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Maupassant, Pierre et Jean

Dissertation : Maupassant, Pierre et Jean. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  5 Février 2019  •  Dissertation  •  1 964 Mots (8 Pages)  •  721 Vues

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Maupassant était trop proche de son « père spirituel », Flaubert, pour adhérer totalement aux thèses provocatrices des naturalistes dont Zola était le chef de file. [Présentation de l’œuvre] Avec Pierre et Jean, paru en 1887, il publie un roman qui correspond parfaitement à son idéal littéraire : loin d’effets spectaculaires, il met en scène des personnages ordinaires dans le milieu provincial de la petite bourgeoisie. Deux frères – Pierre et Jean –, l’un déjà médecin, l’autre bientôt avocat, un couple de parents retraités affectueux, une jeune et jolie veuve, un héritage inattendu qui favorise curieusement un des frères et des secrets de famille enfouis qui ressortent. Maupassant jette un regard désabusé et lucide sur le jeu des uns et des autres ; il fait partager le drame à peine avoué de Pierre, jeune homme sombre et tourmenté, qui se sent étranger dans sa propre famille. [Présentation du texte] Jean, personnage insouciant et sans grand relief, préféré par sa mère parce qu’il est né d’une liaison adultère, profite d’une partie de pêche pour avouer son amour à Mme Rosémilly et la demander en mariage. [Annonce du plan] Maupassant observe cette déclaration et cette demande d’une façon détachée et même ironique. [I] En effet, ce rituel social ne se déroule pas de façon habituelle, ni par son cadre, [II] ni par le comportement des acteurs. [III] C’est, pour Maupassant, l’occasion de livrer sa vision pessimiste de l’amour et du mariage dans le monde étriqué de la petite bourgeoisie de son époque.

I. Le récit inhabituel d’une demande en mariage

La scène ne suit pas le déroulement attendu de la déclaration d’amour et de la demande en mariage au xixe siècle. Habituellement, c’est l’homme qui, après une vie sentimentale bien remplie et à un âge avancé, décide de se « ranger » en demandant la main d’une jeune fille inexpérimentée, dans un cadre poétique. Ici, Maupassant observe la scène, retranscrit gestes et paroles comme un témoin externe et détaché de ce qui lui apparaît comme une « comédie » où chacun joue son rôle avec plus ou moins de sincérité et d’adresse.

1. Une scène un peu ridicule

Le cadre de la scène : cette plage qui s’étire à marée basse pourrait être le cadre d’une promenade sentimentale mais ici ce décor disparaît presque complètement et la mer n’a rien d’impressionnant : à marée basse, elle est réduite à la dimension d’une « mare » ; toute l’attention se porte sur les personnages, leurs gestes et leurs paroles. La plage n’est vue que comme un lieu de pêche par Mme Rosémilly qui, « adroite et rusée », a « le flair d’un chasseur » pour attraper les crustacés. Elle est complètement accaparée par sa pêche alors que Jean, tout entier dans ses projets amoureux, ne semble guère passionné ni désireux d’apprendre à pêcher, malgré ses dires. Pour Jean, la mer – ou ce qu’il en reste, « la mare » dans laquelle ils pataugent –, devient un accessoire de théâtre, une variante du miroir amoureux, magique, dans lequel se reflètent son visage et celui de la jeune femme.

Un marivaudage un peu mièvre : Maupassant décrit avec ironie cette mise en abyme amoureuse. Jean se comporte comme un adolescent timide quand, devant leur reflet dans l’eau, « du bout des doigts, [il] lui [jette] un baiser », alors qu’il a en face de lui une femme, jeune mais déjà veuve et qui, par son expérience, ne doit plus être sensible à ces gamineries. La scène est rendue presque ridicule par les attentions naïves de Jean et sa comédie « du grand désespoir », triviale quand Maupassant décrit le couple « debout […] dans la mare salée qui les mouill[e] jusqu’aux mollets » alors qu’« ils se regard[ent] au fond des yeux ». Maupassant, en faisant remonter son regard sur le couple de leurs « mollets » jusqu’à leur visage, évoqué seulement par un cliché banal (« au fond des yeux »), souligne le vide affectif de cet échange muet.

Paradoxalement, cette jeune pêcheuse est la proie espérée de Jean qui la « sui[t] pas à pas ». Mais cette proie est plus expérimentée que lui.

2. Une déclaration et une demande inhabituelles

Ce paradoxe se poursuit dans la demande en mariage. En effet, Jean est le seul à déclarer à trois reprises son amour mais c’est Mme Rosémilly qui aborde la question du mariage, et formule même indirectement la demande, à la place de Jean : « je suppose naturellement que vous désirez m’épouser ». Traditionnellement la demande est assurée par les hommes. Or, ici, les rôles sont inversés. C’est elle qui, littéralement, demande la main de Jean : « Elle lui tendit sa main encore mouillée », elle encore qui mène la conversation. Son comportement change, elle devient sérieuse, son ton est grave. Elle parle affaires, en maîtresse femme, dominante.

Contrairement aux clichés de l’époque, selon lesquels dans ce genre de situation l’homme agit avec raison et la femme avec frivolité, ici, les rôles sont également inversés. C’est elle qui est « si peu troublée, si raisonnable » alors que Jean a d’abord minaudé, puis regrette qu’on ne joue pas à la « coquette comédie d’amour » qu’il escomptait.

II. Deux personnages opposés aux motivations 
bien différentes

Ce sont donc deux personnages aux caractères opposés et aux motivations bien différentes.

1. Mme Rosémilly, une maîtresse femme

Mme Rosémilly apparaît comme une femme de tête qui impose son jugement et prend les décisions. Elle résume froidement la situation avec un vocabulaire qui fait appel à la raison (« savons », « pouvons peser toutes les conséquences », « décidez », « suppose », « désirez m’épouser »). Cette pêcheuse expérimentée mais aussi « rusée » préfère sa pêche aux déclarations de Jean qu’elle qualifie d’un « ça » vague et négatif. Elle n’est d’abord pas prête à « renoncer aux plaisirs » de la pêche pour lui parler et le remet à sa place avec des mots sévères et même méprisants (« que vous êtes ennuyeux », « avez-vous perdu la tête ? », « que vous êtes malavisé », « me gâter la pêche »).

Mais elle sait s’adapter avec rapidité (« alors, tout à coup, elle sembla en prendre son parti »), et, la tête froide, elle interrompt les effusions de Jean par le rappel lucide de leur âge et de leur situation (« vous n’êtes plus un enfant », « je ne suis

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