Le mythe d’Oedipe

Célia LACHAVANNE

Programme court de premier cycle en lettres françaises et québécoises

pour étudiants en séjour d'études

Premier Travail : Oedipe

 Victime des dieux, du hasard ou et ses actes

Travail présenté à

Luc Vaillancourt

dans le cadre du cours

Le Théâtre Antique et son héritage moderne

Unité d'enseignement en études littéraires

Université de Québéc à Chicoutimi

20 Février 2020

        Oedipe est une des figures importantes de la mythologie grecque qui fascine les chercheurs et les artistes depuis toujours. Les travaux du psychologue Freud sur le « conplexe d’oedipe » et l’oeuvre de Pier Paolo Pasolini, Oedipo Re peuvent en témoigner. Sophocle ira jusqu’à lui consacrer deux pièces : Oedipe roi et Oedipe à Colone. Ce héros est également bien connu des auteurs antiques puisqu’il correspond au personnage type de la tragédie que définit Aristote dans sa Poétique. En effet, il est question d’un roi au comportement orgueilleux et démesuré dont les souffrances servent d’expiatoire aux spectateurs et aux lecteurs. C’est un homme dont l’hubris le pousse aux actes les plus odieux : le parricide et l’inceste. Mais Oedipe est t-il pour autant le seul responsable ? René Girard et sa théorie du bouc émissaire sèment le doute sur la culpabilité du roi de Thèbes en rappelant la malédiction de sa lignée ainsi que l’implication des dieux dans sa destinée. Le mythe d’Oedipe propose la mise en scène d’un personnage à la fois bouc émissaire des dieux, victime du hasard et de lui-même. Nous allons donc travailler chacune des figures de victime pour observer si l’une d’entre elles se détache des autres.

Les circonstance tragique du mythe d’Oedipe

        L’une des caractéristiques du mythe est qu’il s’agit d’un récit dont nous ne chercherons pas à prouver l'authenticité. Nous avons conscience qu’il s’agit d’histoire imaginaire afin généralement d’expliquer un phénomène incompris à l’époque comme le changment de saisons, l’origine de l’homme ou encore ce qu’il y a après la mort. Ainsi, la plupart des mythes antiques contiennent quelques invraisemblances et événements qui relèvent du simple concours de circonstance. Le mythe d’Oedipe en est l’exemple.

        La première coïncidence que nous pouvons relever est le nom du protagoniste. En grec, le nom d’Œdipe renvoie au terme « Oidipous » qui signifie « celui qui a les pieds enflés ». Or, l’une des caractéristiques d’Oedipe est d’avoir les chevilles gonflées puisqu’il fut abandonné par le berger avec les pieds ligotés. Cette caractéristique est importante, car elle permettra de connaître l’identité du meurtrier de Laïos. En effet, alors qu’Oedipe commence à avoir des doutes sur son implication dans l’assassinat du roi ; le berger qui l’avait abandonné des années avant affirme que l’enfant qu’il a remis au Corinthien avait les pieds enflés. Oedipe comprend ainsi qu’il n’est pas le fils de Polybe, mais de Laïos et également son meurtrier.

        Le hasard agit aussi sur le chemin qu’Oedipe doit emprunter au cours de ces voyages. En effet, la probabilité que dans son errance, Oedipe atterrisse à Thèbes est faible. Pasolini illustra cette coïncidence par des plans cinématographiques où nous pouvons observer Oedipe choisir au hasard le chemin à suivre : il se couvre les yeux et tourne sur lui-même avant de pointer une direction du doigt. Nous pouvons également souligner la probabilité qu’Oedipe tombe nez à nez sur Laïos lors de son voyage. Le départ d’Oedipe de Corinthe relève tout autant du hasard. En effet, Oedipe décide un jour de s’en aller pour Delphes après une querelle avec un Corinthien qui traite le prince d’enfant bâtards.

        Finalement, la mort de Polybe relève aussi de l’invraisemblance. Le décès du roi de Corinthe arrive au moment où Oedipe commence son enquête sur la mort de Laïos et doute de son innocence dans ce crime. Mais cette annonce va rassurer Oedipe qui pense désormais que la malédiction ne peut plus être réalisée puisque son père vient de mourir, mais pas de sa main : « D'après leurs prédictions, je devais tuer mon père, mais il est mort, et repose dans le sein de la terre ; et moi, tranquille à Thèbes, je n'ai point tranché ses jours »^[1].

        Les multiples coïncidences présentes dans le mythe d’Oedipe peuvent aujourd’hui nous sembler étrange, mais à l’époque de Sophocle, les spectateurs acceptaient cette part d’irréel. En effet, le spectateur devait davantage accorder de l’importance à la moral final qu’aux péripéties du héros. Néanmoins, nous pouvons interpréter ces coups du sort comme une illustration de la puissance divine. Quel que soit le choix du héros, il ne peut échapper à son destin et dans le cas d’Oedipe, à la malédiction d’Apollon.

Oedipe, un personnage persécuté par les dieux

         La culture antique est en parti construite sur une religion polythéiste. Cependant, contrairement au Dieu biblique qui se veut aimant et protecteur, les dieux gréco-romains agissent sur le destin des hommes par vengeance ou pour favoriser un de leur protégé. Ainsi, la présence des dieux est essentielle dans la compréhension d’un mythe ; notamment celui d’Oedipe où les figures mythologiques sont multiples et agissent en permanence sur le destin du jeune roi.

        L’acharnement des dieux sur Oedipe et de manière plus générale sur la famille des Labdacides remontent avant même la naissance du héros. En effet, la malédiction d’Apollon pèse sur Laïos, père d’Oedipe et roi de Thèbes. Tout commence quand Pelops demande à Laïos d’apprendre à son fils Chrysippe (fils qu’il a eu avec la nymphe Danaïs) à conduire un char. Laïos accepte. S’entendant bien avec l’enfant, il décide d’en faire son amant et de partir avec lui. Danaïs lance alors la malédiction d’Apollon sur le roi de Thèbes puisqu’il a fait preuve de pedophilie, mais surtout parce qu’il n’a pas respecté ses hôtes. Ainsi, lorsqu’Oedipe naît, une malédiction accable déjà sa famille. Pour se protéger de la malédiction, Laïos décide d’abandonner son fils. Mais toutes figures mythique ne cesseront de renvoyer Oedipe vers ses parents d’origines.

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