Dissertation sur le roman

Le roman, genre littéraire apparaissant au XIIème siècle, se caractérise principalement par une narration fictionnelle. Initialement écrit en vers, dès le XIIème siècle celui-ci sera repensé en prose. Ce genre, bien que mal considéré initialement, gagnera en popularité avec les époques. De nombreux auteurs ont débattus sur ce qu’il doit et ne doit pas être. Ils ont, par conséquent, essayé de le structurer tandis qu’il était apparu comme étant un genre aux contours mal définis. Julien Gracq, un écrivain du XXème siècle a, dans En lisant, en écrivant soutenu sa conception du roman et a affirmé que : « J’ai toujours été étonné de la méprise qui fait du roman, pour tant d’écrivains, un instrument de connaissance, de dévoilement ou d’élucidation (même Proust pensait que sa gloire allait se jouer sur la découverte de quelques grandes lois psychologiques). Le roman est un addendum à la création, addendum qui ne l’éclaire en rien : ce qu’est un enfant de sept ans sait parfaitement dès qu’il a mis le nez dans son premier vrai livre […] que le roman soit création parasitaire, qu’il naisse et se nourrisse exclusivement du vivant ne change rien à l’autonomie de sa chimie spécifique, ni à son efficacité : les orchidées sont des épiphytes ». Dans cette citation, Julien Gracq semble mettre en garde les lecteurs : le roman serait menacé par une tendance à privilégier, par certains auteurs, son caractère didactique. Il dénonce des auteurs qui instrumentalisent le roman, qui le présentent comme un modèle d'existence mais également qui, dans le genre romanesque, font l'amalgame entre écriture fictionnelle et réaliste. Ainsi, le roman serait dénué d'une esthétique particulière et devrait, apporter quelque chose au lecteur. Par conséquent, le roman ne serait plus considéré comme étant une œuvre originale qui existerait pour elle-même. Il affirme que le roman doit être considéré comme une entité autonome bien qu’il prend forme la réalité. Cependant, peut-on réellement postuler que le roman est un genre littéraire existant pour lui-même ? et les auteurs peuvent-ils tangiblement se tromper sur celui-ci ? Afin de répondre à cette problématique, nous allons tout d’abord voir qu’en effet, le roman est pensé par certains auteurs comme étant un instrument d’optique pour voir et questionner le monde, puis nous verrons que le roman doit être pensé comme genre littéraire existant pour lui-même et nous terminerons sur l’idée du roman, comme objet de réception.

