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Phèdre - Acte II scène 2

Commentaire de texte : Phèdre - Acte II scène 2. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  26 Avril 2020  •  Commentaire de texte  •  2 420 Mots (10 Pages)  •  2 812 Vues

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Jean Racine (1639-1699) accède à la réussite et à la reconnaissance de ses pairs avec Phèdre. Cette pièce, présentée en 1677, fait de lui le grand tragédien du classicisme. Le personnage mythologique de Phèdre et son drame amoureux ont été présentés en premier lieu par Euripide dans Hippolyte porteur de couronne en -428, puis ont inspiré Sénèque (Phèdre, entre 49 et 62), Prudence (La Passion d’Hippolyte, vers 400), Robert Garnier (Hippolyte, 1573), Gabriel Gilbert (Hyppolite ou le garçon insensible, 1647) avant Racine. La tragédie de Racine conte sur cinq actes l’amour interdit de Phèdre, femme de Thésée, roi d’Athènes, pour son beau-fils Hippolyte. Elle met également en scène la malédiction des dieux sur les membres d’une famille et défend une certaine inéluctabilité.

Le passage présenté constitue la seconde partie de la scène 2 de l’acte II, qui voit Aricie et Hippolyte se rencontrer alors que celle-ci avouait son amour pour le jeune homme à sa confidente avant l’arrivée de ce dernier. Dans la scène 1 de l’acte II, Aricie confiait à Ismène que, bien que princesse captive de sang royal, elle aime Hippolyte même si ce dernier pense qu’elle ne ressent pour lui que de l’aversion (acte I, scène 1). Dans la scène 2 de l’acte II, Hippolyte annonce à Aricie la mort de Thésée et, tout en lui promettant de partager avec elle la gouvernance de la cité de ses ancêtres, il lui avoue ses sentiments et les tourments qu’ils lui ont causé. Dans l’extrait étudié, on se concentre sur l’aveu d’Hippolyte. Au regard de cet extrait, il devient pertinent de se demander que représente le personnage d’Hippolyte et comment Racine l’utilise dans cette pièce pour construire sa tragédie ?

Dans un premier temps, forts du rappel du titre original de l’œuvre, Phèdre et Hippolyte (et ce jusqu’en 1687), nous nous intéresserons à Hippolyte, dépeint comme un héros tragique, loyal et amoureux tout au long de l’œuvre et présenté dès la première scène de la pièce. Par la suite, nous nous focaliserons sur le cœur de cette scène : l’aveu d’Hippolyte. Aveu au cours duquel il se dépeint tantôt comme outil du destin, tantôt comme homme plein d’assurance et confiant. Enfin, nous terminerons par l’aura de tragédie qui accompagne cette scène et qui, sur cette découverte d’un amour finalement partagé entre deux jeunes gens fait pressentir au spectateur que l’issue de l’histoire ne sera pas heureuse.

        Racine avait initialement appelé sa pièce Phèdre et Hippolyte, faisant ainsi de ce dernier un personnage principal de son œuvre. C’est d’ailleurs lui qui ouvre ironiquement la pièce en annonçant son départ. Personnage complexe, l’Hippolyte de Racine est presque une construction originale, vague inspiration du héros antique. Dans cet extrait, Hippolyte est décrit par Aricie comme un véritable héros, valeureux et publiquement célébré « Qu’à bon droit votre gloire en tous lieux est semée ! ; Et que la vérité passe la renommée ! » (v. 513-514). De même sa générosité de cœur est illustrée par le vers 515 « […] en ma faveur vous voulez vous trahir ! » tout comme sa grandeur d’âme (v. 517 et 518). Lorsqu’il parle de lui-même, Hippolyte se dépeint avec un vocabulaire seyant aux princes ou aux chevaliers. Il reconnaît ainsi des défauts et travers propres aux puissants : « orgueil », (v. 530), « fièrement » (v. 531), « audace » (v. 537), « superbe » (v. 538). C’est un homme fier, fort et audacieux. Il se présente aussi dans son quotidien avant sa rencontre avec Aricie comme sûr de ses opinions (notamment sur l’amour), comme un guerrier appliqué (v. 550) et un cavalier assidu (v.552). En tant que héros, il n’est pas associé aux préoccupations et troubles des personnes ordinaires « exemple mémorable » (v. 530), « faibles mortels » (v. 533), « commune loi » (v.535). La portée exceptionnelle d’Hippolyte et de cet univers transparaît par l’aura du mythe, introduite par les références aux dieux et aux monstres. Ils sont cités ici tant par Aricie, qui prend les dieux à témoin au vers 512 dans une anaphore rhétorique (présente pour mettre l’emphase sur la notion de fatalité et d’impuissance des protagonistes), que par Hippolyte, qui mentionne les monstres au vers 520, ce qui ne peut qu’être rapproché des origines du personnage, fils de Thésée et d’Antiope la reine des Amazones. Dans ce vers, la notion d’ascendance apparaît comme justification (bien qu’inexacte) du comportement des personnages. L’auteur rappelle ainsi subtilement les origines mythologiques de ces personnages et introduit la notion d’un héritage familial lourd et complexe.

        Hippolyte n’est pas qu’un héros dans la plus pure tradition mythologique, c’est un homme amoureux. L’amour d’Hippolyte pour Aricie est présenté comme antithétique au reste de sa personnalité. Amateur de chasse et autres sports (vers 549, 550 et 552), il se croit au-dessus des autres hommes, sujets aux lois de l’amour (vers 531 à 536) et juge sa passion comme un obstacle sur la route de l’héroïsme puisqu’elle déstabilise le pouvoir de son père. En effet, Thésée a condamné Aricie, dernière descendante d’une ancienne famille régnante d’Athènes qu’il a décimée, au célibat, afin que jamais elle n’ait de descendance légitime à lui réclamer le trône. Ainsi, Hippolyte décrit ses premiers émois amoureux uniquement par le champ lexical du regard (v. 519, 522, 525, 529, 536, 543, 545, 557). Il évoque une période de six mois au vers 539 pour bien montrer que cette passion n’a rien de soudain. Depuis six mois, il aime Aricie de loin et en secret, se contentant de l’observer. L’opposition entre la vue et la fuite symbolise à elle seule tout le conflit du héros et la tragédie qui est la sienne. Pour Hippolyte, sa passion le dépossède de lui-même ce qui se traduit par le vocabulaire de la servitude et de l’impuissance : « asservi » (vers 535), « vainement je m’éprouve » (vers 541), « ai-je pu résister » (vers 523), « emporté loin de moi » (vers 536), « dépendante » (vers 538), « superflus » (vers 547), « captif » (vers 556). Les vers 546 et 548 en sont l’expression la plus claire. Hippolyte est à présent esclave de ses sentiments et ne préside plus à sa destinée, ce qui est le trait prédominent des héros tragiques : vertueux, valeureux mais en prise avec le destin. Les antithèses et parallélismes des vers 525, 544 et 548 montrent bien les changements qui se sont opérés chez le personnage : à la lumière du jour (vers 544) et à une quête raisonnable (vers 548 et 525), Racine semble opposer les ombres de la nuit (vers 544), la perte de soi (vers 548) et la violence (sous-entendue des sentiments) (vers 525).

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