Le Vicomte, marionnettiste qui tire les ficelles, allégorie du vice, et noyau du roman selon Pomeau n'est-il pas le moyen pour Laclos de délivrer une véritable revendication de la société par la purgation des sentiments ?

      « Ce livre, s’il brûle ne peut brûler qu'à la manière de la glace » écrit Charles Baudelaire. Fidèle à son esthétique du mal, le poète fait mention de symboles dichotomique pouvant refléter la contradiction des sentiments, leurs fausseté, la tension de la raison et du c?ur au profit d'êtres raisonnés, calculateurs guidés par les libertins.

En effet, au prisme du feu et de la chaleur se traduit l'ardeur de la passion, le désir charnel. Le pouvoir spirituel du sentiment, idéal romanesque dont Laclos a voulu s'affranchir en dépeignant les rouages maléfiques du faux-semblant amoureux : calculs, actions cérébrales, rapports orgueilleux, vanité, mépris, perversité exprimés sous l'empire « les liaisons dangereuses ». Cet idéal de l'affranchissement des m?urs, des conventions sexuelles et amoureuses n'est que l'enracinement d'une classe bourgeoise décadente vouée à l'ennui, ne trouvant distraction qu'avec la maîtrise du mal . Valmont en est l'incarnation : personnage qui dissimule les braises de l'amour sous une plume parfaitement pensées, tenant sa forme qu'à la froideur de son esprit, « qu'à la manière de la glace ».Il est en somme le principale vecteur des dangereuses liaisons, véritable noyau du roman qui tisse chacune des intrigues, s'affirmant comme « le protagoniste de l'action, le danger des liaisons » établient par « ses entreprises qu'il crée » selon les mots de René Pomeau.

Alors le Vicomte, marionnettiste qui tire les ficelles, allégorie du vice, et noyau du roman selon Pomeau n'est-il pas le moyen pour Laclos de délivrer une véritable revendication de la société par la purgation des sentiments ? Cette engagement au sein de l'oeuvre des liasons dangereuse sera notre fil conducteur. Il nous permettra de mettre en exergue la critique de René Pomeau, ses limites également sous l'égide d'une même autorité : La revendication sociale, psychologique et philosophique dont témoigne la poétique de Laclos.

Puisque les personnages semblent jouer un rôle que leurs classes,réputation leurs ont assignés sur cette grande scène qu'est la société du 18ème ; Valmont est-il le meilleur comédien,capable d'incarner à la perfection différents rôles, est-il le metteur en scène comme le souligne René Pomeau ou une simple marionnette que son orgueil et sa prétention occulte ?

Afin donc d'expliciter au mieux les enjeux que développe René Pomeau ainsi que notre problématique lié au caractère accusatoire d'une peinture sociale, nous expliqueront premièrement en guise de prémisse la place qu'occupe Le Vicomte de Valmont au sein de l'oeuvre, et son lien avec la société dont est témoin Laclos. Dans un second temps, nous établirons de manière plus dialéctique le duo que symbolise la Marquise de Merteuil et Valmont, ainsi que l'enjeu poétique de Laclos. Enfin, de manière plus décentré, nous nous intéresserons à la double portée théâtrale de l'oeuvre, une hybridité qui accroît davantage une portée philosophique au roman des liaisons dangereuses.

« c’est Valmont qui occupe la position centrale […] c’est l’auteur du plus grand nombre de lettre […] c’est le protagoniste de l’action »

En osmose avec l’idée de Réné Pomeau, nous tâcherons ici à démontrer la place centrale du personnage du Vicomte de Valmont. Homme rusé, cultivé, désirable et désireux, envié et envieux,il se présente comme l’incarnation masculine du 18ème siècle : dominant, puissant autant socialement que psychiquement, il est effectivement l’épistolier du plan grand nombre de lettres.

Il se présente d’avantage comme un outil pour Laclos, un moyen d’unir les personnages, de tisser l’intrigue. Effectivement, il est le médiateur des liaisons dangereuses en ce sens qu’il s’adresse à la quasi-totalité des personnages, à l’instar de certains qui n’échange pas. Madame de Merteuil par exemple n’entretient pas de correspondance avec Mme de Tourvel ou Mme de Rosemonde. Le vicomte échange avec Merteuil, tourvel, Azolan, Cécile, Le père Anselme, Danceny. Ce qui explique effectivement que Valmont soit l’auteur de 51 lettre sur 175 ; pour beaucoup de personnages. Il est le protagoniste des liaisons dangereuse en ce sens que ses entreprises, ses stratagèmes et manipulations sont le fruit des péripéties secondaire dont découlent le déroulement du roman. Il permet de faire vivre les personnages secondaires : Le personnage de Prévant apparaît sous la plume de Valmont,

Si en effet les correspondances épistolaire témoignent de la psychologie du personnage, elles tendent également d’un point de vu sociétale à dépeîntre la domination, le contrôle et le pouvoir. Cela met parfaitement en exergue la pré-dominance de Valmont, au prisme de la domination masculine au sein de la société.

Entre perversion des plus prudes, conquête de proies en seule animation de l'ennui d'un jeune rentier narré dans ses correspondances avec la marquise, il forge le centre du roman.

La poétique de Laclos en témoigne, par le vocabulaire et les champs lexicaux qu'il donne à son personage : celui de la chasse, comme d'un animal qui attend sa proie où encore de la conquête, de la guerre ou pour parvenir à ses fins il faut dédaigner tout sentiments et empathie « conquérir est notre destin » Lettre 4. Une poétique dont Valmont fait preuve au prisme de ses lettres et qui correspondent aux actions, aux « entreprises » qu'il crée derrière. Par exemple, ses stratégies afin de gagner la chambre de Cécile étaye l'égoisme et l'immoralité du personnage Crébiollonien dans un discours bien agencé qu'il destine  à l'aveuglée Cécile. «  Cependant je connais les impatiences de l'amour ; je sens combien il doit être pénible, dans votre situation, d'éprouver quelque retard à la seule consolation

que vous puissiez goûter dans ce moment » Lettre 84 de Valmont à Cécile.

La capacité qu'a cet homme de rang noble à dissimuler ses véritables attentions sous sa plume son remarquable, et c'est ce qui fait de lui un personnage redoutable et à craindre. La multiplicité du ton qu'il emploie invite d'emblée le lecteur dans une ?uvre polyphonique, où la vérité du sentiment n'est que faux-semblant. Le Vicomte de Valmont semble ainsi être la représentation de la poétique de l'auteur.  Ainsi, ce personnage au caractère très particulier, indiscernable, aux m?urs dépravés, semble se substituer au rôle du roi dans l'échiquier, pièce majeur dont la perte cause la fin du jeu et donc le sort inévitable de toutes les autres pièces. En effet force est de constater que la mort du vicomte, véritablement la chute du roman, entraîne la chute de tous les autres : Mme de Tourvel y succombe, Mme de Merteuil en perd sa réputation et sa jouissance de libertine en plus de fortune, Mme de Volanges en est que trop plus aveuglé, Mme de Rosemonde se morfond dans le mutisme, son valet perd toute assurance financière, Danceny se retouve cantonné à cette nouvelle place de libertin par la victoire de ce duel ; comme si c'était un fatalisme en cette société.

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