        Dans sa thèse, Julien Gracq évoque que certains auteurs se méprennent lorsqu’ils utilisent le roman comme instrument d’optique dans le but de voir et de questionner le monde. Ainsi, il confronte deux conceptions du genre romanesque et affirme son positionnement face à cela.  En regardant l’histoire romanesque dans son entièreté nous pouvons en effet constater que des auteurs se servent du roman pour apporter quelque chose au lecteur, pour qu’il puisse une fois sa lecture achevée, être plus savant. C’est pourquoi, il semble important de penser le roman comme genre littéraire ayant une visée didactique et militante.  Cependant, ce savoir peut prendre différentes formes. Nous pouvons dans un premier temps penser au roman d’apprentissage, également appelé roman de formation ou roman d’éducation. Il s’agit d’un sous-genre romanesque né au XVIIIe siècle ayant pour thème le cheminement physique et psychologique d’un héros, généralement un jeune homme, qui atteint au fil du récit l’idéal de l’Homme accompli et cultivé. Tous les romans d’apprentissage ne mettent pas l’accent sur les mêmes valeurs éducatives, les uns favorisent l’éducation sociales, tandis que les autres l’éducation morale, sentimentale ou même, sexuelle. De Montaigne à Flaubert, les auteurs s’inscrivent dans une tradition moraliste de la littérature française croyant en sa fonction didactique. Nous pouvons notamment évoquer Candide ou l’optimiste de Voltaire. Ce roman raconte l’itinéraire du jeune Candide, un jeune homme qui, après avoir été chassé d’un château, va être formé à l’optimisme par son maître le philosophe Pangloss en étant jeté dans le monde. Candide, naïf et intègre, fait son éducation sentimentale et mondaine au moyen de diverses épreuves et rencontres. A la fin du récit, celui-ci parvient à se forger une personnalité et une philosophie. Ce conte, permet au lecteur de grandir aux côtés du personnage éponyme, et d’en tirer une leçon de sagesse selon laquelle il est vain de chercher le bonheur dans les explications métaphysiques. Par conséquent, ce roman possède une réelle dimension didactique et apporte quelque chose au lecteur. Dans une continuité, nous pouvons également penser à Stendhal, et plus particulièrement à son roman Le Rouge et le Noir. En effet, dans la première partie du roman, Julien Sorel, encore adolescent, évolue grâce à ses nombreuses maladresses, ce qui n’est pas sans donner une allure comique au récit. Bien qu’il puisse être parfois naïf, le personnage a lui-même conscience de ses erreurs. Nous pouvons penser au passage où son vif esprit ne lui évite pas de faire une sottise devant Madame de Rênal au début du chapitre XIV du premier livre : « Il fut gauche et s'exagéra sa gaucherie. Madame de Rênal la lui pardonna bien vite. Elle y vit l'effet d'une candeur charmante ». Nous pouvons également songer à son éducation sentimentale, faite aux côtés de Mathilde de la Mole et de Madame de Rénal. Par conséquent, nous pouvons voir que ces auteurs, appartenant respectivement aux XVIII et XIXème siècles écrivent afin d’éduquer le lecteur dans la mesure où ils lui donnent les clés pour devenir un homme accompli et cultivé. D’autre part, toujours dans cette dimension didactique nous pouvons penser aux romans moralisateurs. En effet le XVIIe siècle est marqué par une attirance prononcée pour la littérature d’idée dont Pascal sera l’une des figures majeures. Cet auteur et homme de sciences est à l’origine de Les Pensées, un recueil posthume comprenant des fragments de sa réflexion. Ce livre inclassable est considéré comme un monument de réflexion et d’argumentation pouvant inspirer au lecteur suffisamment d’effroi pour accepter les leçons du catholicisme. Nous pouvons également y retrouver les qualités et « l’honnête homme » du siècle, que Pascal incarne par la subtile harmonie de l’artiste, du moraliste, et du croyant. Par conséquent, les auteurs moralistes proposent aux lecteurs des réflexions sur les mœurs : sur l’homme, son caractère et sa façon de vivre. C’est pourquoi, il est aisément soutenable que ces œuvres ont une visée didactique. Outre cet aspect, nous avons évoqué le roman comme genre littéraire ayant une visée militante. En effet, à travers l’histoire littéraire de nombreux écrivains se sont servis du roman afin de militer contre les maux de la société dans laquelle ils évoluent. Cela leur permet d’informer les lecteurs sur ce qui va et ce qui ne va pas. Ils défendent des idées politiques et encouragent leurs lecteurs à les rejoindre dans leur lutte. Nous pouvons notamment penser à Christine de Pizan, et plus particulièrement à La Cité des Dames. Dans cette œuvre romanesque, l’auteure prend la défense des femmes en rassemblant des exemples de femmes illustres de tout temps. Un travail mené dans un récit allégorique, où nous pouvons retrouver une dame, une femme dont la noblesse est celle de l’esprit plutôt que celle de la naissance. Elle milite ainsi, pour que la femme de la place dans la société soit reconsidérée. Cette œuvre, publiée en 1405, est par conséquent particulièrement osée. Elle se sert de la littérature pour faire passer ses idéaux et les inviter les lecteurs, et lectrices à réfléchir sur ce sujet. C’est pourquoi la littérature militante a une certaine dimension didactique. En outre, de nombreux auteurs se sont servis du roman afin d’instruire le lecteur ainsi que pour l’inviter à mener une réflexion sur lui et sur la société dans laquelle il évolue.

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