Manon Lescaut

Manon Lescaut, extrait 2, les retrouvailles

PB : comment l'analyse de leurs comportement montre-t-elle l’ inégalité des rapports entre les personnages ?

De « je demeurai interdit à sa vue » (p.44) à « contre un seul de tes regards. » Page 48

Situation de l’ extrait : après avoir rencontré Manon à Amiens, il s'enfuit avec elle à Paris. Les deux amants occupent un appartement meublé pendant trois semaines. Des Grieux a peur de connaître des difficultés financières mais Manon le rassure. Des Grieux s'aperçoit qu'elle a un amant qui lui donne de l'argent. Quelques jours après, des laquais de son père viennent enlever Des Grieux. Pendant six mois il se montre désespéré puis reprend goût à la vie mais décide de renoncer au monde et entre au séminaire Saint-Sulpice. Vient alors l'apaisement. Il ne pense plus à Manon. Un sermon public, brillamment soutenu en Sorbonne, le remet en présence de Manon.

I) l'idéalisation de Manon :

1°) une scène de séduction : la différence de réaction entre Des Grieux et Manon se manifeste dans la sidération de Des Grieux: « je demeurai interdit à sa vue », « j'attendais, les yeux baissés et avec tremblement qu'elle s'expliqua », « je commençai plusieurs fois une réponse que je n'eus pas la force d'achever » alors que Manon, après le premier moment d' « embarras », rompt le silence, parle de son infidélité, et des réactions de Des Grieux à son égard. La douleur la jeune femme ne l'empêche nullement d'argumenter alors que Des Grieux n'arrive pas à tenir des propos cohérents. Par ailleurs, ces différences se marquent aussi dans leur attitude respective : Manon s’assoit tandis que Des Grieux reste « debout, le corps à demi tourné, n'osant l'envisager directement ». D'emblée se manifestent donc l'initiative et le pouvoir de Manon.

L'opposition entre les deux personnages s'exprime aussi dans l'utilisation des paroles rapportées : emploi du discours indirect pour Manon (la mémoire réorganise ainsi les propos et les filtre), emploi du discours direct pour Des Grieux(son état affectif est ainsi rendu plus concret pour l'interlocuteur et le lecteur). Une seule fois, la réponse de Manon est donnée au discours direct à Des Grieux qui lui demande : « que prétendez-vous donc ? », « je prétends mourir, répondit-elle, si vous ne me rendez votre coeur, sans lequel il est impossible que je vive ».

La répétition du verbe « prétendre » n'est pas innocente : elle indique une manoeuvre de Manon. En effet, cette expression du chantage affectif-et cela explique que ces paroles soient reprises au discours direct-va précipiter l'aveu de Des Grieux: « mon coeur n'a jamais cessé d'être à toi ».

2°) L’importance du récit rétrospectif : Des Grieux raconte cet épisode au chevalier de Renoncour après la mort de Manon. Elle est devenue pour lui « l'amour même ». C'est pourquoi dans cette scène où le lecteur peut éprouver de la difficulté à décider de la sincérité de Manon, il importe à Des Grieux de la diviniser : elle devient la figure même de l'amour. Il lui rend un culte puisqu'elle l'enchante (au sens d’ensorceller) : il n’est plus capable de raisonner en face d’elle. Il tente de traduire le vertige des sens qui s'empare de lui après les caresses de Manon. La comparaison donne une dimension presque fantastique à « l'épouvante qui saisit le personnage. Il généralise d'ailleurs son expérience en utilisant le pronom indéfini « on » : « on se croit transporté dans un nouvel ordre de choses ; on y est saisi d'une horreur secrète, dont on ne se remet qu'après avoir considéré longtemps tous les environs ». Cette description dit son égarement, comme s'il éprouvait pour Manon une sorte de terreur sacrée, comme si l'ensorcellement provoqué par l'être aimé le transportait, à son corps défendant, dans un espace inconnu. Des Grieux exprime ainsi l'anéantissement de sa volonté, son impuissance à résister à une force qui le dépasse. On retrouve donc ici la fatalité tragique qui parcourt l'oeuvre entière. Comme dans l'ensemble du roman, Manon n'est pratiquement pas décrite : cela va de pair avec le processus d'idéalisation. Elle n'est plus une femme entre les femmes, elle est parvenue au stade du mythe. Au-delà des particularités physiques, elle est l'incarnation

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