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JE VIS JE MEURS - LOUISE LABE

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Par   •  19 Mai 2014  •  1 780 Mots (8 Pages)  •  2 164 Vues

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SONNET VIII de LOUISE LABE (1555)

1 Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;

2 J’ai chaud extrême en endurant froidure :

3 La vie m’est et trop molle et trop dure.

4 J’ai grands ennuis entremêlés de joie.

5 Tout en un coup je ris et je larmoie,

6 Et en plaisir maint grief1 tourment j’endure ;

7 Mon bien s’en va, et à jamais il dure ;

8 Tout en un coup je sèche et je verdoie.

9 Ainsi Amour inconstamment me mène ;

10 Et, quand je pense avoir plus de douleur,

11 Sans y penser je me trouve hors de peine.

12 Puis, quand je crois ma joie être certaine,

13 Et être au haut de mon désiré heur2,

14 Il me remet en mon premier malheur.

1) grief : grave, très pénible

2) heur : bonheur

INTRODUCTION

Courant : HUMANISME. Louise Labé construit sa renommée littéraire autour du cercle poétique lyonnais, sous l’influence du pétrarquisme et du néoplatonisme qu’elle assimile et personnalise. Elle fait publier en 1555 son recueil d’œuvres qui comprend notamment Le débat d’Amour et de Folie, ouvrage en prose qui expose un dialogue argumenté et Les Sonnets et Elégies, où la poétesse laisse cours à l’expression de ses sentiments, d’où est extrait « Je vis, je meurs … », huitième sonnet d’une série de 24 poèmes. On verra comment Louise Labé rend compte dans son sonnet de la dualité du sentiment amoureux et de son caractère instable. C’est d’abord par un désordre durable et mystérieux des sens que se manifeste la passion amoureuse, vécue enfin comme « la folie d’amour » à valeur universelle.

I/ Manifestations physiques d’un état de désordre

A. Construction énigmatique du sens : des sensations aux sentiments

 Accumulation de sensations : le froid / le chaud, le dur / le mou, le sec / le mouillé, que l’on décèle dans : « J’ai chaud extrême en endurant froidure. La vie m’est et trop molle et trop dure ; Je me noie, je sèche ». Le sens du toucher qui est exclusivement exprimé correspond à une conception charnelle de l’amour qui s’éloigne du stéréotype platonicien de l’amour chaste et de nature intellectuelle. Il s’agit là, au contraire, d’une expression très sensuelle (voire érotique) et physique de la passion jusque dans ses désordres et ses malaises.

On ne connaît d’ailleurs la cause de ces diverses sensations qu’au vers 9, début des tercets, qui forment ainsi une unité de sens différente des quatrains : c’est « l’Amour » précédé de « Ainsi », connecteur logique qui l’introduit. L’amour est bien la source de ces manifestations physiques intenses. Évocation de son aspect funeste : « je meurs » associé à « brûle » et « noie », verbes mortifères qui lui donnent une dimension inquiétante, dangereuse et fatale.

Omniprésence du « je » et des adjectifs possessifs de première personne du singulier (« me », « mon », « ma »), réaffirmés à chaque vers mais sans aucune marque du féminin ! On note aussi l’absence de référent car l’être aimé n’est pas nommé et il n’y a aucune adresse directe à son égard ce qui contribue à un certain mystère mais aussi à l’universalité. L’expression de la douleur, abondante dans le lexique : « ennuis », « larmoie », « douleur », « peine », « malheur », se centre donc sur elle-même, comme si elle était produite par un sentiment désincarné ! Est-ce discrétion sur l’identité de l’amant ou tradition allégorisante ou analyse des états provoqués par la passion ? Sans doute les trois aspects …

Les deux tercets expriment l’illusion causée par l’amour : en témoignent tous les verbes et adjectifs de modalisation : « penser, croire, certaine, désiré ». Un seul thème parcourt le poème qui insiste sur les désordres et les contradictions de la passion d’amour, au sens étymologique de souffrance. Le registre lyrique est donc bien présent même si le corps participe des sentiments !

B. L’inscription de la douleur d’amour dans le temps

Les temps : le présent d’énonciation (« je vis, j’ai chaud, je pense, je crois ») marque un état physique et moral, actuel et durable, mais aussi répétitif, tandis que le gérondif (« en endurant ») marque la simultanéité d’états contradictoires comme si la passion figeait le temps, ce qui lui donne un caractère intemporel et universel.

Particularité du mot à la rime « dure » qui est, soit le présent du verbe « durer », soit l’adjectif qualificatif « vie […] dure » qui associe ainsi le temps et la souffrance.

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