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Contemporain de dramaturges

Commentaire d'oeuvre : Contemporain de dramaturges. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  20 Janvier 2014  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 888 Mots (8 Pages)  •  707 Vues

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Contemporain de dramaturges comme Hugo, Dumas ou Mérimée, Musset a fréquenté assidument le Cénacle ou la bibliothèque de l’Arsenal, hauts lieux du Romantisme dont il sut toutefois s’émanciper. Celui qui rêvait de devenir le Schiller ou le Shakespeare français aspirait aussi, en effet, à écrire une œuvre personnelle et singulière, ainsi qu’en témoigne sa conception du « théâtre dans un fauteuil » conçu pour être lu. Ceci nous conduit donc à nous demander si sa pièce Lorenzaccio, publiée en 1834, s’inscrit effectivement dans le genre littéraire du drame romantique. Nous démontrerons que la pièce répond en bien des points aux conceptions esthétiques romantiques, tant dans ses aspects formels que thématiques, puis nous analyserons en quoi elle les dépasse et s’en émancipe.

Musset, à l’instar des dramaturges romantiques, prône un théâtre libéré des contraintes énoncées par Boileau dans son Art poétique en 1674 « Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli/ Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli. »

La durée de l’action de Lorenzaccio est particulièrement dilatée puisqu’il s’écoule au minimum dix jours entre l’exposition et la mort du personnage éponyme. Ce rejet de l’unité de temps est exhibé par l’alternance des scènes nocturnes et diurnes ainsi que par les didascalies comportant des indications temporelles comme « jour » ou « nuit ». On peut également noter à titre d’exemple que Lorenzo explique à Philippe Strozzi, acte III sc3, son intention de tuer le duc « demain ou après-demain ».

L’unité de lieu n’est pas épargnée puisque Musset se livre à un véritable éparpillement des lieux. Les personnages évoluent entre Florence et Venise, à l’image des bannis, et même si Florence confère une certaine unité géographique au drame, puisqu’elle constitue la toile de fond de 33 scènes sur 36, elle est représentée sur le mode de l’éclatement. Ainsi 5 des 6 scènes de l’acte I se déroulent dans des points différents de la cité florentine : un jardin, une rue, le palais des Cibo, celui du Duc et les bords de l’Arno. Il convient alors de remarquer que cet éclatement permet à Musset de proposer une vision complète, totalisante de la ville. Il répond en cela aux aspirations du drame romantique qui entend embrasser la totalité de la réalité et qui conçoit, conséquemment, ces règles classiques comme autant d’invraisemblances.

Ce désir justifie aussi l’assouplissement de l’unité d’action, sur laquelle nous reviendrons, et le refus des bienséances que Boileau résumait ainsi : « Ce qu’on ne doit point voir, qu’un récit nous l’expose ;/ Les yeux en le voyant saisiront mieux la chose ;/ Mais il est des objets que l’art judicieux,/ Doit offrir à l’oreille et reculer des yeux. » Fidèle en ce point à l’esthétique romantique, Musset ne recule ni devant la représentation du corps ou l’évocation de ses besoins, ni devant celle de la violence ou du sang versé. On sert les épées des fourreaux Acte I sc4 (« Sire Maurice : il tire son épée »), on croise le fer acte II sc1 dans la chambre de Lorenzo, puis on achève difficilement le Duc, sur la scène, Acte IV sc 11 comme le soulignent les didascalies : « Il le frappe » et « Il le frappe encore ». Lorenzo va en outre jusqu’à brandir la « bague sanglante » que la mâchoire d’Alexandre a symboliquement imprimée à son doigt. Le champ lexical de la violence et du sang intervient à de nombreuses reprises, notamment acte II sc5 lorsque Pierre Strozzi affirme : « Je me promènerais volontiers l’épée nue, sans en essuyer une goutte de sang ». A cela s’ajoute les nombreuses mentions de la luxure et l’évocation de la chaire dans les scènes où Salviati et Alexandre courtisent les jeunes femmes, mais aussi dans d’autres qui suggèrent combien les relations entre Alexandre et Lorenzo sont ambigües et flirtent avec l’homosexualité. On peut également mentionner à ce titre, la sc6 de l’acte II, dans laquelle le Duc pose « à de mi-nu » pour Tebaldeo.

Ces entorses aux règles classiques se conjuguent avec d’autres ambitions esthétiques. Le théâtre romantique se veut en effet historique et politique et Musset ne déroge pas à cette tendance puisqu’il opère lui aussi un détour par l’Histoire, la Renaissance italienne, pour offrir au spectateur une réflexion sur la France de 1830. Il contourne ainsi la censure et répond au goût de ses contemporains pour le pittoresque. Certains anachronismes comme la mention des pavés, du chocolat ou encore du bonnet phrygien, conjugués à des allusions plus ou moins codées, permettent ainsi au lecteur-spectateur de discerner les effets de miroir et de lire par exemple les aspirations républicaines des étudiants florentins, acte V sc 6, « Puisque les grands seigneurs n’ont que des langues, ayons des bras. Holà, les boules ! les boules ! Citoyens de Florence, ne laissons pas élire un duc sans voter. » comme l’expression des revendications républicaines du peuple parisien de 1830.

Mais si Musset partage avec les romantiques le choix du sujet, il en partage aussi l’écriture. Son œuvre s’inscrit aussi dans le genre du drame romantique en ce qu’elle mélange les genres et les registres et en ce qu’elle se fonde sur de savants jeux de contrastes. Il apparaît ainsi fidèle aux principes énoncés par Hugo dans sa préface de Cromwell en 1827 : « Le réel résulte de la combinaison toute naturelle de deux types, le sublime et le grotesque, qui se croisent dans le drame, comme dans la vie et la création. Car la poésie vraie, la poésie complète, est dans l’harmonie des contraires. ». Musset, qui cherche à proposer une vision totalisante de la situation de Florence, puise donc allégrement dans ces principes

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