Dissertation sur les romans

  Les romans et plus généralement les récits ont toujours eu la faveur des lecteurs, même lorsqu’ils étaient décriés pour leur immoralité ou leur invraisemblance. Ils captivent en général par la richesse des péripéties qu’ils présentent et par les aventures qu’ils font vivre. Toutefois on peut se demander si une histoire intéressante suffit à  faire un bon roman. S’il est vrai que l’histoire est un élément capital pour que l’on apprécie un roman, d’autres éléments sont aussi déterminants pour captiver le lecteur : la pertinence des personnages et de leur psychologie, la portée critique, sociale ou philosophique d’un roman, et enfin l’art de l’écrivain, son style.

   La qualité d’un récit tient essentiellement à la richesse de l’histoire qu’il raconte : ce sont les événements que vivent les personnages, les péripéties dont ils sont les acteurs qui captivent surtout les lecteurs. Dans un récit, le lecteur apprécie d’abord l’enchaînement des aventures, il aime qu’un roman soit prenant et lui fasse oublier son univers familier. Ainsi les romans d’aventures comme Les trois mousquetaires dans lequel se multiplient les actions (amours de d’Artagnan et Constance, mission pour la reine, tentatives d’assassinat de milady) ont toujours un grand succès auprès des lecteurs.

   Ensuite, l’organisation de l’action, ses surprises et ses rebondissements sont un moyen de capter l’attention du lecteur. L’intérêt de la lecture réside souvent dans l’agencement des événements, dans les effets d’attente et de suspens. C’est ce qui justifie le succès des romans policiers dans lesquels les actions priment, notamment celles du meurtrier et de l’enquêteur. C’est le cas dans Une poignée de seigle d’Agatha Christie où les meurtres s’enchaînent et que l’enquêtrice Miss Marple mène une course contre la montre.

   Même quand l’intrigue est brève et unique, elle peut à elle seule susciter l’intérêt du lecteur. C’est le principe des nouvelles, récit court dans lequel l’action est travaillée en vue de la chute la plupart du temps surprenante. Le lecteur des nouvelles de Matheson, auteur américain des années 60, lit ses textes pour la qualité de l’intrigue et la fin qui n’est jamais celle attendue.  Le jeu du bouton  raconte ainsi le cadeau fait à un couple : une boîte avec un bouton. Appuyer sur ce bouton permettra au couple de gagner 50 000 dollars mais une personne mourra. Toute l’histoire réside dans la question : vont-ils ou non appuyer ? Qui mourra ? Peu importe les personnages ce qui compte, c’est leur histoire.

Ainsi une action riche en rebondissements conduite avec adresse et ménageant le suspens est le critère qu’avancent les lecteurs pour qualifier une œuvre de bon roman.

   L’intérêt d’un récit (roman ou nouvelle) repose sur la qualité de son histoire ; c’est ce qui dans un premier temps retient le lecteur. Mais une bonne œuvre est aussi une œuvre qui se distingue par un travail sur les personnages, la qualité de son style et la réflexion qu’il propose au lecteur sur la société.

    Sans personnages, pas d’histoire. Et celle-ci n’est passionnante que parce qu’elle « arrive » à quelqu’un. Les auteurs sont en général très attentifs dans le choix des personnages et dans le développement de leur personnalité, car ils savent que le lecteur y attache une grande importance soit pour le détester, soit pour l’aimer, voir s’y identifier. Ils prennent souvent le temps de les décrire, d’évoquer leur caractère, leurs habitudes afin qu’ils deviennent réels et habitent leur histoire. Ainsi dans les premières pages de Bel-Ami, Maupassant prend soin de peindre un portrait en mouvement du personnage principal, bel homme opportuniste qui ne craint pas de piétiner les autres pour parvenir à ses fins. On comprend dès le départ que cet homme à femmes se servira d’elles pour satisfaire ses ambitions et son comportement ne surprendra pas au fil de la lecture.

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