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Les fables consacrent le triomphe de la duplicité, de l'hypocrisie et de la force

Fiche de lecture : Les fables consacrent le triomphe de la duplicité, de l'hypocrisie et de la force. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  4 Mai 2014  •  Fiche de lecture  •  2 392 Mots (10 Pages)  •  1 644 Vues

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Nous avons tous en tête des fables de La Fontaine apprises à l'école primaire : « La Cigale et la Fourmi », « Le Corbeau et le Renard », « La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf »… Puis, après quelques années d'oubli, en classe de première les programmes officiels de littérature les rappellent à nous : en effet, quel meilleur exemple du genre de l'apologue que les Fables de La Fontaine ? Et pourtant, si Rousseau ressuscitait de nos jours, il interdirait formellement à son Émile l'accès à nos classes : « Émile n'apprendra jamais rien par cœur, pas même des fables, pas même celles de La Fontaine »… Tout au plus s'est-il permis de les lire lui-même, mais « avec choix… ». Que faut-il en penser ? Les fables seraient-elles nuisibles pour les enfants ? Seraient-elles réservées aux seuls adultes ? Il faut sans doute nuancer la pensée de Rousseau, en accordant que les fables ont de nombreux attraits pour les enfants et qu'il suffit de les manier avec discernement.

I. On peut être d'accord avec Rousseau

1. Une vision souvent pessimiste du monde

Il faut concéder à Rousseau que les fables présentent souvent une vision pessimiste de la vie, qui n'a rien de merveilleux : dans le monde des fables, les Animaux contractent la peste qui les déciment, le Cerf tombe malade (« Le Cerf malade »), le Loup a faim, le Chien est privé de sa liberté et porte les marques du collier… Jean Anouilh, qui lui aussi écrivit des fables au xxe siècle, constate que l'image du monde qu'offrent ses propres fables est marquée par le pessimisme : on y voit que « l'amour n'est jamais partagé ».

2. Les fables consacrent le triomphe de la duplicité, de l'hypocrisie et de la force

Et, quand il ne s'agit plus de simple tableau du monde et de la destinée, mais des rapports sociaux, les fables consacrent le plus souvent le triomphe de la duplicité, de l'hypocrisie et de la force.

Chacun y est berné par les plus malins – et le Renard, « vieux routier et bon politique » (« Le Lion »), se charge le plus souvent du rôle de trompeur pour ainsi dire « professionnel » : une fois sorti du puits, il laisse le Bouc au fond, il vole son fromage au Corbeau, et cela en toute impunité, puisque, son forfait commis, il retourne à ses « affaire(s) »…

Le Lion use sans obstacle de sa force et quand bien même on s'allie contre lui, il triomphe : dans la fable « Le Lion » (XI, 1) le Léopard et le Renard ont beau s'associer contre lui :

« Nul n'y gagna, tous y perdirent.

Quoique fît ce monde ennemi,

Celui qu'ils craignaient fut le maître. »

« Le Loup et l'Agneau » commence bien par « La raison du plus fort est toujours la meilleure »…

Au fond, on nous peint un monde où les trompeurs et les puissants sont présentés de façon avantageuse et où les victimes sont souvent sottes ou vaniteuses, témoin le Corbeau et son fromage, ou encore l'Âne qui donne pour tous les autres en tribut au ciel sa propre vie (VII, 1). Et il faut bien constater avec Rousseau que le lecteur, emporté par le récit, n'a pas tellement pitié de ces victimes… Car il est rare que le fabuliste consacre quelques vers à s'apitoyer sur le dindon de la farce : il nous livre les faits tels quels.

3. Quelle morale de vie se dégage des fables : débrouillardise et médiocrité ?

Devant ces constatations, s'il fallait se forger un code de vie, on aboutirait à une morale d'abord de la défiance – il faut se méfier et du Loup et du Renard et du Lion, parfois même de ses amis –, et de la débrouillardise, quitte à recourir à des moyens contestables. Il s'agit de sauver sa peau, sans être trop regardant sur la moralité des voies pour y arriver. La Fontaine propose aussi une morale souvent frileuse, celle du bon sens mais exempte d'héroïsme, de générosité, qui n'engage pas à prendre la vie avec mordant. Est-ce là un modèle à donner à des enfants ?

S'il fallait faire un petit « florilège » de morales à tirer de ses fables, on obtiendrait à peu près ceci :

on gagne à flatter hypocritement les autres (« Le Corbeau et le Renard ») ; il est inutile de se mesurer à plus fort que soi (« Le Loup et l'Agneau ») ; il faut se venger et « tromper » en retour celui qui vous a trompé (« Le Renard et la Cigogne ») ; il ne faut pas essayer de dépasser ses limites (« La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le Bœuf ») ; il vaut mieux s'assurer un confort tranquille qu'une liberté aventureuse (« Le Loup et le Chien ») ; enfin, il vaut mieux vivre retiré loin des tracas (« Le Rat des villes et le Rat des champs », « Le Pot de terre et le Pot de fer »).

Voilà qui n'incite ni à l'audace, ni à l'action généreuse.

4. Les dangers de l'implicite, les séductions du récit

Même si, parfois, la « morale » est positive et engage à l'action, lorsqu'elle est implicite – ce qui est fréquent dans les fables –, l'enfant risque de ne pas savoir tirer la « bonne » leçon de l'apologue qui lui est proposé : faut-il fustiger le Lion qui trompe son peuple et vit heureux ? Faut-il agir comme le Renard qui flatte son roi et sauve sa vie, ou comme l'Âne qui avoue sincèrement sa faute sans aucune gravité et perd ainsi sa peau ? Laisser tirer au lecteur la leçon du récit est certes une démarche pédagogique fructueuse, puisqu'elle incite à la réflexion, mais pour de jeunes esprits livrés à eux-mêmes, elle peut être dangereuse, cela d'autant plus que les enfants ont plutôt tendance à se donner le « beau rôle » et à admirer celui qui triomphe…

À cela s'ajoutent les séductions du récit : plus simplement – et peut-être moins gravement –, l'enfant, captivé par l'« histoire », risque de ne pas savoir en faire la nécessaire transposition et la traduire dans notre monde, donc de ne pas en voir l'application dans la vie. L'apologue se trouve alors amputé d'une de ses fonctions majeures, sa fonction didactique. L'enfant, dit Rousseau, risque de ne pas en comprendre « le quart ».

II. Utilité et attrait des fables

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