitérations en « m » et « r » semblent aussi reproduire le mouvement menaçant de la machine. La poésie utilise les ressources du langage pour devenir ici un instrument de dénonciation et a une visée argumentative. Au XXème siècle, de nombreux poètes se sont engagés par leurs écrits du côté de la Résistance lors de la seconde guerre mondiale. Ils ont écrit leurs poèmes pour marquer leur révolte mais aussi inciter à la réflexion ou à l’action. Le poème Liberté de Paul Eluard fut parachuté par l’aviation anglaise sur les zones occupées. Le recueil Au Rendez-vous allemand réunit des poèmes écrits sous des pseudonymes durant les années de guerre qui expriment l’opposition à l’ennemi allemand. Le célèbre poème Gabriel Péri rend hommage à un journaliste communiste exécuté en 1941. Eluard montre qu’il est mort pour défendre des valeurs qui doivent être les valeurs de tous les hommes et incite ainsi à la fois à la réflexion et à l’engagement. Aragon dans Le Musée Grévin évoque les méfaits de l’occupation et s’en prend directement au régime de Vichy appelant par exemple le maréchal Pétain « le roi Pétoche ». Il développe des images réalistes de corps mutilés ou morts mais aussi des images comme celle de la peste ou des intempéries pour montrer les souffrances endurées par les hommes.

La poésie peut exprimer la révolte mais peut aussi s’engager pour nous inciter à réfléchir sur le monde, à porter sur lui un regard

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