Le Texte Théâtral

Dissertation de français (théâtre)

Sujet : Dans Le théâtre, A. Ubersfeld affirme : « Une des caractéristiques les plus étonnantes du texte théâtral, la moins visible, mais peut-être la plus importante, c’est son caractère incomplet ». Pour elle, le texte théâtral est donc « troué », ce qui exige du metteur en scène une interprétation. Vous discuterez ce point de vue en prenant appui sur les textes du corpus et sur les œuvres que vous avez lues ou étudiées, notamment Rhinocéros.

Le théâtre doit son unicité au fait qu’il est composé à la fois d’une partie écrite, le texte, et d’une partie interprétation par les acteurs lors de la représentation. Anne Ubersfeld, agrégée de lettres en 1945, travaille dès 1962 à Besançon sur Victor Hugo, elle enseigne ensuite à Paris, à la Sorbonne en temps que professeur émérite d’Etudes Théâtrales. Son ouvrage de référence est « Lire le théâtre ».

C’est dans Théâtre qu’elle affirma que le théâtre est un texte incomplet, comme troué, exigeant une interprétation de la part du metteur en scène. Mais le texte théâtral peut- il être dans tous les cas qualifié d’incomplet ? Pour y répondre, nous étudierons en première partie le texte théâtral dans ce qu’il a d’incomplet, puis nous aborderons la mise en scène de la pièce. Pour terminer, nous verrons comme le texte et sa mise en scène sont liés indissociablement.

Le texte théâtral n’est que la partie écrite du théâtre : il retranscrit les discours des personnages de façon très claire, apposant leur nom avant leur parole. Il n’est en réalité que la partie « cachée » de la représentation finale d’une pièce. A ce sujet, Francis Huster dit dans Le petit dictionnaire du théâtre : « Un texte de théâtre est à voir. Un texte de théâtre est à écouter. Est-ce qu’un texte de théâtre est à lire ? ». En effet, le théâtre étant un ensemble entre paroles, ton, mouvements, décors… On pourrait donc voir le texte seul comme incomplet : il ne transcrit pas les mouvements, le ton, les costumes et le décor…Le texte de théâtre seul est donc dénué de son sens théâtral : d’une grande incomplétude, il ressemble plus à un dialogue.

Mais ce texte se détache des autres par la présence de didascalies -indications scéniques- enrichissant le texte en essayant de décrire tantôt le ton d’une réplique, le décor au début d’une pièce (telle l’ouverture de Rhinocéros de Ionesco), ou encore des mouvements…Evidemment, le fait de compléter ce texte ne remplace en rien le fait d’avoir la pièce sous les yeux. Notons ce parallèle important avec la musique : là où le texte est une partition composée de notes, on ajoute nuances, indications de tempo, en quantité variable (de néant à très chargé) ; toutefois jamais une interprétation par un artiste ne peut être mise sur papier.

De plus, nous pouvons remarquer que certains textes sont vraiment « troués » : certains ne comportent quasiment aucune didascalie telle la scène d’exposition du Misanthrope de Molière qui en est totalement dénuée. Il s’agit au lecteur d’imaginer le contexte, au metteur en scène d’interpréter le texte. D’autres sont très chargés en indications scéniques très précises : c’est le cas de l’ouverture de Fin de partie de Beckett, où le décor est décrit, suivi d’une longue suite d’actions muettes des personnages avant la première prise de parole, ainsi que de la fin de la pièce Le roi se meurt de Ionesco, qui contient l’indication des mouvements du personnage, ainsi que les jeux de décor. Toutefois, comme en musique, le fait d’ajouter beaucoup d’indications scéniques à un texte aide certes le metteur en scène, mais ne remplace pas l’interprétation par les acteurs. Le texte théâtral peut donc être qualifié d’incomplet à cause du manque de cette dimension : la représentation.

C’est la mise en scène qui va compléter le texte pour aboutir à la production finale : la représentation.

La mise en scène, c’est, selon André Antoine (considéré comme le premier metteur en scène de France) « l’art de dresser sur les planches l’action et les personnages imaginés par l’auteur dramatique. ». Pour autant, la mise en scène, qui paraît de nos jours indispensable pour monter une pièce, n’a pas à proprement parler toujours existé : le métier de metteur en scène n’apparaît réellement qu’au XXème siècle ; au XVIIème était apparue l’organisation théâtrale. Mais auparavant, le rôle était joué par l’acteur suivant des conventions, celui-ci élaborait lui-même son personnage (ton, fourniture du costume…).

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