LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

L'illusion Theatrale

Mémoire : L'illusion Theatrale. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  15 Avril 2014  •  4 046 Mots (17 Pages)  •  1 296 Vues

Page 1 sur 17

Dissertation sur l'illusion théâtrale

Question

Les dialogues et les situations des quatre scènes que nous allons étudier sont toutes peu réalistes. Cette invraisemblance empêche-t-elle pour autant l’installation de l’illusion théâtrale ?

Alfred de Musset ouvre sa pièce On ne badine pas avec l’amour écrite en 1834 par une scène qui peut paraître absurde sur plusieurs points. La présence d’un personnage nommé « Le Chœur » est théâtrale par essence, simple intermédiaire entre le monde de la scène, des personnages et le monde des spectateurs. Ce personnage présente et dramatise l’entrée en scène des autres personnages, Maître Blazius et Dame Pluche, dans cette scène d’exposition en s’adressant directement aux spectateurs. La théorie du quatrième mur qui voudrait que acteurs et spectateurs soient deux mondes séparés, que les spectateurs assistent à la représentation sans que les acteurs se sachent observés, est ici refusée. Ensuite les personnages de cette scène sont des pantins, des mécaniques caricaturales. Maître Blazius est le stéréotype de l’ivrogne qui demande en premier, « un verre de vin frais », tandis que Dame Pluche, sèche comme une trique, demande « un verre d’eau et un peu de vinaigre ». Enfin, cette scène est aussi invraisemblable dans son écriture. Maître Blazius et Dame Pluche se succèdent au même endroit pour y tenir deux discours symétriques : « Vous saurez, mes enfants, que le jeune Perdican, fils de notre seigneur […] revient aujourd’hui même au château » dit Maître Blazius ; « Sachez, manants, que la belle Camille, la nièce de votre maître, arrive aujourd’hui au château » dit Dame Pluche. Alors que Maître Blazius est « doucement bercé sur sa mule fringante », Dame Pluche est « durement cahotée sur son âne essoufflé ». Toutes ces invraisemblances ne nuisent cependant pas à l’illusion théâtrale car ce parallélisme engendre le rire chez les spectateurs, charmés et amusés par des personnages caricaturaux qui surgissent et disparaissent dans un décor rococo.

De même, dans Le Jeu de l’Amour et du Hasard de Marivaux écrit en 1730, les invraisemblances s’accumulent : Dorante et Sylvia ont par hasard la même idée en même temps d’intervertir leurs habits avec ceux de leurs valets. Aucun personnage ne se rend compte de la supercherie, Arlequin est persuadé de parler à Sylvia et Lisette de s’adresser à Dorante. Les valets déguisés en leur maître parlent d’une façon ridicule pour essayer de leur ressembler, mais ils n’y arrivent pas, « Je brûle, et je crie au feu » dit Arlequin pour déclamer son amour. Ce quiproquo installe tout de même l’illusion théâtrale car les spectateurs ont connaissance de l’action des deux camps et rient donc du double tour qui est joué. Le spectateur devient actif, il ne se demande plus ce qui va se passer mais plutôt comment les personnages vont se sortir de cette situation.

La scène d’En attendant Godot de Samuel Beckett est en tous points déstabilisante, surprenante pour le spectateur, de par l’étrangeté du dialogue entre les deux clochards, l’absurdité de leur attente vaine d’un personnage énigmatique, dont on ne sait rien si ce n’est son nom qui peut évoquer le mot God, Dieu en anglais. De même, le monologue d’ouverture du Dealer dans la Solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès, où seuls les premiers mots peuvent être rapportés à un discours réaliste, entraîne immédiatement le spectateur loin des chemins balisés, des références habituelles, dans un monde inconnu. A la brièveté des répliques de Vladimir et Estragon, s’oppose la longue litanie, enveloppante, très structurée et imagée du Dealer qui joue de nombreuses figures de répétition, « avec l’humilité de celui qui propose […] avec l’humilité de celui qui possède ». L’extrême densité du discours, la force évocatrice de ses métaphores et images, emportent les spectateurs dans le flux du discours, et la tension croît dans l’attente de la réponse. Ces scènes ont beau être invraisemblables, elles n’empêchent pas l’illusion théâtrale de s’installer de par la force poétique des personnages mis en scène. Estragon et Vladimir sont depuis plus de cinquante ans d’inoubliables clochards qui continuent de vivre et d’attendre dans l’imaginaire des spectateurs et peut-être même dans l’imaginaire collectif.

Le théâtre des Grecs antiques aux auteurs les plus contemporains, a été un lieu d’expérimentation du lien entre le réel et l’illusion. Si chaque époque a exploré un aspect différent de la question, l’objet du théâtre a toujours été d’approfondir la connaissance de la vie des Hommes.

Dissertation

« Le théâtre est un monde, un monde énorme et délicat dont les frontières ne sont pas fixées entre le réel et l’illusion, si bien que l’on ne sait jamais qui l’emporte du mensonge ou de la vérité » écrit Blaise Cendrars dans Emmène-moi au bout du monde ? Qu’en est-il des rapports entre théâtre et réalité ? Dès les débuts du théâtre, Aristote définit cet art dans La Poétique par le terme de « mimêsis », à savoir la fabrication d’un objet fictif autonome qui se doit de ressembler à son modèle réel. Pour que la magie du théâtre opère, pour créer l’illusion théâtrale, il est essentiel pour Aristote que le spectateur puisse s’identifier aux personnages et avoir l’impression qu’un monde cohérent, distinct du sien mais lui ressemblant, lui est présenté sur scène. Mais pour que l’illusion théâtrale dure au moins le temps de la représentation, pour que le spectateur reste attentif et captivé durant toute la pièce, est-il nécessaire que les personnages s’expriment et se comportent comme dans la vie ? L’imitation de la réalité, à la fois dans le texte et dans sa mise en spectacle, par le jeu des acteurs et la mise en scène, est-elle l’unique condition pour que l’illusion théâtrale s’installe, ou bien n’est-ce une condition ni nécessaire ni suffisante à cette mise en place ? Dans une première partie nous montrerons que la recherche de la vraisemblance peut favoriser l’illusion théâtrale. Dans une deuxième partie, nous détaillerons différents exemples permettant de conclure au maintien de l’illusion théâtrale malgré de multiples entorses à la réalité. Enfin dans une troisième partie, nous montrerons que si le théâtre imite le monde, cette imitation dont il est illusoire et stérile qu’elle prétende à une simple reproduction, doit au contraire révéler les ressorts de la vie humaine et de ses passions.

A son commencement,

...

Télécharger au format  txt (25.7 Kb)   pdf (225.1 Kb)   docx (17.9 Kb)  
Voir 16 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com