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La poésie est-elle l'art de la représentation

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Par   •  9 Mai 2014  •  Analyse sectorielle  •  1 740 Mots (7 Pages)  •  712 Vues

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La poésie a souvent été diversement appréciée. D’Alembert disait : « La poésie, qu’est-ce que cela prouve ? ». À l’opposé, Mallarmé, à qui on demandait : « Maître, pleurez-vous dans vos vers ? » répondit par la boutade acerbe : « ni ne me mouche ».

Ainsi d’une poésie inutile à une poésie révérée, de nombreux arts poétiques nous ont indiqué comment leurs auteurs concevaient la valeur essentielle de la poésie.

La poésie est-elle un art de la représentation ?

Depuis le poète Horace, la poésie a souvent été considérée comme une peinture, une représentation agréable de la nature. Sa mission est d’apporter le pittoresque. La plus belle poésie serait une œuvre aux hautes couleurs, véritable tableau de genre. De la Pléiade à Chénier, des Orientales et de laLégende des siècles à la perfection parnassienne d’un Leconte de Lisle, notre littérature abonde en pièces finement ciselées, riches et fortes du spectacle vivant qu’elles prétendent restituer.

Plus pernicieuse, la conception selon laquelle la poésie ne serait qu’un art de bien dire, une ornementation de la pensée, a connu une certaine vogue au XVIIe et au XVIIIe siècle. On voit alors des écrivains mettre en vers des recueils philosophiques, des œuvres historiques voire des manuels mathématiques. Il faut bien avouer que la Henriade de Voltaire reste sur les rayons des bibliothèques peu à peu recouverte de la poussière des ans. Si le Vigny de La bouteille à la mer est encore lu, c’est qu’il a su nous faire partager sa foi brûlante dans le rôle du poète, dans la victoire future de la Science et de l’Esprit. Mais c’est une exception dans cette lignée de littérateurs pour qui la poésie est cet écrin de verre qui permettra à la pensée d’arriver à bon port malgré « les flots ou la brise », c’est la transmutation, le grand œuvre de quelque alchimiste qui confère à l’idée la pureté et la dureté du diamant.

Plus féconde a été la généalogie de ceux pour qui la poésie doit être l’expression des émois du cœur, en quelque sorte un chant de l’âme, la musique des passions et des émotions. À l’époque romantique, ils sont nombreux ceux qui expriment leur moi intérieur et qui veulent en même temps être « l’écho sonore » de tous les sentiments humains. Les chantres du Moi ont bien senti que la sensibilité, par son caractère irrationnel, était une attitude poétique. Baudelaire écrivait à Ancelle à propos des Fleurs du mal : « Dans ce livre atroce, j’ai mis toute ma pensée, tout mon cœur, toute ma religion (travestie), toute ma haine », mais à travers une déchéance personnelle, c’est la tragédie humaine qui est racontée et qui permet à son auteur d’apostropher l’ « hypocrite lecteur, mon semblable ! Mon frère ! ».

Ainsi la poésie pourrait n’être qu’un art de la représentation, à partir du moment où il y aurait des thèmes plus poétiques que d’autres tels que l’amour, la nature, la destinée, la mort. Il suffirait alors de bien choisir son sujet d’inspiration pour atteindre de ce fait même à l’art. Bien évidemment, un recueil tel que les Fleurs du mal, véritable tournant de la poésie française, suffirait à lui seul à dénoncer la fausseté d’un tel point de vue. Baudelaire en choisissant « d’extraire la beauté du Mal », en délaissant « les provinces les plus fleuries du domaine poétique », montre bien que la création poétique est ailleurs que dans son sujet. Une Charogne n’est pas indigne de l’artiste qui peut à juste titre s’écrier devant son Créateur dont il refait la création : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or ».

La poésie est-elle un instrument d’action ou de connaissance ?

D’autres ont entraîné la poésie sur la pente de l’action : ils ont voulu au travers de la forme poétique susciter l’enthousiasme ou l’indignation de leurs contemporains. Pensons aux Châtiments de Victor Hugo qui dénoncent avec véhémence « Napoléon le petit » jusqu’aux poèmes nés de la Résistance comme la Rose et le réséda, vibrant appel à l’unité contre l’ennemi entre « celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas ». Polémique ou jouant sur les grands sentiments, une telle littérature a encore été dénoncée par Baudelaire dans l’Art romantique, qui la condamne dans un jugement sans appel : « Il est une autre hérésie… Je veux parler de l’hérésie de l’enseignement, laquelle comprend comme corollaires inévitables, les hérésies de la passion, de la vérité et de la morale. Une foule de gens se figurent que le but de la poésie est un enseignement quelconque, qu’elle doit tantôt fortifier la conscience, tantôt perfectionner les mœurs, tantôt enfin démontrer quoi que ce soit d’utile… La poésie (…) n’a pas d’autre but qu’elle-même ». Comme nous sommes loin alors de cette déclaration de Giono : « Le poète doit être un professeur d’expérience. À cette seule condition, il a sa place à côté des hommes qui travaillent et il a droit au pain et au vin ».

De cette attitude qui consiste à voir dans le poète un guide, un penseur, le Moïse de Vigny, un mage investi de la divine mission de distiller à ses contemporains les vérités éternelles, nous passons insensiblement au voyant, au voleur de feu rimbaldien. Dans cette aventure, la poésie va devenir un instrument de connaissance, un moyen d’entrer par effraction dans le temple sacré du

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