Lorenzaccio Est-il Le Plus Abouti Des Drames Romantiques ?

« D'aucuns affirment que Lorenzaccio est le plus abouti des drames romantiques » Dans quelle mesure peut-on soutenir ce propos ?

En 1830, la Bataille d'Hernani est le facteur de la révolution romantique. En effet, dans la Préface de Cromwell de Victor Hugo publié en 1827, l'auteur remet en cause l'alexandrin, les trois unités (de lieu, d'action et de temps) et les règles de bienséance (comme ne pas représenter la mort sur scène). Dans Racine et Shakespeare (1823), Stendhal prend parti pour le romantisme et demande de renoncer à la versification, et Vigny écrit Lettre à Lord*** sur la soirée du 24 octobre 1829 dans laquelle il vante les mérites d'une tragédie moderne. Si Musset est influencé par ces drames romantiques nous allons voir que son œuvre Lorenzaccio est la plus aboutie du genre.

Pour cela, nous allons voir en quoi sa pièce est un drame romantique, qui représente une peinture fidèle de la vie, et enfin que son œuvre interroge la place de l'individu dans l'Histoire.

Lorenzaccio est un drame qui met en pratique les théories du drame romantique. En effet, Musset ne respecte pas l'unité de lieu et de temps. L'œuvre ne se déroule pas seulement sur un lieu mais dans de nombreux lieux. Par exemple, rien que dans l'acte I, chaque scène se passe dans un endroit différent (un jardin, une rue, chez le cardinal Cibo, dans une cour du palais du duc, devant l'Église et au bord de l'Arno). Dans les quatre autres actes, de nouveaux lieux font leur apparition : chez les Strozzi, chez la marquise Cibo, au palais des Soderini, dans la chambre à coucher de Lorenzo, dans une vallée, sur une plaine, chez le duc, dans une autre ville, à Venise et enfin dans une auberge. Lorenzaccio s'étend sur une semaine, du 29 décembre 1536 au 7 janvier 1537 alors qu'avec référence à l'histoire, il y a onze ans entre le mort du duc et celle de Lorenzo.

Musset fait également part du non-respect de l'unité d'action puisque la pièce compte 4 principales intrigues. La première paraît évidente, c'est que Lorenzo doit tuer son cousin le duc Alexandre de Medicis. Il y a aussi la marquise et le cardinal Cibo qui veulent rester proches du roi pour influencer le pouvoir, le fils Strozzi qui tue Julien Salviati après qu'il ait manqué de respect à sa sœur Louise ou qu'il veuille créer une alliance avec le roi de France François Ier pour retirer le pouvoir tyrannique au duc puis, tout au long de l'œuvre, le mécontentement populaire prend une place importante puisqu'il informe le lecteur de la société florentine.

Et enfin, le dramaturge ne respecte pas les règles de bienséance étant donné qu'il représente la mort sur scène avec celle de Louise Strozzi dans l'acte III-scène 7, celle du duc dans l'acte IV-scène 11 et enfin l'étudiant dans le dernier acte, scène 6. Les remarques anti-religieuses sont présentes dès la première scène lorsque le duc s'exclame « Entrailles du pape ! ». Les propos blasphématoires s'accompagnent avec le non-respect de la conformité du niveau de langue. En effet, le bas corporel est souvent associé à Alexande de Medicis lorsqu'il dit vouloir « coucher » avec la marquise ou encore avec Catherine. Le souper des Strozzi dans l'acte III; scène 7 peut être choquant puisqu'il y a de la nourriture pour quarante convives alors que certains florentins souffrent de ne rien avoir à manger et sont en guerre avec la monarchie.

Musset constitue une peinture fidèle de la vie dans son œuvre puisqu'il représente toutes les tranches sociales. L'auteur donne une dimension d'une véritable société dans Florence avec la diversité des classes sociales avec la bourgeoisie (Venturi et Maffio), les marchands (l'orfèvre Mondella et le marchand de soieries), les artistes comme Tebaldeo en passant par l'aristocratie avec les Medicis bien sur mais aussi les Strozzi et les Cibo. Normalement, dans les tragédies, la noblesse est la classe sociale la plus importante alors que dans les comédies c'est la bourgeoisie. Le peuple a rarement sa place au théâtre. Ici, Musset bouleverse ces règles et mélange toutes les tranches sociales en montrant la haine qu'a le peuple pour les familles de puissants dès la deuxième scène à la sortie du bal Nasi, lorsque l'orfèvre s'exclame « C'est à se casser la tête. Au diable

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