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Essai Littéraire (Romain Gary)

Dissertation : Essai Littéraire (Romain Gary). Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  25 Octobre 2021  •  Dissertation  •  2 069 Mots (9 Pages)  •  356 Vues

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« Tout art appliqué, ou […] “engagé” est un avortement lorsqu’il veut d’abord servir autre chose que lui-même ». Romain Gary, Pour Sganarelle, 1965.

“Le seul engagement possible pour l'écrivain c'est la littérature”, a écrit Alain Robbe-Grillet dans son essai, Pour un nouveau roman, où il met en avant l’évolution entre le roman traditionnel que l’on tient de Sartre, celui de Flaubert et le roman contemporain ou Nouveau Roman qui remet au goût du jour les émotions primaires. De ce mouvement l’on compte Romain Gary qui dans son roman, Pour Sganarelle, publié en 1965 écrit que : “Tout art appliqué, ou […] “engagé” est un avortement lorsqu’il veut d’abord servir autre chose que lui-même ». Gary met l'accent sur le fait que tout créateur d’art, l'écrivain ici, ne doit pas oublier, au profit d’une cause, qu’il est en premier lieu un romancier qui met son art en avant. L’image de l’avortement est forte, illustrant la volonté de l’écrivain de s’amputer lui-même de son art au profit d’un art déguisé qu’est le roman “engagé”. Avec l’emploi des guillemets, Gary indique son mépris pour la littérature que prône Sartre, pour qui la littérature engagée est la définition même de ce que doit être la littérature : un outil pour dépeindre les maux du siècle ou simplement les mécanismes de la vie sociale. Gary ne donne pas de définition exacte indiquant ce qu’est pour lui le véritable art du roman, seulement qu’il doit servir à quelque chose. L'œuvre du romancier doit-elle fatalement desservir un but ? Nous commencerons dans un premier temps à souligner le fait que le roman ne possède pas toujours une notion d'engagement. Ensuite, en deuxième temps nous nous questionnerons sur la volonté didactique faisant évoluer le genre romanesque au statut de divertissement en allant au-delà de l'engagement. Puis, pour conclure nous mettrons en avant le fait que le roman engagé et ancré dans son époque prend le risque de disparaître au fil du temps.

Une œuvre romanesque est un outil qui a montré son talent pour véhiculer les idées de son auteur, seulement on oublie que trop vite qu’à ses débuts le roman n’était pas un genre très apprécié. Jugé trop simple et non-savant de par sa langue principalement romane et non latine, la langue des grands genres à l’époque médiévale. Le roman dépeignait des fictions narratives ou le merveilleux était principalement au cœur, bien loin des questions politiques et morales. Dans un roman comme L’Astrée d'Honoré d’Urfé, considéré aujourd’hui comme un bijou du genre pastoral qui met en scène les passions amoureuses des bergers, le lecteur de l’époque est immédiatement plongé au cœur d’une histoire d’amour (celle d’Astrée et Céladon) contrariés par des éléments extérieurs. Une longueur touffue et une quarantaine d’histoires enchâssées dans le récit initial font de cette œuvre les prémisses des futurs romans-fleuves, eux-mêmes relatant des sentiments amoureux qui n’ont toujours aucuns liens avec la vie sociétale de l’époque ; l’accent est mis sur le divertissement. Une notion visible à travers l'Ensorcelée de Barbey d’Aurevilly qui mélange fantastique, roman historique et chronique. A l’image de la “matière” l’auteur dépeint la Normandie, près de la lande de Lessay et de l’abbaye de Blanchelande, qui sont des lieux réels durant la contre révolution des Chouans que le lecteur observe à travers le passé de l’abbé de La Croix-Jugan. Bien que l'œuvre s’apparente plus à un roman historique que fictionnel, les incohérences des évènements historiques brisent l’illusion : l’auteur situe la bataille de la Fosse en 1798 et non pas en 1799. Une approximation qui remet en avant le romancier et non pas l’historien. Il n’y a aucune démarche réaliste dans cette œuvre, “c’est la couleur du temps” (note p.287) que Barbey met en avant. Si certains romans ne sont pas exempts de morale, comme L'Ensorcelée qui porte une attention énigmatique au Mal d’après Pierre Glaudes dans son essai Esthétique de Barbey d’Aurevilly ; l’accent n’est pas forcément mis dessus par l’auteur. Ainsi, un roman peut n’être que ce que son auteur prétend qu’il est, c’est un aspect que l’on rencontre au XIXe siècle (siècle du naturalisme et du réalisme) avec le roman policier. Déjà mis en avant par Émile Gaboriau, c’est avec l’invention du récit réduit à la seule enquête dans Double Assassinat dans la rue Morgue d’Edgar Allan Poe que des romanciers comme Edouard Chavette avec La chambre du crime ou bien Henry Cauvain avec son œuvre Maximilien Heller, ont pu dépouiller leurs œuvres de toutes traces d’engagement. Seule l’enquête tient le lecteur en haleine.

Plus encore que le divertissement, le roman vise un but précis, la notion de « placere et docere » prend alors tout son sens. Effectivement, le genre romanesque doit séduire tout en portant sa volonté didactique et le romancier à un rôle de précepteur invitant son lecteur à regarder au-delà. C'est-à-dire qu'il dirige l’attention sur un sujet qui lui tient à cœur. Au XVIe siècle, Rabelais invite le lecteur dans son prologue de Gargantua, au détour d’une parodie de roman cherchant une dimension supérieure, à trouver un message caché derrière le caractère comique et romanesque de ses œuvres. C’est l’enseignement par le rire qui est recherché. Et par-delà les aspects burlesques et sérieux, dans son écrit Rabelais souligne la liberté que possède le romancier dans son œuvre et qu’elle peut être utilisée comme un support d'enseignement. Dans une seconde œuvre, Gary se prête au rôle d’éducateur avec Tulipe. Bien loin du rire, c’est le cynisme d’un homme ayant vécu la guerre que Gary s’attaque au lecteur. Tulipe n’est pas un personnage agressif, mais perdu dans un monde d’après-guerre bouffé par une amertume qu’il rejette sur la société en s’inventant un combat à mener qui n’est qu’une supercherie elle-même dénoncée dans un semblant de mise en abîme par le personnage de l’esclave et du maître. Le doute habite l’ensemble de l'œuvre, jusqu’à la fin où Tulipe est à l’image des personnages de Rabelais (Pantagruel et Gargantua), dévorant le monde dans un geste pathétique

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