Le déserteur de Boris Vian

LE DESERTEUR DE BORIS VIAN

Histoire des arts 3ème. Dossier Jury

[pic 1]

-----------------------
Questions
------------------------------

1- Dans quelle période historique Boris Vian a-t-il écrit cette chanson ?
2- Etant donné le contexte historique, qu'est-ce qui a pu amener Boris Vian à avoir eu envie d'écrire une telle chanson ?
3- La chanson s'adresse au Président. De quel président s'agit-il à l'époque ?
4- Quelle forme adopte le texte de Vian ? Que retrouvez-vous des règles d'écriture poétiques dans cette chanson ?
5- Dans quelle catégorie de poèmes cette chanson pourrait-elle s'inscrire ? Pourquoi ?
6- La chanson a longtemps et souvent été interdite d'émission à la radio ? A votre avis, pour quelles raisons ?
7- Qu'est-ce que la désertion ? Est-ce considéré comme quelque chose de grave par l'armée ?
8- deux registres se mélangent dans ce texte et lui donnent sa particularité. Quels sont ces deux registres et pouvez-vous en donner quelques exemples ?
9- Dans l'ensemble, quel niveau de langue est utilisé dans cette chanson ? Citez quelques exemples pour illustrer l'emploi de ce niveau de langue . A votre avis, pourquoi avoir choisi de s'exprimer ainsi ?
10- A votre avis, pourquoi cette chanson est-elle toujours très connue aujourd'hui, et pourquoi dérange-t-elle toujours autant ?



-----------------------------
Réponses
-----------------------------

1- Vian a écrit cette chanson dans la moitié du XXème siècle. C'est une période très marquée par l'Histoire, la Seconde Guerre Mondiale étant encore bien présente dans tous les esprits, et la France se trouvant encore engagée dans des conflits qui n'entraînent pas forcément l'adhésion de tous. IL y a également une grande instabilité politique à cette époque.

2- Le contexte historique est clairement traumatisant. La guerre a laissé des traces profondes dans la population française et les deux guerres mondiales ont fait des ravages. Cela se retrouve dans les paroles de la chanson, dans laquelle on signale la disparition du père, de la mère et des frères, ce qui était le cas de nombreuses familles à l'époque. Vian exprime donc un dégoût profond de la guerre, provoqué en partie par un contexte historique chargé.

3- Au moment de la première diffusion de la chanson, René Coty vient d'être élu à la présidence de la république, il s'agit de la IVème république, fragile et d'une longévité assez brève. La Vème république lui succèdera bientôt avec le retour du Général de Gaulle.

4- Le texte de Vian est un poème à l'origine et on retrouve de nombreuses marques de la poésie classique dans cette chanson : elle est constituée de quatrains d'hexasyllabes en rimes embrassées. On retrouve même, par exemple, le respect de l'alternance rimes masculines/rimes féminines, ce qui confirme le caractère assez classique de la chanson de Vian.

5- Etant donné son contenu et sa forme classique, cette chanson de Vian entre de plein droit dans la poésie de la révolte ou de la rébellion. En effet, l'adresse directe au président est assez osée, surtout pour l'époque. L'auteur n'hésite pas à faire preuve d'une ironie moqueuse qui est assez subversive et la chanson incite directement à la désertion, qui est considérée comme un crime.

6- La chanson est très clairement et très fortement anti-militariste, voilà pourquoi elle a régulièrement été interdite, dès que la France s'est retrouvée engagée dans un conflit. La résignation, l'appel à la désertion, le refus de la guerre, sont fatalement des thèmes dérangeants pour une nation en guerre. C'est une remise en question profonde du fondement même de la politique de défense militaire partagée par de nombreux pays.

7- Un déserteur est un homme qui refuse de rejoindre les rangs de l'armée de son pays. C'est considéré comme un crime, à un tel point que la désertion est traditionnellement sanctionnée par la peine de mort, les déserteurs étant exécutés par l'armée.

8- Les deux registres qui se mélangent de façon intéressante dans ce texte sont le registre ironique et le registre pathétique. La chanson est très triste et marquée par le pathétique comme en témoigne un champ lexical de la tristesse qui est très présent : "pleurer", "partir", "tant souffert", "on m'a volé mon âme", "de pauvres gens". A cette tristesse profonde s'ajoute une ironie cinglante qui stigmatise le confort des dirigeants en temps de guerre: "s'il faut donner son sang, allez donner le vôtre, vous êtes bon apôtre, monsieur le président", ou encore la distance considérable entre le dirigeant et son peuple: "que vous lirez peut-être si vous avez le temps".

9- Vian utilise un langage très simple, qui correspond au niveau de langue courant, voire familier par moments. Par exemple, l'absence de la négation dans " c 'est pas pour vous fâcher", correspond plutôt à un niveau de langue familier. Le reste est très courant et immédiatement compréhensible :"et se moque des bombes", "je ne veux pas la faire". Le choix de ce niveau de langue parait logique, c'est cela qui permettra à la chanson de prendre une dimension universelle, accessible à tous, elle sera d'ailleurs traduite dans de nombreuses langues. La simplicité et le dépouillement du langage renforce également la sincérité de la chanson et de celui qui s'exprime en la chantant, rendant son discours encore plus touchant qu'il ne vise pas les effets stylistiques spectaculaires.

10- La chanson est toujours connue aujourd'hui car rarement un auteur a osé s'aventurer sur un sujet aussi délicat et aussi particulier. La chanson a provoqué de vives réactions à l'époque et Boris Vian a dû en subir les conséquences : il a été très critiqué. Elle dérange toujours autant car elle renvoie les hommes, les gouvernements et les militaires devant leurs responsabilités face à la guerre, aux décisions qui sont prises, la plupart du temps sans aucune considération pour les premiers concernés : les soldats. La chanson est toujours d'actualité car la guerre l'est malheureusement elle aussi.

...