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L'Incipit de Bouvard Et Pecuchet

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Par   •  14 Janvier 2015  •  3 303 Mots (14 Pages)  •  6 169 Vues

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L'incipit de Bouvard et Pécuchet est un moment programmatique du roman. Il ouvre ici le récit par une rencontre entre les deux protagonistes de l'histoire. Flaubert introduit ses deux héros en les présentant comme indissociables et complémentaires.

Le texte est composé selon des repères assez simples à discerner, qui le divisent en trois parties à peu près d'égale proportion. En accord avec les proportions de l'illusion réaliste, Flaubert pose d'abord le cadre du récit, construit le chronotope des événements et mène la description détaillée du décor dans une narration impersonnelle. Une rupture intervient dans la monotonie des jours : "Deux hommes parurent." Puis la rencontre des deux personnages principaux s'accompagne de leur présentation à travers descriptions et dialogues. Enfin, une seconde rupture dans la narration ("tout à coup") s'ouvre sur toute une série d'apparitions, un véritable défilé de personnages allant de l'ivrogne au jésuite dans une théâtralisation comique chargé de mettre en route dans l'économie du roman le processus de clichage pour montrer une sorte de théâtre de marionnettes dont Bouvard et Pécuchet sont les spectateurs et les juges.

Après l'analyse des repères spatio-temporels et du réalisme qui en montrera la dimension symbolique et les effets comiques, la lecture se poursuivra par l'analyse des personnages et l'art du grotesque, pour s'achever enfin par l'analyse du processus de la stéréotypie dans les clichés véhiculés par les dialogues et la représentation stéréotypée du monde.

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L'illusion référentielle est assurée par de nombreux éléments du texte : la précision assez grande des repères géographiques (Paris, "le boulevard Bourdon", "le canal Saint-Martin", "la Bastille", le "Jardin des Plantes"), l'observation minutieuse de la réalité (les "deux écluses", un "bateau" sur le canal, "deux rangées de barriques", "les toits d'ardoises", les quais de granit"). Le décor n'a sans doute pas été choisi au hasard. Il semble être la reprise concertée d'un passage des Misérables de Victor Huigo : "Enjolras et ses amis étaient sur le boulevard Bourdon près des greniers d'abondance au moment où les dragons avaient chargé." Le ton épique hugolien d'une journée révolutionnaire sur les barricades de 1832 fait ici place à l'ennui d'une morne journée d'été. Le roman est ainsi d'emblée désigné comme un roman d'après l'Histoire.

Les repères temporels sont plus vagues. On sait seulement que la scène se déroule un dimanche d'été de grande chaleur un peu avant 7 heures du soir. Il faudra attendre l'annonce de l'héritage et la lettre du notaire datée du "14 janvier 1839" pour comprendre rétroactivement qu'il s'agit de l'été de 1838.

Mais l'apparence réaliste du décor n'est qu'un leurre. Les détails choisis de la description tournent au symbolique et au comique. Le narrateur ne vise pas tant à faire découvrir au lecteur le lieu de l'action qu'à mieux le piéger.

La banalité du décor vient en effet s'inscrire dans une relation causale dès la première phrase ("Comme il faisait (...), le boulevard Bourdon...") qui souligne d'emblée un des enjeux majeurs de la méthode ou le "défaut de méthode dans les sciences", selon une lettre de Flaubert, des deux protagonistes, obsédés par la recherche des causes et se perdant dans la minutie du détail, ici une précision qui éveille l'attention du lecteur par sa bizarrerie : "une chaleur de trente-trois degrés". Le chiffre de "33", par son dédoublement s'inscrit dans la longue série des systèmes binaires : "deux écluses", "deux rangées de barriques", "Deux hommes", qui met de suite l'accent sur le leitmotiv de la duplication, de la copie à travers tout le roman.

Au choix des noms de lieux comme "Bourdon" qui sonne comme un glas, inaugurant la thématique de l'ennui et du cafard, s'ajoute la description des lieux par grands pans découpés qui évoquent le sentiment de la claustration qu'on retrouvera dès leur arrivée à Chavignolles, "la tristesse des jours d'été", et même une certaine angoisse devant le caractère séparé des éléments du décor, disjoint, anguleux, sinistre ("couleur d'encre"), géométrique, presque hostile, d'une hostilité qui vient même du ciel : "entre les maisons que séparent des chantiers, "le grand ciel pur se découpait en façon d'outremer", avec une lumière agressive : "la réverbération du soleil", "les façades blanches", et des matériaux froids ("les toits d'ardoises") et massifs ("les quais de granit"). La profondeur de champ ménagée par une "rumeur confuse montait du loin dans l'atmosphère" ne parvient pas à dégager le lecteur d'une impression d'ensemble oppressante.

La description en focalisation interne traduit le dégoût ressenti par les deux personnages : "l'eau hideuse", "des miasmes d'égout s'exhalaient" et quand ils cherchent à s'en détourner, l'isotopie de l'enfermement semble se tourner en persécution : "Ils se retournèrent de l'autre côté. Alors, ils eurent devant eux les murs du Grenier d'abondance." La progression de l'atmosphère va dans le sens d'une dégradation : l'eau "couleur d'encre", métaphore de la création poétique qui filera tout au long du roman, devient "hideuse", et finissent par s'exhaler à la fin des "miasmes d'égout".

Cet aspect sombre du texte ne saurait faire oublier la dimension ludique et comique du texte. Les personnages semblent conduit par des chaînes phoniques jusqu'au vertige de la confusion : Bouvard entre

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