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Le théâtre, texte et représentation

Fiche de lecture : Le théâtre, texte et représentation. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  25 Avril 2015  •  Fiche de lecture  •  2 595 Mots (11 Pages)  •  766 Vues

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2006 CENTRES ÉTRANGERS

SÉRIE L

Objet d'étude : Le théâtre, texte et représentation. Convaincre, persuader, délibérer.

Textes :

Texte A - Marivaux, L'île des esclaves (1725), scène 1 et scène 2 (extrait)

Texte B - Jean Anouilh, Antigone (1944), extrait

Texte C - Jean-Paul Sartre, Les Mains sales (1947), 6ème tableau, scène 2 (extrait)

Texte D - Bernard-Marie Koltès, Le Retour au désert (1988), extrait.

Texte A - Marivaux (1688-1763), L'île des esclaves (1725).

[La scène se passe sur une île; Iphicrate, citoyen d'Athènes, vient d'y être jeté par la tempête en

compagnie de son esclave Arlequin. Ils sont apparemment les seuls survivants du naufrage. Nous

sommes dans une antiquité de convention.]

Scène 1

IPHICRATE. Eh ! ne perdons point de temps, suis-moi, ne négligeons rien pour nous tirer d'ici ; si je

ne me sauve, je suis perdu, je ne reverrai jamais Athènes, car nous sommes dans l'île des Esclaves.

ARLEQUIN. Oh, oh ! Qu'est-ce que c'est que cette race-là ?

IPHICRATE. Ce sont des esclaves de la Grèce révoltés contre leurs maîtres, et qui depuis cent ans

sont venus s'établir dans une île, et je crois que c'est ici : tiens, voici sans doute quelques-unes de

leurs cases ; et leur coutume, mon cher Arlequin, est de tuer tous les maîtres qu'ils rencontrent, ou de

les jeter dans l'esclavage.

ARLEQUIN. Eh ! chaque pays a sa coutume ; ils tuent les maîtres, à la bonne heure, je l'ai entendu

dire aussi, mais on dit qu'ils ne font rien aux esclaves comme moi.

IPHICRATE. Cela est vrai.

ARLEQUIN. Eh ! encore vit-on.

IPHICRATE. Mais je suis en danger de perdre la liberté, et peut-être la vie ; Arlequin, cela ne te suffit-il

pas pour me plaindre ?

ARLEQUIN, prenant sa bouteille pour boire. Ah ! je vous plains de tout mon coeur, cela est juste.

IPHICRATE. Suis-moi donc.

ARLEQUIN siffle. Hu, hu, hu.

IPHICRATE. Comment donc, que veux-tu dire ?

ARLEQUIN, distrait, chante. Tala ta lara.

IPHICRATE. Parle donc, as-tu perdu l'esprit, à quoi penses-tu ?

ARLEQUIN, riant. Ah ! ah ! ah ! Monsieur Iphicrate la drôle d'aventure ; je vous plains, par ma foi,

mais je ne saurais m'empêcher d'en rire.

IPHICRATE, à part les premiers mots. Le coquin abuse de ma situation, j'ai mal fait de lui dire où nous

sommes. Arlequin, ta gaieté ne vient pas à propos, marchons de ce côté.

ARLEQUIN. J'ai les jambes si engourdies.

IPHICRATE. Avançons, je t'en prie.

ARLEQUIN. Je t'en prie, je t'en prie ; comme vous êtes civil1 et poli ; c'est l'air du pays qui fait cela.

IPHICRATE. Allons, hâtons-nous, faisons seulement une demi-lieue sur la côte pour chercher notre

chaloupe, que nous trouverons peut-être avec une partie de nos gens ; et en ce cas-là, nous nous

rembarquerons avec eux.

ARLEQUIN, en badinant. Badin2 ! comme vous tournez cela !

Il chante. L'embarquement est divin.

Quand on vogue, vogue, vogue,

L'embarquement est divin.

Quand on vogue avec Catin3.

IPHICRATE, retenant sa colère. Mais je ne te comprends point, mon cher Arlequin.

ARLEQUIN. Mon cher patron, vos compliments me charment ; vous avez coutume de m'en faire à

coups de gourdin qui ne valent pas ceux-là, et le gourdin est dans la chaloupe.

IPHICRATE. Eh ! ne sais-tu pas que je t'aime ?

ARLEQUIN. Oui, mais les marques de votre amitié tombent toujours sur mes épaules, et cela est mal

placé. Ainsi tenez, pour ce qui est de nos gens, que le ciel les bénisse ; s'ils sont morts, en voilà pour

longtemps ; s'ils sont en vie, cela se passera, et je m'en goberge4.

IPHICRATE, un peu ému. Mais j'ai besoin d'eux, moi.

ARLEQUIN, indifféremment. Oh ! cela se peut bien, chacun a ses affaires ; que je ne vous dérange

pas !

IPHICRATE. Esclave insolent !

ARLEQUIN, riant. Ah ! ah ! vous parlez la langue d'Athènes, mauvais jargon que je n'entends5 plus.

IPHICRATE. Méconnais-tu ton maître, et n'es-tu plus mon esclave ?

ARLEQUIN, se reculant d'un air sérieux. Je l'ai été, je le confesse à ta honte ; mais va, je te le

pardonne : les hommes ne valent rien. Dans le pays d'Athènes j'étais ton esclave, tu me traitais

comme un pauvre animal, et tu disais que cela était juste, parce que tu étais le plus fort : eh bien,

Iphicrate, tu vas trouver ici plus fort que toi ; on va te faire esclave à ton tour ; on te dira aussi que cela

est juste, et nous verrons ce que tu penseras de cette justice-là, tu m'en diras ton sentiment, je

t'attends

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