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Manon Lescaut, Scéne Du Coup De Foudre

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Par   •  9 Avril 2013  •  3 599 Mots (15 Pages)  •  3 289 Vues

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Lecture analytique de l’extrait 1 Manon Lescaut

La mise en scène d’un souvenir

Les étapes du texte :

– jusqu’à « qui se retirèrent aussitôt » : le moment qui précède la rencontre est marqué par une sorte de neutralité (promenade sans but, personnages sans intérêt) ; il va servir à mettre en valeur le personnage de Manon et le choc qui va suivre ;

– jusqu’à « maîtresse de mon cœur » : c’est le récit du coup de foudre proprement dit ;

– jusqu’à « nul moyen de l’éviter » : dialogue entre les deux héros qui expose le premier obstacle, à savoir l’entrée au couvent de Manon ;

– jusqu’à la fin de l'extrait: proposition de Des Grieux, prêt à tout pour son nouvel amour.

On peut noter d’abord la rapidité de la scène : le coup de foudre est immédiat ; l’obstacle (« coup mortel pour mes désirs ») se dresse aussitôt entre eux ; les deux jeunes gens doivent rapidement trouver un expédient. Des Grieux présente d’emblée leur passion se heurtant à des obstacles familiaux et religieux (la famille voulant mettre Manon au couvent) ; les héros sont donc immédiatement contraints par les circonstances de transgresser les codes et de recourir à la ruse. Des Grieux montre l’importance de ce souvenir, par les précisions de temps et de lieu, comme si tout était resté gravé dans sa mémoire : le lieu est précis et fait référence à un fait habituel et réaliste (« l’hôtellerie où ces voitures descendent »). La date (« le temps de mon départ d’Amiens ») est celle de son départ en vacances (son père précisera plus tard : « tu partis d’Amiens le 28 de l’autre mois ») ; son importance est particulièrement soulignée par la répétition du verbe marquer et surtout par l’exclamation rétrospective qui la teinte déjà de fatalité (« Hélas ! que ne le marquais-je un jour plus tôt ! »). L’insistance sur cette date fatidique montre à quel point cette rencontre semble voulue par le destin qui est intervenu pour briser la voie toute tracée du héros : « La veille même de celui que je devais quitter cette ville ». La rencontre est également mise en valeur par l’effet de contraste : le désœuvrement des deux étudiants, la promenade sans « autre motif que la curiosité » (la forme négative renforce l’absence d’intérêt), la répétition de l’habitude (emploi du présent pour « descendent »), tout cela va s’opposer à l’éblouissement et au bouleversement qui vont suivre. Le même effet de contraste se reproduit dans la présentation de Manon : à l’anonymat banal des autres femmes prises en groupe s’oppose l’apparition de la jeune fille, à travers un parallélisme de construction (« Il en sortit quelques femmes, qui se retirèrent aussitôt » ≠ « Mais il en resta une, […] qui s’arrêta seule »).

Ce récit de rencontre amoureuse acquiert une intéressante complexité par le fait qu’il est raconté par un narrateur rétrospectif, qui introduit par moments un décalage temporel entre le je narré et le je narrant et donne ainsi une orientation particulière à cette scène. Ainsi, sa connaissance de l’avenir lui permet-elle, à plusieurs reprises, de souligner la dimension tragique de cette première rencontre ; c’est le cas du regret à l’irréel, solennisé par un « Hélas ! » qui ouvre la scène et donne d’emblée le ton, en présentant la rencontre comme une sorte de chute du paradis de l’ordre familial . Cette même démarche interprétative se retrouve à propos du caractère de Manon, quand le narrateur prend ses distances avec la narration proprement dite pour proposer un jugement, modalisé par « sans doute » (« pour arrêter sans doute son penchant au plaisir, qui s’était déjà déclaré, et qui a causé dans la suite tous ses malheurs et les miens ») : dès le début du récit, Des Grieux narrateur présente leur amour malheureux comme une conséquence du caractère de Manon, exposé comme une fatalité tragique qui va les dédouaner de tous leurs débordements. Il utilise une troisième fois le motif de la fatalité, décliné cette fois dans le vocabulaire de l’astrologie, en évoquant « l’ascendant de [s]a destinée, qui [l]’entraînait à [s]a perte ». Si l’on reprend toutes ces expressions, on y retrouve martelés les motifs de la causalité tragique (« causé », « destinée », « m’entraînait ») et du malheur (« tous ses malheurs et les miens », « ma perte ») ; il s’agit donc, pour le narrateur, de susciter implicitement la pitié du lecteur et de dégager sa responsabilité en la rejetant sur une instance extérieure qui joue le rôle du destin ou sur la force des passions. Le narrateur utilise encore ce principe du décalage temporel pour s’observer lui-même quand il dit : « Je me suis étonné mille fois, en y réfléchissant, d’où me venait alors tant de hardiesse et de facilité à m’exprimer » ; la distance est ici marquée par l’emploi du passé composé (« Je me suis étonné ») et de l’adverbe de temps « alors ». Ce procédé de mise à distance étonnée, qui se retrouvera souvent dans le récit, permet encore au narrateur de susciter une certaine indulgence de la part du lecteur : Des Grieux personnage se sent mû par des forces intérieures qui le dépassent, auxquelles le discours rationnel ne peut avoir accès…

Les personnages secondaires jouent un rôle étonnant dans cette scène : présents au départ en la personne de Tiberge et en celle d’un « homme d’un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur », ils disparaissent pendant la rencontre proprement dite. Pour le vieillard, Des Grieux mentionne une cause vraisemblable qui est de « faire tirer son équipage des paniers » ; mais Tiberge est purement et simplement nié ! Il s’agit de montrer qu’au moment du coup de foudre, les deux héros sont coupés du monde, dans une sorte de bulle amoureuse, qui exprime de façon forte l’impact du souvenir sur le narrateur.

Un coup de foudre

Le narrateur se présente lui-même comme un tout jeune homme sans aucune expérience de la vie puisqu’il n’a connu que sa famille et l’école (« n’ayant point assez d’expérience »). Il insiste sur sa sagesse et sa vertu, qui sont présentées à la fois comme parfaitement sincères de sa part et reconnues par tous : « moi qui n’avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d’attention, moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue ». On peut remarquer que tous ses traits de caractère sont notifiés de façon négative, comme un état

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