Le poème des Saltimbanques
Commentaire d'oeuvre : Le poème des Saltimbanques. Recherche parmi 298 000+ dissertationsPar 1111111kkk • 7 Décembre 2014 • Commentaire d'oeuvre • 1 695 Mots (7 Pages) • 799 Vues
L'amour du voyage peut tout d'abord être dévoilé par les nombreux portraits de vagabonds. En
effet, on ne compte plus ces visages étrangers présents dans l’œuvre d'Apollinaire. Certains sont
explicitement annoncés dès le titre comme Saltimbanques ou La tzigane. C'est avec ces personnages,
typiques de l'errance et de l'exclusion, que nous entamerons notre recueil. Proposant, malgré leur
ressemblance, deux visions opposés de l'errance, entre la légèreté des saltimbanques et la langueur de la
tzigane, ces poèmes laissent au lecteur la réflexion de savoir si l'errance est une liberté ou un fardeau.
Le poème Mai opère une transition. Bien que l'on retrouve les personnages de tziganes et de
baladins, il n'est plus centré sur eux mais sur la mélancolie d'un narrateur qui flâne. Ce poème a pour
cadre le Rhin. Apollinaire fut beaucoup inspiré par ce décor, il écrivit neuf poèmes y prenant place,
composant ainsi la section des Rhénanes. Dans Mai, le narrateur n'est plus un exclu de la société mais
un vagabond qui appareille sur une barque. Bien qu'ici ce soient les sentiments de ce personnage qui
sont mis en valeur, il reste un voyageur susceptible d'être rencontré. C'est pourquoi il peut avoir sa
place dans les portraits de voyageurs. Tout comme L'émigrant de Landor Road. En effet, ce poème est
directement lié au vécu d'Apollinaire. Ce dernier, ayant connu de nombreuses femmes et leur ayant à
chacune dédié un certain nombre de poèmes, a ainsi composé divers « cycles ». Ici, il s'agit du « cycle
Annie », du nom d'une jeune gouvernante anglaise dont il tomba amoureux. L'écrivain fut
profondément blessé lorsqu'elle dut partir pour l'Amérique. Il traduit son chagrin dans des poèmes plus
ou moins connus (La chanson du mal aimé, Annie). Mais ici, L'émigrant de Landor Road est d'autantplus intéressant qu'il dessine le portrait d'un émigrant (représente+t+il Apollinaire ? Ou bien Annie?),
un personnage proche de notre sujet d'étude. Cet émigrant contraste avec les portraits précédents
puisqu'il apparaît comme un être riche ; néanmoins il reste comme les autres une figure lointaine et
destinée au départ.
Enfin, cette première partie sur les gens de voyage se clôturera avec le texte sur Les poètes. Ici,
Apollinaire débute son récit par un point de vue interne sur la condition des poètes puis il bascule par
la suite sur une réflexion amoureuse. A ses yeux, être poète est un poids malgré les quelques bonheurs
que cela procure. Le poète est, parmi les gens de voyage, un des plus mélancoliques. Sans attache, il
tente en vain de redonner des couleurs au quotidien des gens, mais son exil, long et récurrent, le
désole « Jamais jamais heureux toujours toujours partir ».
Il est vrai que dans la poésie d'Apollinaire, le voyageur n'étant pas un individu comme les
autres, ses sentiments sont également différents. Évoluant dans un cadre de vie particulier, ses
préoccupations sont plus spirituelles que matérielles. C'est une personne que rien ne retient et qui
traverse les places sans s'arrêter. Cependant, si comme Apollinaire, il tisse des liens affectifs avec
d'autres personnes, le départ et l'éloignement peuvent être amers. C'est ce que nous avons pu constater
dans L'émigrant de Landor Road, reflet de la douleur d'Apollinaire, ou dans Les poètes. En réponse à
cette mélancolie, nous pourrons ici étudier le regard de ceux qui restent, des personnes qui voient les
autres partir sans pouvoir ni les suivre ni les retenir. Dans Adieu, poème épistolaire destiné à Lou,
Apollinaire avoue son chagrin à cette jeune femme, dont il fut éperdument amoureux, qui part pour
le Nord lorsque lui doit rester à Nîmes.
Aussi la correspondance est+elle un pilier dans le thème du voyage. Elle permet un étroit
contact entre le monde des « immobiles » et le monde des vagabonds. Les moyens de correspondance
sont par ailleurs glorifiés dans Lettre Océan, un poème particulier appelé calligramme. La disposition
graphique des mots et des phrases forme un dessin. Plutôt rare jusqu'au début du XXème siècle, ce
genre est popularisé par Apollinaire. La dimension visuelle des calligrammes en font parfois de
véritables chef d'œuvres du mouvement Dada. La présence d'un calligramme était donc obligatoire
dans cette anthologie puisque ce genre poétique est une caractéristique d'Apollinaire et qu'il contribua
à sa célébrité. Dans Lettre Océan, nous retrouvons les traces d'un billet qui traverse l'Atlantique via un
réseau de communication. Depuis la France jusqu'au Mexique, nous le suivons à travers les bureaux
de poste et les télégraphes... Il marque une relation entre deux personnages séparés par l'océan, l'un
étant parti en Amérique. Cependant, si la correspondance permet de garder le lien entre les personnes,
elle apparaît aussi comme un ultime fil qui rattache le voyageur au monde réel.
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